Un nouveau drapeau flotte sur la marmite slovaque

Slovaquie/France/UE – La tentation est grande de comparer l’arrivée d’Igor Matovic au pouvoir en Slovaquie à celle d’Emmanuel Macron à l’Elysée il y a bientôt trois ans. Les deux chefs d’Etat n’ont pas seulement leur âge en commun, le Slovaque étant l’aîné du Français d’à peine quatre ans, mais aussi une conception très personnelle du pouvoir qui se résume en prétendant pouvoir apporter un vent nouveau dans le paysage politique.

Pas d’absolu dans la victoire
Mais la similitude s’arrête là, car Matovic, contrairement à Macron, n’aura pas de majorité absolue au Parlement et devra composer avec au moins deux autres formations pour mener à bien le difficile combat contre la corruption, un fléau qui a été la pierre angulaire de son programme deux ans après l’assassinat du journaliste d’investigation Jan Kuciak et de sa fiancée Martina Kusnirova, un double meurtre qui avait provoqué une vague de protestation et contribué à crédibiliser le parti du « Peuple ordinaire » (Olano), fondé en 2010 par Matovic en personne. Lors des élections au Parlement, en 2016, l’Olano ne récolta que 11% des suffrages et il y a à peine deux mois, les cinq instituts de sondages le créditaient de 12,6 (Institut Actly) à maximum 16,3% (Kantar). Mais il en va des études d’opinions comme des prévisions astrologiques, on n’est pas tenu de les prendre à la légère mais il est recommandé de les analyser avec prudence. On en a eu la preuve en Slovaquie où le parti donné troisième ou au mieux second, est arrivé largement en tête avec plus de 25% des voix, soit quatorze points de plus qu’en 2016 et 53 sièges au Parlement (35,3%).

Un hommage partiel rendu par les urnes

Sur ordre de la mafia calabraise, impliquée dans un sordide scandale immobilier, furent exécutés le journaliste d’investigation, Jan Kuciak, et sa compagne, étudiante en archéologie, Martina Kusnirova. Ce double-meurtre suscita une vague d’indignation et prouva qu’adhérer à l’Union Européenne ne garantit pas la mise à mal de la corruption, du pain bénit pour les eurosceptiques !

Cette ascension est due à la prise de conscience des Slovaques qui se sont aperçus, en 2018, que leurs dirigeants sociaux-démocrates n’avaient eu aucun scrupule à cautionner les agissements de la mafia calabraise qui se sont soldés par l’assassinat de deux innocents. Samedi dernier, les Slovaques ne se sont toutefois que partiellement vengés car le parti social-démocrate demeure toujours la seconde force politique du pays avec 18,30 % des suffrages et 38 sièges. En troisième et quatrième positions se trouvent deux formations à égalité avec 17 sièges chacune mais avec lesquelles Igor Matovic ne pourra former un gouvernement car elles ont des positions divergentes à l’égard des appartenances à l’Union Européenne et/ou à l’OTAN, deux organisations auxquelles le vainqueur, issu de la société civile, est très attaché. Pour mener à bien sa politique et respecter son programme, Igor Matovic n’aura d’autre choix que de pactiser avec deux partis minoritaires, un néolibéral « Liberté et Solidarité » (13 sièges) et un conservateur « Pour les gens » (12 sièges), fondé par l’ancien Président de la République, Andrej Kiska, un chef d’entreprise millionnaire et philanthrope, une exception dans le monde politique européen dans le sens où il est demeuré indépendant. Grâce à ces deux partenaires potentiels Igor Matovic disposera d’une courte majorité de 78 sièges, soit 52% mais risque de se retrouver face à une opposition tripartite qui est parvenue à mobiliser des populistes de droite et des populistes de gauche. La Slovaquie a beau être membre du groupe Visegrad, elle ne pourra être dirigée, à l’instar de la Pologne, de la République Tchèque et de la Hongrie par un parti dominant comme le sont respectivement le PiS à Varsovie, l’ANO à Prague ou le Fidescz à Budapest. Elle se distingue par son appartenance à l’euro qui sert prioritairement les économies allemande et autrichienne représentant à elles-seules près du tiers de ses importations. L’avenir des Slovaques dépend autant du successeur d’Angela Merkel que de leur nouveau Premier Ministre. Vjp

 

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