Les salariés de Bosch s’inquiètent de leur avenir

Allemagne/République Tchèque/Hongrie/Pologne/Slovaquie – Il n’est pas dans l’habitude des salariés allemands de faire du forcing auprès de leur direction pour être entendus, or c’est exactement ce qui se passe actuellement à Feuerbach dans la région de Stuttgart, capitale du land de Bade-Würtemberg , fief du groupe Bosch, c’est-à-dire du plus grand équipementier automobile au monde, lequel emploie plus 400.000 personnes sur tous les continents, dont 27.000 en Allemagne.

Frank Sell, représentant du personnel de la branche mobilité du groupe Bosch : il estime trop discrétionnaire le pouvoir de la direction et sollicite une plus grande participation des salariés dans le développement de l’entreprise.

Ce n’est pas tant la guerre en Ukraine et les conséquences qu’elle risque d’avoir sur leur avenir qui inquiètent les salariés de Bosch mais plutôt la disparition programmée des véhicules à combustion et aux contraintes qui vont découler des nouvelles normes antipollution. Quelle place vont-ils occuper après ce double tournant programmé autant par le gouvernement allemand que par les institutions européennes ? Comme personne n’est en mesure de leur répondre de manière claire et précise, notamment en ce qui concerne le maintien ou non de l’ensemble du personnel, Frank Sell, le président du comité d’entreprise de la branche mobilité a pris les taureaux par les cornes et décidé de mobiliser plus de 17.000 collaborateurs qui se sont joints à lui, soit directement sur le site de production de Feuerbach, soit indirectement en se connectant par voie numérique. L’initiative de Frank Sell qui a consisté à interpeller de front les président du groupe, Stefan Hartung, mais aussi la directrice des ressources humaines, Filiz Albrecht, a été d’autant plus saluée par les salariés que 70 à 80% d’entre eux dépendent d’une manière ou d’une autre des véhicules à combustion (*).

Quel avenir pour un groupe pionnier ?

Fabrication en Pologne du système de frein iBooster 2, dont pourront être équipés plus de dix millions de véhicules électriques d’ici 2027. La nouvelle ligne de production se compose de 44 postes d’assemblage automatisés, équipés de sept robots modernes et de systèmes de contrôle, de détection visuelle et de dosage.

Au nom des ses collègues, Frank Sell a demandé à ce qu’une discussion « d’égal à égal s’établisse entre la direction et les salariés ». Parlant au nom de tous ceux qui font vivre le groupe, il réfute l’équation de la direction selon laquelle pour dix postes de travail dans le diesel, il n’y en a que trois dans l’essence et qu’un seul dans l’électrique, or selon Fell il y a suffisamment de missions dans le technologie de l’hydrogène pour maintenir les emplois. Toujours, selon le président du comité d’entreprise, le groupe en multipliant les sites les a dressés les uns contre les autres. Les salariés du groupe Bosch s’inquiètent aussi des délocalisations et plus particulièrement celles qui s’opèrent en direction des pays d’Europe Centrale et plus particulièrement en République Tchèque,  Slovaquie, Hongrie et Pologne (**). M.Sell s’élève contre les subventions dont bénéficient ces territoires et « c’est frustrant pour nous quand nous entendons parler de cela, car dans ces pays le terrain est généralement offert et l’électricité y est gratuite » déplore-t-il avant d’asséner «  je vois d’un œil critique la législation sur les aides de l’Etat » puis de s’interroger «allons-nous avoir besoin de 20% de chômage à Stuttgart pour que l’Etat réagisse ? ». La direction du groupe a naturellement une vision diamétralement opposée quant à la stratégie adoptée pour assurer l’avenir de Bosch. Le fait que ce dernier s’étende aux Etats-Unis ou en Europe de l’Est ne signifie pas qu’il abandonne l’Allemagne car les investissements à l’étranger sont conçus pour garantir des emplois en Allemagne et selon Filiz Albrecht « on mise sur un équilibre entre les sites de production avec des structures de coûts différents afin de préserver la compétitivité internationale. » La direction a par ailleurs fait remarquer que la production automobile mondiale était en baisse et que le passage à l’électro-mobilité nécessitait des investissements très lourds qui s’élèvent chaque année à plus de huit cents millions d’euros. Cette même direction n’a toutefois pas précisé la part de cette somme qui revient à la division mobilité en Allemagne mais tenu à rappeler qu’en 2021, Bosch avait investi 3,9 milliards d’euros dans le monde dont le majeure partie en République Fédérale. Les quatre sites de Bamberg situé en Bavière, Feuerbach et de Homburg et Hildesheim, tous deux implantés dans la Sarre, font figure de pionniers dans le domaine de la mobilité électrique, un secteur qui contribue à ce jour au trois cinquièmes du chiffre d’affaires, lequel sur le dernier exercice s’est élevé à 88,4 milliards d’euros mais, comme le constate la direction, ce secteur ne génère pratiquement pas d’excédents depuis des années . Qu’on le veuille ou non, l’activité des moteurs électriques n’est toujours pas rentable mais il n’en demeure pas moins, comme a tenu à le rappeler Mme Albrecht qu’elle « constitue l’épine dorsale de notre compétence industrielle et de notre leadership en matière d’innovation. »

(*) C’est en découvrant que le mélange air-carburant déclenchait de l’électricité que Robert Bosch (1862-1942) a révolutionné l’industrie automobile. Ce mécanicien de précision puis de génie électrique, onzième d’une famille de douze enfants, est à l’origine de la première bougie d’allumage fabriquée dans son atelier d’usinage et c’est grâce à Robert Bosch que les moteurs à combustion interne ont pu se développer et être commercialisés à grand échelle. Son nom est, notamment en France, associé au bellicisme et à l’esprit de revanche, ce qui est profondément injuste car Robert Bosch s’est toujours opposé à l’utilisation de ses recherches lors le première guerre mondiale. Dans les années 1930, il a investi temps et argent pour réconcilier la France et l’Allemagne et des millions de marks allemands dans des causes humanitaires. Son nom est toujours associé à l’un des plus grands centres hospitaliers de Stuttgart.

(**) Les trois principaux sites de production en Europe Centrale sont situés en Pologne à Mirkow près de Wroclav/Breslau où le groupe emploie près de 8.000 personnes et réalise 1,3 milliards de chiffre d’affaire, généré grâce au iBooster 2, un système de frein spécifique aux véhicules hybrides et électriques, en République Tchèque à Ceské Budejovice (Bohême du Sud) où est développé le système Denox, visant à réduire les émissions d’oxyde d’azote, en Slovaquie à Pedelecs, où le groupe se concentre sur les composants pour bicyclettes électriques. Le choix de cette implantation dans l’est de la Slovaquie a été motivé par la proximité de la Hongrie où le groupe Bosch a pris pied depuis de longues années. (Nombre de mots : 1.050)

 

 

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