Vent de révolte spontanée sur Saint-Etienne

France – En ce samedi matin 30 janvier, soit quelques heures après l’annonce officielle du prolongement des mesures destinées à lutte contre le Covid, les stéphanois s’attendaient à un week-end encore plus triste et monotone qu’à l’accoutumée. Quelle n’a pas été leur surprise de  voir stationner en divers coins du centre-ville des véhicules de la gendarmerie nationale, venus prêter main forte dès la levée du jour, au personnel déjà pléthorique des polices nationale et municipale. Dans les coins névralgiques du cœur de la cité, sur les places du Peuple, Jean-Jaurès et de l’Hôtel de Ville mais aussi à proximité du centre commercial Centre 2/Auchan et du Marché du Cours Albert-Thomas, point de ralliement de tous les ligériens amateurs de légumes frais et de bonne chair, se sont spontanément regroupées des personnes qui ne se seraient jamais rencontrées sans ce ras le bol généralisé qui croît de jour en jour dans la Préfecture de la Loire. Si la Préfète, Catherine Séguin, fille de l’ancien Président de l’Assemblée Nationale , a jugé utile de mobiliser autant de forces de l’ordre, c’est pour la simple et unique raison qu’il faudrait être aveugle mais aussi  sourd et muet, pour ne pas voir et entendre le tristesse dans le regard et la détresse dans le cœur des habitants d’une ville qu’ils ne reconnaissent vraiment plus depuis la disparition des terrasses. Ne plus pouvoir se regrouper dans le bistrot du coin, y refaire le monde ou y commenter les derniers résultats des matchs de l’ASSE, est la pire des punitions qu’on puisse infliger à toutes ces  personnes qui ne trouvent plus de sens à leur vie lorsqu’on leur déconseille de s’adresser à leurs voisins.

Organisée officiellement pour lutter contre le « sécurité globale », la manifestation s’est transformée en un agrégat de toutes les frustrations

L’ombre des « gilets jaunes »

Selon un gendarme qui était le premier à s’interroger sur ce déploiement, consigne avait été donnée de tout mettre en œuvre pour  que ces groupuscules sortis de l’ombre ne se concentrent pas sur un même lieu, à l’instar de ce qui s’est produit lors du mouvement des « gilets jaunes ». Des samedis noirs que les commerçants ne sont pas prêts d’oublier parce qu’ils  ne s’en  sont toujours pas remis.  Depuis le début de la pandémie, l’actualité stéphanoise est ponctuée d’événements qui frappent de plein fouet les habitants de la ville. En avril 2020, un étudiant stéphanois s’immolait devant le CROUS de Lyon, le 24 janvier dernier, un autre,   en seconde année de BTS, a tenté de se suicider en se défenestrant.   Pour mettre fin à de tels actes, qui ne sont pas une spécificité stéphanoise, le 1er ministre Jean Castex a assuré que le renfort de 80 psychologues et 60 assistants sociaux serait pérennisé jusqu’à la fin 2021. Un chèque de soutien psychologique, dispositif consistant à financer des consultations chez un psychologue de ville pour des étudiants en difficulté, devrait aussi voir le jour. Mais en prenant ce genre d’initiative, le chef de gouvernement ne semble pas prendre la mesure du mal-être qui frappe la jeunesse au nom de la protection des « aînés ». Le recours aux psychologues est devenu une mode, une manière habile de se dédouaner de toute responsabilité. Des cellules psychologiques sont constituées au gré de divers événements. Aux  personnes ayant survécu à un attentat, à un déraillement de train ou à une avalanche et aux  familles des victimes sont proposées des séances de psychologie alors que chacun sait que tout psychologue, aussi brillant soit-il, ne peut jamais se mettre à la place des personnes concernées et n’aura jamais les moyens de corriger les problèmes à la racine. A l’égard des jeunes, étudiants ou non, mais aussi de  toutes les populations dites vulnérables, à l’instar des personnes âgées isolées ou des personnes sans domicile fixe, les psychologues ne sont d’aucun effet lorsque les organismes sociaux sont défaillants.

Des agents compétents plutôt que de psychologues

Le dernier bilan du Secours Catholique prouve à quel point les inégalités en France sont criantes . En 2019, 34% des couples avec enfants vivaient dans un logement précaire. Selon ce rapport, « les personnes les plus fragiles se voient régulièrement refuser l’attribution de logements sociaux du fait de leurs ressources insuffisantes. » Or il est avéré « qu’avoir un logement et pouvoir s’y maintenir est la condition première pour aller de l’avant, mettre en œuvre ses projets et vivre dignement. » Déjà, en 1954, l’abbé Pierre tirait le signal d’alarme et depuis la création de la 5ième République vingt-cinq premiers-ministres se sont succédé à Matignon pour y constituer quarante cinq gouvernements et y nommer presqu’autant de ministres des affaires sociales  devenus au fil des ans des ministres des affaires sociales et des « solidarités ». Mais jouer avec les mots pour se voiler la face ne suffit pas à résoudre les problèmes. Si tel était le cas, avec ses cent départements et ses dizaines de milliers d’agents de la fonction publique voués au « social », la France serait le pays européen le plus égalitaire de l’Union Européenne et  jamais il ne viendrait à l’idée d’un étudiant de se jeter par une fenêtre ou de mettre le feu à ses vêtements. Ces actes sont traités comme de banals faits divers alors qu’il devrait être le symbole d’une société en mal de vivre.  A quoi cela sert-il de faire autant publicité sur la vaccination d’un nonagénaire si, dans le même temps, on passe sous silence le désarroi d’un jeune d’à peine 20 ans prêt à sacrifier sa vie pour se faire entendre ? Combien de temps, d’années voire de décennies faudra-t-il encore attendre pour que les dirigeants prennent conscience qu’il est impératif et urgent de réformer le pays à ses racines et non à son sommet ? Il faut vivre dans une ville comme Saint-Etienne où, selon l’INSEE plus du quart de la population vit en dessous du seuil de pauvreté pour se rendre compte de ce qu’est la misère au quotidien et se représenter une ville qui s’est ghettoïsée pour mieux demeurer obscurantiste. Parmi les micro-manifestations organisées spontanément grâce à une crise sanitaire qui a exacerbé les frustrations, il en est une qui n’a pas manqué d’interloquer les stéphanois qui ne s’étaient jamais  imaginés jusqu’alors que leur ville puisse compter autant de personnes vivant en dehors des normes établies et du seul cadre reconnu par les organismes sociaux du département. Certes, ils ne se comptaient pas par centaines mais tout de même par dizaines, ces LGBT qui, en se réunissant spontanément, n’aspiraient qu’à faire la nique aux opposants au mariage pour tous n’ayant pas digérée la loi Taubira mais toujours très actifs dans ce coin retiré de la France profonde. Mais en réalité, ce double rassemblement de personnes aux pensées et discours antinomiques est tout à fait logique dans un département où il est attribué arbitrairement une situation maritale à deux personnes, qu’elles soient gays ou non, pour rogner sur les aides auxquelles elles ont droit . La France n’a pas besoin de plus de  psychologues mais au contraire de moins d’agents de la fonction publique qui abusent de leur pouvoir. vjp

 

 

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