Des milliers de jeunes Tchèques qui changent le monde

Groupe de collégiens se produisant dans le cadre du ZUS-Open, festival unique au monde dans sa conception

République Tchèque – Les Tchèques, qui ont pris des mesures drastiques pour lutter contre le coronavirus, croisent les doigts et espèrent que l’épidémie sera jugulée avant la fin du printemps. C’est en effet du 16 au 20 mai qu’est programmé le ZUS-Open, un festival unique au monde dont l’objectif est de mettre en lumière le potentiel artistique de dizaines de milliers de jeunes écoliers.   

L’héritage d’un président-philosophe

Plutôt que d’investir des centaines de millions d’euros dans des stades de foot, des terrains de jeux, des piscines et des gymnases, plutôt que de considérer le sport comme le principal épanouissement des enfants, les gouvernements occidentaux qui se sont succédé au cours des cinquante dernières années auraient été plus efficaces s’ils avaient eu l’intelligence d’aller voir ailleurs, dans d’autres pays, ce qui se pratique en matière d’éducation véritablement nationale car ouverte à tous. Le plus exemplaire dans ce domaine est la République Tchèque ou plus exactement l’ex-Tchécoslovaquie, cette jeune République née après la première guerre mondiale qui a eu la chance d’être fondée et présidée pendant près de 20 ans, de 1918 à 1935, par un homme qui a su rester philosophe et sociologue tout en étant à la tête du pays. Il s’appelait Tomas Garrigue Masaryk et Prague n’oublie pas, cette année, de commémorer le 170ième anniversaire de sa naissance, car tous les Tchèques savent et ont appris que, sans lui, leur pays n’aurait probablement jamais existé. C’est grâce à Masaryk que les femmes tchèques ont eu accès au droit de vote, il y a exactement 100 ans et s’il a tenu à rajouter officiellement à son nom celui de naissance de son épouse, c’est parce qu’il ne pouvait s’imaginer un monde sans l’influence de celles qui donnent la vie. Masaryk fait partie de ces hommes que les féministes aguerries veulent oublier car, en réalité, sans eux, elles n’existeraient pas. Sans cet homme, né en Slovaquie,  la culture et l’éducation tchèques ne seraient pas ce qu’elles sont ; c’est-à-dire inséparables. Ce qui fait la fierté des Tchèques, ce ne sont pas seulement leurs universités et écoles techniques supérieures qui ont su résister aux annexions dont le pays a été victime mais leurs écoles primaires et leurs collèges programmés de manière à ce que tous les élèves, quelles que soient leurs origines sociales aient accès  à ce qui est réservé en occident aux enfants des élites. Chaque année et sur tout le territoire les écoles primaires d’éducation artistique, communément appelées ZUS , accueillent des dizaines de milliers d’enfants pour les former  à la musique, aux arts plastiques, à la danse, à la littérature et au théâtre. Les cours sont ouverts à tous et les parents ne sont mis à contribution que par le truchement d’une somme symbolique, la quasi intégralité des frais de gestion étant à la charge de l’Etat. Ce dernier part du principe que dans tous les coins du pays peuvent se cacher des talents et qu’il est de son devoir de les faire découvrir. Ce maillage du territoire a donné des résultats concluants et on compte par centaines le nombre d’instrumentistes, d’interprètes, d’écrivains, de metteurs en scène, de compositeurs ou de danseurs qui ont fait leurs armes à quelques pas du lieu où ils sont nés et qui ont aujourd’hui une renommée internationale.

Magdalena Kozena, une mezzo-soprano au service de la vulgarisation de la culture

Tout collège cache son ou ses talent(s)

En réalité, pratiquement tous les établissements scolaires sont des mines à talents qui se dévoilent lors de manifestations, de mini-festivals pluridisciplinaires qui ont lieu dans les grandes villes mais aussi et surtout dans celles qui, ailleurs, seraient occultées. Cette volonté d’ouvrir la culture à tous est encouragée et soutenue par les artistes en personnes au premier rang desquels la soprano Magdalena Kozena à l’origine d’une fondation censée compléter les moyens mis à la disposition par l’Etat. C’est à cette cantatrice mezzo-soprano, épouse du chef d’orchestre Simon Rattle, que les Tchèques doivent les ZUS-Open, une manifestation créée au printemps 2017 qui a permis à plus de 250.000 élèves des 480 établissements culturels que compte la République, de s’exprimer par la danse, la musique et le théâtre dans des lieux aussi divers que peuvent l’être un église, un château, un parc, une gare ou un jardin zoologique. A l’instar de sa consoeur Irena Pohl Houkalova qui a parrainé l’édition 2018, Magdalena Kozena est issue d’une de ces écoles complémentaires aux écoles classiques, ces écoles où on apprend à lire, à écrire et calculer le matin pour s’épanouir l’après-midi dans des disciplines qui ne consistent pas, comme le rappelle Dana Syrova, directrice de la fondation, « à  former des artistes professionnels mais à montrer que l’activité artistique a sa place dans le développement de l’enfant, qu’elle peut l’accompagner pendant toute sa vie et qu’elle est aussi importante que le sport. » Mais il n’en demeure pas moins que, même si la finalité n’est pas de générer des stars de la scène, beaucoup en sont devenues, à l’instar des deux précédemment citées. Deux élèves sur trois choisissent la musique comme discipline et confirment ainsi une tradition ancrée dans l’histoire de la Bohême et de la Moravie qui ont vu naître les compositeurs Dvorak et Smetana mais aussi beaucoup d’autres moins emblématiques qui ressortent de l’ombre grâce à ces journées dédiées à l’art et à la culture. Si cette quatrième édition est très attendue, c’est parce que l’initiatrice, en cette période de troubles et d’incertitudes où personne ne sait exactement quelle direction va prendre l’Europe, va mettre les bouchées doubles. Le 15 mai, elle accompagnera les jeunes écoliers dans trois lieux , les villes de Teplice et Parubice et le petit village de Neratov dont le nombre d’habitants ne dépasse pas les deux cents. Chaque année des prodiges, découverts grâce aux programmes d’éducation artistique,  s’associent spontanément à l’événement, ce festival qui s’immisce près des chaumières, là où on ne l’attend pas et ce serait une réelle malédiction, pire qu’un crash boursier, s’il venait à être censuré par un virus. vjp

 

 

 

 

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