Le Président de la diaspora roumaine

Roumanie/Europe Centrale/UE – Est-ce parce qu’ils considéraient la victoire du Président sortant, Klaus Johannis, comme acquise, compte tenu de l’avance prise sur sa rivale social-démocrate au premier tour de scrutin, toujours est-il que les Roumains se sont une fois encore distingués par un taux record d’abstentions. A peine un électeur sur deux (49,87%) a accompli, dimanche dernier, son devoir électoral et la plupart des observateurs justifient ce manque de civisme par la généralisation d’un dangereux sentiment de défiance à l’égard des milieux politiques. Certes, les pouvoirs du Président de République de Roumanie, sont limités comparativement à ceux de son homologue français, mais ce n’est pas une explication suffisante au défaut de participation. La crise est beaucoup plus profonde qu’on ne l’imagine généralement en occident car elle se caractérise par une scission entre les autochtones et la diaspora qui, elle, s’est massivement rendue aux urnes pour plébisciter Johannis et lui accorder plus de 90% de ses suffrages. Ces ressortissants roumains vivent majoritairement en Allemagne où 835 bureaux de vote avaient été mis à leur disposition pour qu’ils puissent accomplir leur devoir civique. Ils ont opté pour le premier président roumain appartenant à la minorité allemande, ouvertement libéral et européen, non pas tellement pour que les choses changent en profondeur dans leur pays d’origine mais plutôt pour ne pas avoir à y retourner. Les Roumains, encore davantage que les Polonais, les Tchèques ou les Slovaques ont souhaité entrer dans l’Union Européenne non pas pour mettre leur pays aux normes et standards occidentaux mais pour s’en évader. A ce niveau-là l’UE a tenu toutes ses promesses et jamais depuis la chute de Ceaucescu, le pays n’a été autant inégalitaire. La République des Carpates devient l’incarnation de tous les maux de l’Europe parce qu’en plus d’une décennie, elle n’est toujours pas parvenue à tirer un trait sur les séquelles du communisme. Les héritiers des orthodoxes fidèles à l’ancien régime, sont devenus des experts ès-corruption qui ont trouvé, grâce à l’Europe, matière à se nourrir. A aucun d’entre eux, il ne vient à l’idée d’émigrer car c’est en restant sur leur sol natal qu’ils s’enrichissent. Ils deviennent millionnaires grâce aux détournements de fonds publics qu’ils obtiennent en se fabriquant de faux diplômes. Lorsque la DNA, office de lutte contre la corruption, parvient à les prendre les mains jusqu’au coude dans le sac, peu importe car les fonctionnaires de la justice voire le ministre en personne, ont agi de même avant eux. La nouvelle présidente de la Commission Européenne, Ursula von Leyen, est la première à avoir conscience de ce mal spécifiquement roumain et, pour s’en parer, avait choisi une femme pour occuper un des postes de Commissaire au sein de l’institution bruxelloise. La présidente s’imaginait faire d’une pierre deux coups, garantir à la fois l’intégrité et la parité hommes-femmes mais mal lui en a pris car la parité, à cause d’une Roumaine corrompue, n’est plus respectée (cf. à ce propos notre article du 31 octobre 2019). Dans ce contexte, il est difficile de parier sur l’avenir politique de la Roumanie car, si la légitimité du président-sortant réélu, mathématiquement et électoralement parlant, ne peut être remise en cause, en revanche sa capacité à redresser le pays demeure limitée. Son attachement à l’Europe a été efficace le 24 novembre dernier mais cela suffira-t-il pour redonner espoir aux neuf millions de Roumains qui ont préféré s’abstenir plutôt que rêver à de jours meilleurs ? (Source : adz/ Version en français : pg5i/vjp)

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