Pour sauver l’Europe, sauvons la Bulgarie !

Bulgarie/UE – Pour être autorisées à intégrer l’Union Européenne, les Républiques d’Europe Centrale ont reçu des leçons de justice de la part des puissances occidentales. Toutes ont accepté d’abolir la peine de mort, une condition sine qua non qui n’a pas été difficile à respecter puisqu’elle n’était plus appliquée. Dans certains pays et plus particulièrement dans les deux qui sont entrés tardivement dans l’UE, en l’occurrence la Roumanie et la Bulgarie, les cours assurés par les occidentaux n’ont pas été suivis et écoutés comme espéré, et il est depuis plus de dix ans prouvé que les fonctionnaires et ministres en charge de faire respecter le droit, dans ces pays,  les ont séchés.

Tswetan Tswetanow, vice-président du GERB : il a dû démissionner du Parlement après une affaire de corruption

Le plus gros échec de la Commission de Bruxelles a été son incapacité à mettre un terme à la corruption, un fléau qui contribue à creuser les inégalités et à encourager tous les vices dont une société, dite civilisée, doit se débarrasser. C’est à cause de la corruption et du détournement délictueux des fonds publics, qu’ils soient nationaux ou européens, que des milliers de jeunes gens sont contraints de fuir leur pays pour tenter leur chance à l’étranger. Tous les problèmes auxquels l’Europe est confrontée, tirent leur origine de ce mal qui est difficile à éradiquer car il est cautionné par des corrupteurs passifs, ceux qui attribuent des aides sans demander les moyens nécessaires au contrôle de leur utilisation.  En Bulgarie, le mal s’est tellement institutionnalisé qu’il s’est normalisé et on commence à s’interroger, à savoir si les Bulgares ne vont pas bientôt faire confiance aux plus corrompus pour être gouvernés. Bien qu’il ait été impliqué dans un scandale immobilier à grande échelle qui a tenu les Bulgares en haleine pendant des semaines, le parti au pouvoir GERB (Parti Populaire pour le Développement Européen de la Bulgarie) est arrivé en tête aux élections européennes avec 30,94%, soit 6,5 points de plus. A l’origine de l’affaire, dont beaucoup ont cru qu’elle pût mettre un terme au gouvernement en place, Tswetan Tswetanow, vice-président du GERB,  chef de la fraction de ce parti au Parlement et à ce double-titre, deuxième homme fort du pouvoir après le 1er ministre Bojko Borissow.  C’est grâce à ce dernier qui s’est profondément impliqué dans la campagne que le GERB a non seulement pu sauver les meubles mais renforcer sa position. On a assisté à Sofia au même scénario qu’à Budapest où les dirigeants ont été davantage salués que désavoués.

La Turquie déjà représentée à Strasbourg

Pendant des années ce vieil homme bulgare a mendié par tous les temps dans une rue de Saint-Etienne sans qu’aucun des centaines d’agents dits « sociaux » que compte la ville ne s’en offusque !

Mais ce qu’il faut retenir du scrutin bulgare est la percée du parti pour le Droit et la Liberté qui représente les intérêts de la communauté turque et s’est positionnée au troisième rang avec 16,36% des suffrages. La Bulgarie s’est distinguée le 26 mai dernier par le taux de participation le plus bas d’Europe et seuls 26,2% des électeurs ont accompli leur devoir civique. Certains observateurs imputent cette forte et inquiétante abstention au hasard de calendrier qui a fait se coïncider le scrutin avec le pont du 24 mai, jour où on célèbre la fête, unique au monde,  de l’Alphabet et des Lettres. Chaque année, à cette occasion, les Bulgares mettent de côté tous leurs problèmes pour rendre hommage aux frères Cyrille et Methode, deux religieux qui, en créant et vulgarisant l’alphabet slavo-bulgare, ont contribué à faire du royaume de Bulgarie un creuset de la culture européenne. L’explication vaut ce qu’elle vaut mais ne peut occulter tous les défis face auxquels la société bulgare est encore confrontée et notamment ceux nés de l’intégration dans l’Union Européenne. Les Bulgares sont européens dans l’âme mais demeure le symbole de l’Europe qui est condamnée à souffrir. C’est dans cette République, constituée de minorités que s’est érigée une politique de clans faite de compromis entre turcs, Roms, macédoniens et d’autochtones d’origines allemande, roumaine, slovaque ou hongroise. Il ne faut dont pas s’étonner que cinq partis seront représentés à Strasbourg parmi les 17 députés qui y siègeront. Ce « groupe »  bulgare, aussi hétérogène qu’improbable, trahit à lui seul les difficultés à construire une Europe susceptible de tenir le même langage. Il est impossible parmi les 17 parlementaires d’en trouver deux qui sont du même avis sur les principaux sujets qui préoccupent les Bulgares. Les relations avec la Turquie et la Russie, avec l’OTAN, avec certains pays européens dont le voisin roumain et le gros investisseur allemand,  les droits de l’homme, l’exode de la population active, la politique de la santé et de la justice, l’urbanisation  anarchique, la protection de l’environnement et  l’approvisionnement en énergie. Tout cela n’est pas rien pour une République qui, plus d’une décennie après son intégration dans l’Union Européenne, demeure toujours un des pays les plus pauvres de la planète. Dans ce contexte, il ne faudra donc pas s’étonner si des prises de position bulgares s’échappent des beaux discours convenus sur la belle civilisation européenne qu’il faut construire. Pour bien reconstruire l’Europe, il eût fallu que, de Lisbonne à Tallinn et d’Helsinki à Palerme, que toutes les têtes de liste, de droite, de gauche, du centre, du centre-gauche, du centre-droit, de l’extrême-droite, de l’extrême-gauche oublient leurs querelles de chapelle et se donnent un objectif commun : «  nous nous engageons à sauver l’Europe en sauvant la Bulgarie ! Ensemble nous nous donnons cinq ans pour que tous les petits Bulgares soient vaccinés, pour que tous les adolescents Bulgares aient une formation, pour que tous les jeunes adultes Bulgares ne soient plus obligés que quitter leur pays pour survivre, et pour qu’il n’y ait plus un seul Bulgare contraint à 80 ans de venir mendier en occident ! » . Naturellement, cette vision humaniste et humanitaire de l’Europe est utopique mais il n’est pas interdit d’en rêver. vjp

 

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