Le Crimée risque de mourir de … soif !

Paysage de désolation en Crimée où l’eau manque aux champs mais aussi aux habitants

Ukraine/Russie/Europe Orientale/ UE –Bien qu’ils n’échappent pas à la pandémie, les habitants de la Crimée ont d’autres soucis que le virus car le risque est grand que beaucoup d’entre eux soient contraints de fuir leur pays pour ne pas mourir de soif. Le guerre de l’eau dans la péninsule de Crimée ne date pas d’aujourd’hui mais elle a pris un nouveau tournant à partir de 2014, année au cours laquelle elle a été annexée par la Russie. Depuis le début des années 1960, l’approvisionnement des quelque 2,4 millions d’habitants était garanti par le canal du district de Kherson, situé dans le sud de l’Ukraine que le gouvernement de Kiev a décidé de fermer en réponse à l’annexion.  Les premiers à souffrir de la pénurie d’eau ont été les agriculteurs, contraints de revenir à l’arrosage au goutte à goutte pour s’assurer de modestes revenus. Mais depuis l’automne dernier ce sont tous les citadins qui sont confrontés à de drastiques mesures de restriction d’eau courante. Depuis décembre les habitants de la capitale, Simféropol, ne disposent que de la moitié de la quantité habituelle et les plus âgés ont eu le sentiment de subir à nouveau ce qu’ils avaient  vécu dans les années 1960 et 1970, deux décennies au cours desquelles le régime soviétique avait déjà eu à faire face à de telles difficultés. Pour contrer la stratégie d’usure mise en place par le gouvernement ukrainien, la Russie a investi quarante millions d’euros dans la réparation d’équipements tombés en désuétude avec la construction du canal mais il s’avère aujourd’hui qu’une somme de plus de 500 millions d’euros serait nécessaire pour réaliser les forages imposés par les besoins en eau potable.

Le canal alimentant la Crimée en eau potable: il faisait la fierté de l’Union Soviétique, il est devenu le symbole des rivalités russo-ukrainiennes

Un conflit insoluble dans l’eau

Mais quand bien même, la Russie parviendrait-elle à exploiter toutes les ressources du sous-sol de la  péninsule, elle n’assurerait alors que la moitié de la demande, notamment dans les principales villes que sont à côté de la capitale (350.000 habitants) , Sébastopol (420.000), Kertch (150.000), Eupoatoria (106.000) et Yalta (80.000). La Russie n’a par conséquent pas d’autre choix que de s’orienter vers le dessalement des eaux de la mer Noire. Une première usine destinée à cet objectif, susceptible d’être implantée à Kertch, est à l’étude. Bien que le montant des investissements soit estimé à plus de 600 millions, son coût n’est pas le principal obstacle à son édification ; laquelle nécessite, en effet,  un savoir-faire dont la Russie ne dispose pas et qu’elle ne peut acquérir à cause des sanctions. Plus les pénuries en eau frappent la population, plus les exigences envers l’Ukraine s’exacerbent . « Les autorités ukrainiennes sont agressives envers le peuple de Crimée » a récemment déclaré Vladimir Konstantinov, le président du Parlement de la Crimée annexée, avant d’ajouter « il n’est même pas utile de parler d’eau car elles seraient capables de verser de l’acide sulfurique dans les tuyaux pour que nous la buvions ! » Cette histoire d’eau russo-ukrainienne prouve à quel point les grandes institutions internationales peuvent être inopérantes voire contreproductives lorsqu’il est nécessaire de protéger en urgence quelques millions d’habitants. A la question de savoir si le gouvernement de Kiev est responsable de la crise de l’eau en Crimée, ce dernier répond qu’il ne fait que respecter la mission de surveillance des Nations Unies, laquelle stipule qu’en raison de l’annexion, c’est à la Russie de veiller à l’alimentation en eau des habitants. Le représentant du président ukrainien en Crimée, l’avocat Borys Babyn, s’est exprimé récemment sur Radio Svoboda et a clarifié, à sa façon, la situation en rappelant que l’eau utilisée grâce au canal ukrainien l’était essentiellement pour les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et de la distribution et non à des fins humanitaires. « Il n’est donc pas possible de parler d’obligations» a-t-il conclu.   Pour résumer ce conflit : si des habitants de Crimée meurent de soif, il n’y aura aucun responsable. Il y a 89 ans, des millions d’Ukrainiens commençaient à mourir de faim au nez et à la barbe de la Société des Nations et après tout, comme l’Histoire se répète toujours dans le mauvais sens, pourquoi quelques milliers d’entre eux ne seraient-ils pas autorisés, aujourd’hui,  à mourir de soif sous le regard de l’ONU ? (Source : ukraineverstehen/ Denis Trubetskoy/ Adaptation en français : pg5i/vjp)

 

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