Les jeunes Allemands ont leur nouveau messie

Allemagne – Si Greta Thunberg est rapidement devenue une star en Allemagne, elle s’est néanmoins très rapidement retrouvée dans l’ombre de Rezo, de quelques années son aîné mais infiniment plus lucide qu’elle parce qu’il n’a pas limité son combat à la protection de la nature mais l’a élargi à une critique de la société toute entière. En l’espace de quelques mois et grâce à son immixtion dans la campagne aux élections européennes, il est parvenu non seulement à mobiliser mais à fidéliser plus de 16 millions de personnes de sa génération. Sa vidéo « Die Zerstörung der CDU », c’est-à-dire la « destruction de l’Union Démocrate-Chrétienne », a fait de lui le Youtubeur le plus célèbre de la République Fédérale et lorsqu’il a poursuivi son travail de sape à l’adresse de la presse trop bien pensante à l’égard des institutions en place, il est devenu, de fait, l’homme à abattre, ce qui n’a pas été possible car, s’étant hissé au sommet des personnes les plus écoutées, il est devenu intouchable.

La CDU n’a rien compris au topo

Le parti d’Angela Merkel, en réagissant négativement et frontalement aux discours teintés d’humour et d’ironie du jeune Rezo, plutôt que de s’interroger, à savoir pourquoi il avait autant de succès auprès de la jeune génération, a commis l’erreur qu’il fallait à tout prix éviter. Il a eu une attitude belliqueuse alors qu’il aurait dû profiter de la situation pour instaurer une détente intergénérationnelle qui n’existe plus en Allemagne, comme ailleurs. Ce manque de clairvoyance risque de coûter cher à la formation politique incarnée par la Chancelière qui, à l’instar du plus vieux parti allemand, le Parti Social Démocrate, perd de jour en jour de plus en plus d’adhérents parmi les 16-50 ans, ce qui ne laisse rien augurer de bon quant à la crédibilité future de ces deux blocs qui, même liés par une coalition douteuse, ne semblent plus être en mesure de gouverner car ils ne représentent plus la majorité de l’électorat. Avec Rezo, les états-majors sont tombés sur un os, car il possède en lui, tout ce qu’une société ultramédiatisée et connectée attend d’un porte-parole c’est-à-dire d’un homme qui sait observer, analyser, se moquer, satiriser, adopter l’attitude et trouver le mot juste. Alors qu’on s’imagine bien la jeune Suédoise broder à l’ombre d’un chêne sur une toile de Fragonard, on se représente bien le jeune Allemand portant une épée dans une série de Netflix, draguer un couple bi dans un film d’auteur et pourquoi pas tomber amoureux d’Isabelle Huppert dans la prochaine comédie de François Ozon. N’en déplaise à ses détracteurs, ce petit « merdeux », ce d’jeun qui s’ébat devant sa caméra vidéo séduit plus qu’il ne déplaît, au grand dam des politiques mais aussi des puissants journalistes de connivence avec ces « gens-là ». Car après la CDU, Rezo s’en est pris ouvertement aux deux institutions, la Bild Zeitung et la Berliner Zeitung, les deux titres de « caniveaux » de moins en moins lus mais encore suffisamment achetés pour uniformiser la société. Qu’il ait été désobligeant dès la première diffusion de ses spots sur YouTube , est une évidence qui se révèle aujourd’hui salutaire. L’hebdomadaire Die Zeit, le seul support de référence dont peut aujourd’hui s’enorgueillir la République Fédérale et le seul à voir son tirage augmenter, a eu l’intelligence d’accueillir le jeune homme de 27 ans dans ses rangs. Sur Die Zeit Online, il publiera toutes les deux semaines sa propre chronique « Rezo stört » (Rezo dérange). Un rythme nécessaire à la prise de recul par rapport à l’information. Les Allemands connaissent le Rezo qui réagit à chaud, ils vont apprendre à connaître celui qui raisonne à froid ! Il va sans dire que nous ne manquerons aucune de ses tribunes car ce qu’il pense de son pays, n’est pas très éloigné de ce que nous pensons, ici, du nôtre. vjp

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