Un intellectuel au secours des forêts hongroises

Hongrie/ Europe Centrale – A l’heure où les mouvements écologistes ont le vent en poupe, où des candidats verts sortent vainqueurs aux élections municipales dans des villes où il y a encore quelques semaines personne n’aurait parié un kopek sur leur tête, notamment à Lyon, 3ième ville de France qui avait eu l’audace de se faire traverser par une autoroute, le magazine Budapester Zeitung a cru judicieux de consacrer un long article à la fondation « 10 millio Fa », dont l’objectif est de contribuer au reboisement de la Hongrie. Ce ne sont pas seulement les 12.000 bourgs et villes qui ont souffert de leur changement de nationalité à la suite du Traité du Trianon, il y a cent ans, mais leurs forêts toutes entières qui ont été rayées de la carte au profit des territoires voisins dont la Roumanie qui a hérité d’immenses surfaces boisées dans le sud des Carpates. Alors que la Hongrie devrait être un des pays les plus boisés d’Europe, à peine 20% de sa superficie sont voués à la sylviculture. On pourrait s’imaginer que des ingénieurs agronomes ou des protecteurs de la nature soient les premiers à s’offusquer de cette situation, or il n’en est rien car le plus grand défenseur est un homme qui porte la double casquette d’écrivain et de critique d’arts plastiques. Il s’appelle Ivan Andras Bojar (notre photo) et a eu l’idée de lancer sur Facebook une campagne destinée à reboiser le pays. Ayant appris l’an dernier lors de l’été caniculaire qu’a connu le centre de l’Europe que les arbres étaient le meilleur moyen de lutter efficacement et durablement contre le réchauffement climatique, il est parti de l’idée que si tous les Hongrois se solidarisaient pour oxygéné leur pays, ce dernier récupérerait son retard et ferait oublier en partie les massacres infligés aux sapins, chênes, hêtres, saules, robiniers, épicéas ou platanes, autant d’espèces qui s’épanouissaient à proximité du Danube et dans les montagnes transdanubiennes et septentrionales faisant le bonheur de l’Impératrice Sissi mais qui ont été sacrifiés au nom de la prospérité planifiée puis du libéralisme retrouvé. Ivan Andras Bojar a eu la chance de ne pas être isolé dans une aventure qui aurait probablement tourné au vinaigre si 50.000 personnes n’avaient pas été sur le même longueur d’onde que lui.
Des milliers d’arbres dans plus de 100 communes

En l’espace d’à peine quelques semaines, plus de 40.000 arbres ont été plantés, de quoi faire sortir de l’ombre des experts et des chercheurs en sciences forestières qui, plutôt que de se moquer de cet idéaliste ont préféré l’épauler, le soutenir et surtout lui prodiguer les conseils pour que cette initiative porte ses fruits. « Je ne suis pas politiquement vert mais j’ai toujours été sensible aux discours des verts » déclare le journaliste-écrivain qui ne se permettrait pas de planter un arbre sans l’avis éclairé d’un spécialiste de la biodiversité et des espèces végétales. Les 40.000 arbres plantés à ce jour, ont été financés par des personnes privées sensibles au besoin croissant d’une nature qu’on voit évoluer d’année en année. Les Hongrois ont de plus en plus besoin de leurs forêts pour deux raisons. Premièrement, le pays vit un boom immobilier dû aux mesures d’encouragement à l’accession à la propriété prônées mises en place par le gouvernement. Deuxièmement, parce que les Hongrois, à l’instar de tous les pays qui n’ont pas d’accès à la mer, sont très attachés à leurs forêts. Ce n’est pas un hasard si l’une des chansons les plus célèbres au monde, « Mon beau sapin, roi des forêts » a été composée dans le land de Saxe, lui aussi dépourvu de mers et d’océans. Dans pratiquement tous les romans publiés en Europe Centrale, l’arbre apparaît en filigrane mais aussi comme un élément essentiel à la narration et, à bien y réfléchir , il est en fait logique que son protecteur soit, en Hongrie, un homme de lettres qui a l’ avantage d’être réaliste. Ivan Andras Bojar n’est pas un doux rêveur et sait pertinemment que son objectif de dix millions d’arbres, sa fondation ne l’atteindra pas seule. Elle a été créée pour sensibiliser l’opinion et son plus grand succès a été d’avoir pu mobiliser la population et plus particulièrement les jeunes Hongroises et Hongrois, sensibles à l’idée de voir grandir « leur » arbre qu’ils dédieront peut-être à leur premier enfant. Si tout un chacun, à chaque étape de sa vie, plantait un arbre, les méfaits de la déforestation seraient en partie corrigés. Ce message, l’écrivain-critique hongrois n’aura pas de mal à le faire passer dans les écoles mais aussi vraisemblablement auprès d’entreprises sensibles à l’environnement ; sans oublier les élus locaux qui n’ont aucun intérêt à se mettre à dos leurs futurs électeurs. Compte tenu du démarrage fulgurant de « 10 millio Fa », l’objectif de 150.000 arbres d’ici la fin de l’année n’était pas irréaliste mais la crise sanitaire en a voulu autrement. Ivan Andras Bojar ne baisse pas les bras pour autant. Cent trente communes le suivent déjà car au-delà de l’idée, la fondation prodigue des conseils et suggère une plantation d’arbres adaptés aux besoins, tant sur le plan végétal qu’animal. C’est ainsi que pour éviter la propagation d’incendies, la fondation pourra contribuer à mettre fin aux forêts 100% conifères, comme le font déjà les Allemands qui intègrent des feuillus dans les domaines forestiers ; lesquels attirent des espèces d’animaux, insectes notamment, qui avaient déserté les espaces boisés. Précisons enfin, que l’initiative hongroise a intégré le programme Earth Week de l’UNESCO ,  ce qui lui a permis de prendre part cette année à quatorze manifestions destinées à la protection de la nature et de l’environnement. (Source : György Frenyo / Budapester Zeitung – Version française : pg5i/vjp)
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