L’Allemagne s’endette à grande échelle

Allemagne/UE – L’Allemagne s‘apprête à prendre un risque historique en amputant la loi fondamentale d’un article prévoyant un frein au déficit public. Cette discipline budgétaire, qui lui donnait l’image d’un pays bien géré, est mise à mal par la crise sanitaire qui l’oblige à s’endetter comme elle ne l’avait jamais fait depuis la réunification. Pour compenser les pertes fiscales et venir en aide aux secteurs les plus touchés par la pandémie, le gouvernement de coalition est disposé à s’endetter à hauteur de 218 milliards d’euro. 

Rolf Mützenich, porte-parole du SPD au Bundestag
Markus Söder, ministre-président de Bavière

Protéger le système social
« Pour lutter contre la crise, nous n’avons aucune intention d’économiser, a déclaré le ministre social-démocrate des finances, Olaf Scholz, et il ne sera jamais question de remettre en cause notre système social qui a été le facteur déterminant à notre réussite économique. » Le gouvernement mène toutefois une politique dangereuse qui est fondée sur l’espoir d’une reprise de la consommation. Pour inciter les ménages à consommer, les taux de TVA ont été baissés de trois points à 16% pour les produits manufacturés et de 7 à 5% pour les produits alimentaires de base. Cette mesure est prévue jusqu’au 31 décembre 2020 et dès le 1er janvier 2021, cet impôt indirect devrait retrouver son niveau d’avant crise. Le pari est risqué car il est peu probable qu’en l’espace de quelques mois, les Allemands manifestent leur envie d’acheter des produits dont ils n’ont pas forcément besoin, d’autant qu’à l’instar de toutes les personnes confinées, ils se sont aperçus qu’ils achetaient des produits dont ils n’avaient pas forcément besoin, y compris le plus mythique d’entre eux en l’occurrence la voiture. Les pouvoirs publics auront beau doublé la prime à la casse, il n’est pas garanti qu’ils prennent le risque de rogner sur leur épargne pour s’offrir un véhicule dont ils seront forcés de se passer. Exactement comme il y a trente ans après la Chute du Mur de Berlin, les Allemands renouent avec deux maux dont ils se passeraient bien en l’occurrence le chômage et le recours forcé au temps partiel. Les pouvoirs publics allemands ont l’habitude des crises à grande échelle, sont parvenus à les assumer grâce à des instruments qui leur ont permis de faire baisser le nombre de demandeurs d’emploi de 14,7% dans les nouveaux lands et de 8,7% dans ceux de l’ouest en 2008 à moins de 5% sur l’ensemble du territoire dix ans plus tard. Cette performance, unique au monde et en Europe, a permis aux deux partis de coalition de demeurer au pouvoir et s’ils sont toujours plébiscités par une majorité d’Allemands c’est parce que cette majorité là ne voit pas à qui elle pourrait donner sa confiance pour faire mieux. Mais en politique, l’approbation du peuple a ses limites, lesquelles pourraient être rapidement franchies si la situation se détériore. Depuis sa création en 1949, jamais la République Fédérale d’Allemagne n’a enregistré autant de personnes travaillant à temps réduit. Leur nombre s’élevait à 11,8 millions en mai dernier, soit plus du quart de la population active (44,6 millions). L’agence fédérale du travail (BA / Bundesagentur für Arbeit) a publié par ailleurs le nombre de chômeurs qui s’est élevé en juin à 2,85 millions, soit une augmentation de 22,3% par rapport à la même période 2019. Comparativement aux autres pays européens et notamment ceux du sud, l’Allemagne tient le cap car son taux de chômage (6,2%) lui laisse une marge de manœuvre dont ne disposent pas des pays comme la France, l’Espagne ou l’Italie, trois pays qui vont devoir consacrer prioritairement les aides allouées par l’Europe à combler le retard qu’ils ont pris dans le secteur sanitaire. Mais l’Allemagne, première puissance exportatrice au monde, est de fait dépendante de la consommation à l’extérieur de ses frontières. Beaucoup en ont conscience et estiment que la date du 31 décembre 2020 est prématurée et qu’il sera nécessaire de la prolonger . Le ministre-président de Bavière, Markus Söder, membre de l’Union Chrétienne Sociale (CSU) , demande à ce que les nouveaux taux de TVA restent en vigueur tant que la pandémie ne sera pas éradiquée. Il est fort possible que l’avenir lui donne raison car beaucoup sont du même avis, y compris dans les rangs du parti social-démocrate, à l’instar de Rolf Mützenich, porte-parole du SPD au Bundestag. Le parti libéral FDP a mis de con côté en avant les coûts exorbitants générés par le changement des taux de TVA. Ils avaient été estimés à 239 millions par l’Office Fédéral des Statistiques qui est prié de changer d’algorithme et de calculette, car ils se sont élevés à presque dix fois plus, soit 2,25 milliards d’euros. Etant donné que le prix moyen d’une voiture s’élève à 30.000 euros, l’Etat va devoir sacrifier les recettes fiscales de plus de 460.000 véhicules pour amortir sa lourdeur administrative et bureaucratique. vjp (Nombre de mots: 930)

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