Nouveau débat stérile sur les pleins pouvoirs à Orban

Hongrie/UE/Monde – Plutôt que de s’interroger à savoir comment elles pourraient solidairement et rationnellement lutter contre la pandémie, plutôt que de se concerter sur les moyens à mettre en œuvre collectivement pour généraliser des tests fiables et fabriquer en urgence des masques, les instances européennes toutes compétences confondues, y compris les Cours de Justice et des Droits de l’Homme, perdent leur temps à alimenter des tensions politiques sur des sujets qui ne sont que subalternes comparativement au défi face auquel la planète toute entière est confrontée.

Viktor Orban, né provocateur, il le reste

Le miraculeux spectre de la « dictature »
En 2015, tous ceux qui se prétendaient démocrates, ont crû bon de dénoncer la politique hongroise en matière d’immigration. Si Viktor Orban s’est opposé alors à l’accueil des migrants, ce n’est pas seulement à cause de son aversion à l’égard de certaines traditions musulmanes mais c’est aussi parce qu’il estimait que son pays, non colonisateur, n’était pas à l’origine des conflits aux Moyen et Proche-Orients. Cinq ans plus tard, que se passe-t-il ? Tous les pays européens mènent à quelques nuances près la même politique que le ministre-président de Hongrie car tous estiment que les frontières de l’Europe doivent être impérativement protégées. Ni Paris, ni Berlin ne s’offusquent que la Grèce soit la seule à l’heure actuelle à devoir gérer, une situation désastreuse née d’un accord bancal signé à la hâte avec la Turquie (1). Aujourd’hui dans les milieux politiques et intellectuels occidentaux, on s’émeut en toute logique que Viktor Orban ait profité du Covid 19 pour s’arroger les pleins pouvoirs. Et voilà que le spectre de la « dictature » réapparaît aussitôt, ce qui prouve une fois encore qu’à Bruxelles et Strasbourg, on n’a toujours rien compris aux contraintes des pays d’Europe Centrale. Les fonctionnaires bruxellois et les députés siégeant dans la capitale alsacienne ont-ils pris conscience que la Hongrie, la République Tchèque et la Pologne sont les trois pays où transitent chaque année des centaines de milliers de ressortissants d’Europe Orientale dont l’Allemagne et l’Autriche ont prioritairement besoin pour maintenir à flot leur économie agricole et agroalimentaire. En 2017, l’Union Européenne a libéralisé les visas non pas pour permettre aux Ukrainiens, Géorgiens, Arméniens et Biélorusses de photographier les châteaux de Versailles ou de Sans-Souci mais pour y cueillir des asperges, des fraises ou des cerises.

Jeune Ukrainien, en 2019, sur un champ d’asperges en Allemagne, interdit de voyager et de survivre en 2020

L’ouverture des frontières à l’intérieur de la grande Europe n’a pas été conçue à des fins démocratiques, la liberté de voyager, mais à des fins mercantiles, le travail à bas coût. L’Europe a créé en toute impunité une nouvelle forme d’esclavage dont aucun pays d’Europe Centrale n’est responsable. Il est par conséquent mal venu de clouer au piloris des régimes, de les qualifier de « dictatoriaux » alors qu’ils ont été élus démocratiquement et dont les dirigeants sont toujours plébiscités par une majorité de la population. N’en déplaise aux opposants à Orban, les pleins pouvoirs que ce dernier peut s’arroger n’ont rien de comparables avec ceux de Hitler, Mussolini ou Staline. Ils sont en effet nés d’une situation de crise inédite, en Hongrie comme ailleurs, et se limitent à cette circ. Contrairement à ce qu’écrit la presse occidentale, ce n’est pas tant le chef de gouvernement qui obtient les pleins pouvoirs mais le tribunal constitutionnel qui a le dernier mot . Ce qui est reproché à Viktor Orban est le fait que son parti ait une majorité solide et absolue au Parlement mais on pourrait adresser le même grief à la France qui, elle aussi est gérée par une formation dominante, disposant d’un article, le 49.3, qui légalise en toute période les pleins pouvoirs puisqu’il autorise l’application d’une loi en passant outre les débats parlementaires. Les juges des Cours Européennes oublient également que les peuples d’Europe Centrale ont été soumis pendant un demi-siècle à une propagande de masse et mensongère, dont ils ne sont toujours pas sortis indemnes. Ils sont de fait davantage sensibles aux rumeurs que ne le sont les occidentaux et lorsqu’un faux bruit circule, il peut prendre une ampleur aux conséquences dramatiques. Certains sites mal intentionnés ont ainsi publié de fausses informations, dont celle qui consistait à prétendre que le gouvernement avait l’intention de boucler la capitale. De nombreux budapestois ont alors pris peur et fait leurs valises avant de déserter la ville ce qui a sans aucun doute contribuer à propager le virus. Il est des situations qui nécessitent urgence, discipline et autorité et rendent le frontière entre état d’urgence et plein pouvoir extrêmement ténue. Les pleins pouvoirs que s’est arrogé Viktor Orban font plus de bruit à l’extérieur qu’à l’intérieur des frontières car il est admis, y compris par l’opposition, qu’elles ne concerneront que de mesures liées au coronavirus. Elles seront limitées dans le temps c’est-à-dire pendant la durée de l’épidémie. Elles pourraient être éventuellement antidémocratiques si des élections avaient lieu dans les prochaines semaines ou les prochains mois, or la prochaine grande échéance consultative n’aura pas lieu avant 2022. Cette année-là, les Hongrois éliront leurs députés et ce n’est qu’à l’issue de ce scrutin qu’on saura si Viktor Orban a été ou non un dictateur. Pour l’instant les Hongrois ont, à l’instar de tous les autres Européens, d’autres chats à fouetter ! (Source : Budapester Zeitung / Traitement en français : vjp / Nombre de mots : 866)

(1) Parmi les foyers propices à la propagation du coronavirus, se trouve l’île de Lesbos où 20.000 réfugiés sont confinés sur un espace prévu pour un maximum de 3.000 personnes. 40% d’entre eux sont des enfants dont 1.000 sont orphelins ou non accompagnés. Seulement, trois médecins, huit infirmières et deux sages-femmes ont la charge de l’encadrement sanitaire. Combien de temps ces personnes vont-elles rester stationnées dans cet espace où prolifèrent virus, microbes et bactéries ? Personne ne le sait parce que personne ne veut s’interroger, y compris ceux qui, à Bruxelles, sont rémunérés pour trouver une réponse.

 

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