Chez Amazon : syndicats ? Connais pas !

 

Allemagne/Pologne/UE – Le syndicat Verdi, second organisme de représentation des salariés allemands après l’IG Metal, a beau être avec plus de deux millions d’adhérents, 3.000 employés et près d’un demi-milliard d’euros de ressources l’une des plus grande force syndicale de l’Union Européenne, il n’en demeure pas moins, qu’il joue avec le feu en s’attaquant frontalement à Amazon et ce, au moment même où la plate-forme de commerce en ligne s’apprête à recruter des milliers personnes pour répondre à la surcharge de livraisons.

Centre de logistique d’Amazon à Graben, près d’Augsbourg en Bavière.

Black Life

Le syndicat a en effet appelé les salariés  d’Amazon à cesser le travail dans la nuit de mercredi à jeudi, c’est-à-dire à la veille du Black Friday, feu d’artifices mercantile dont les Américains ont le secret. Il a par ailleurs été recommandé aux  employés de six des quinze sites présents sur le territoire allemand dans les régions de Leipzig (Saxe), Bad Hersfeld (Hesse), Rheinberg et Werne (tous deux en Rhénanie) , Graben (Bavière) et Coblence (Rhénanie-Palatinat) de reconduire la grève sur trois jours. Verdi a engagé ce bras de fer pour forcer Amazon à signer une convention collective nécessaire à la clarification des horaires,  des rémunérations et des conditions de travail. Ce n’est pas la première fois que l’organisation syndicale prend une telle initiative  mais jusqu’à présent elle ne s’opérait que de manière isolée, sur certains sites dont les abus étaient avérés. Mais à aucun moment le groupe américain ne s’est laissé impressionner et ce, pour la simple et unique raison que la cessation temporaire d’activités n’avait eu aucune influence sur le chiffre d’affaires réalisé. Lorsqu’on parvient à légitimer une nouvelle forme d’esclavage, elle s’exacerbe et il est alors facile de trouver des personnes disposées aux tâches que leurs collègues ne veulent ou ne peuvent plus effectuer.

Les 5 euros de salaire horaire brut de millions de salariés ont fait de lui l’homme le plus riche de la planète !

L’Allemagne : un pays de non droit social !

Dans ce contexte sans foi, ni loi, le réalisme perd toute signification et le syndicat a beau avancer que les « Black Friday »,  « Cyber Monday » et fêtes de fin d’années sont des événements qui fragilisent la santé du personnel tout en enrichissant le   multimilliardaire Jeff Bezos, que rien n’y fait. Les premières tensions entre l’organisation syndicale et le groupe Amazon remontent à mai 2013 mais jamais la première n’est parvenue à se faire entendre du second qui part du principe que tant que les clients seront livrés à temps, il n’y aura jamais le feu au lac.  Pour que les salariés soient entendus comme ils le méritent, il faudrait qu’une majorité de consommateurs boycotte la plateforme ce qui paraît illusoire lorsqu’un groupe parvient à une situation de quasi-monopole.  Mais force est de constater que le géant du commerce en ligne n’aurait jamais atteint une telle vitesse de croisière si certains pays de l’Union Européenne n’avaient pas sacrifié leurs services publics sur l’autel de la rentabilité à tout prix. Il est par ailleurs de plus en plus évident que ce sont les occidentaux qui ont maille à partir avec les GAFAM,  autant sur le plan fiscal que social alors que certains pays d’Europe Centrale, à priori moins armés économiquement,  s’en accommodent ou s’y adaptent. C’est le cas notamment de la Pologne où la poste recrute actuellement 1.200 salariés pour pouvoir livrer en temps et en heure les colis de Noël. En décembre 2019, la Poczta Polska avait pu assurer chaque jour la livraison de plus d’un million de cadeaux. En raison de la pandémie, elle a jugé utile de renforcer ses équipes de tri, de chauffeurs et de coursiers dans les six plus grandes agglomérations du pays. Elle a établi, à l’allemande ( !), une grille de salaire en fonction de la pénibilité du travail, allant de 17 à 28 zlotys bruts par heure ouvrée,  soit de 3,8 à 6,27 euros. Amazon a dû riposter en recrutant dix mille saisonniers sur une période tendue de dix-huit jours (du 8 au 26 décembre). Aucun d’entre eux ne sera contraint de travailler plus de quatre jours par semaine mais le groupe américain s’est bien gardé de fixer une limite au nombre d’heures travaillées par jour payée au tarif standard de 24 zloty (5,37 euros) .Mais qu’ils travaillent à la poste ou chez Amazon, les Polonais ne bronchent pas. Quant à leur gouvernement, il a tout intérêt à ce que les tensions perdurent chez ses voisins, car malgré la pandémie, il a continué à miser sur l’immobilier d’entreprises et plus particulièrement la construction de dépôts et de centres de tris. Selon Tomasz Mika, expert en immobilier au sein de  la société de conseil en gestion JLL, « le volume de transaction immobilière dans ce secteur s’est élevé à 2,2 milliards d’euros. ». A la fin du troisième trimestre la demande en surfaces de stockage atteignait les 3,4 millions de mètres carrés, dont 15% (510.000 m2) pour la seule agglomération de Varsovie. Les coûts de location évoluent entre 4,3 et  5,25 euros par m2 et par mois (57,30 euros en moyenne par an), soit 2,6 et 3,1 fois moins  qu’à Francfort sur le Main et Munich. S’il venait à l’idée de Jeff Bezos de franchir la ligne Oder-Neisse, il le fera sans s’interroger, à savoir si la Pologne est ou non un Etat de Droit… social.  vjp

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