Voitures électriques : un téméraire ne baisse pas la garde !

Allemagne/Espagne – Elles ne font pas de bruit, occupent peu d’espace, elles sont légères et roulent suffisamment vite pour arriver à l’heure à son travail, elles sont faciles à garer dans le moindre espace urbain, bref les petits véhicules électriques répondent à priori à tous les critères pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique et pourtant, et ce n’est pas là le moindre des paradoxes, ils ne parviennent pas à s’imposer sur le marché.

Thomas Albiez présentant son « bébé », une voiture électrique en gestation depuis plus de 30 ans !

Toutefois, à défaut d’une demande, l’offre commence peu à peu à s’étoffer car certains précurseurs de ce type de voitures ne baissent pas la garde. Parmi eux, Thomas Albiez occupe une place particulière dans le sens où il a été le premier, au début des années 1990 à concevoir un modèle « petit format » à propulsion cent pour cent électrique. Ce pionnier est devenu de fait un observateur de ce qu’on appelle aujourd’hui « le tournant écologique » ou plus exactement le renoncement aux énergies fossiles. Et selon lui, la partie n’est pas gagnée car les politiques ont fait le plus mauvais choix qu’il soit en distribuant des primes à l’achat qui ont facilité l’acquisition de grosses cylindrées, des véhicules utilitaires sport (SUV) dont il est déjà prouvé qu’ils ne sont pas compatibles avec la protection du climat, leurs lourdes batteries ne pouvant en effet être chargées sans le recours aux énergies fossiles. « Les subventions ne rendent pas le monde meilleur », a déclaré récemment Thomas Albiez dans le cadre d’un entretien qu’il a accordé au quotidien Tageszeitung, avant de poursuivre «les véhicules doivent être attrayants en eux-mêmes grâce à des dimensions intelligentes, des tailles de batteries acceptables et un faible poids ». S’en référant à l’histoire de l’automobile, l’ingénieur qui n’a jamais baissé les bras, constate qu’il y a toujours eu un marché important pour les véhicules intelligemment conçus . Il cite à ce propos la Coccinelle Volkswagen, la 4L Renault et naturellement la 2CV Citroën que les Allemands assimilaient à un « canard ». Un palmipède qui pouvait avaler des dizaines de milliers de kilomètres sans avoir à faire escale chez les garagistes. Pour mettre au point son Hotzenblitz et respecter ses propres règles, Thomas Albiez est parvenu à concevoir un modèle standard dont le poids se situe entre 680 et 750 kilogrammes, soit 32% et 17% de moins que celui d’une Smart for Two. La structure de base du véhicule a été inspirée par celle d’une formule 1, un cadre en acier léger garantit la sécurité en cas de collision. Pour la coque extérieure, le concepteur a opté pour un matériau facile à recycler en l’occurrence du plastique ABS et selon les besoins du client, le véhicule pourra contenir deux, trois ou quatre passagers. Equipé d’une batterie de vingt kilowattheures, son autonomie dépasse les deux cents kilomètres, ce qui est largement suffisant pour se rendre à son travail, faire ses courses ou effectuer quelques escapades touristiques auprès de chez soi. Pour accélérer le passage vers une mobilité tout électrique, Thomas Albiez suggère l’instauration d’une taxe proportionnelle aux poids des véhicules qui ferait que plus ces derniers seraient lourds, plus l’imposition serait élevée. Il ne croit toutefois pas que puisse être prise une telle initiative, car « malheureusement même des membres de l’Alliance/les Verts croient encore que les voitures électriques de toutes tailles sont bonnes pour l’environnement et il est frustrant de constater que même l’ancien parti écologiste ne veut pas reconnaître que les camions électriques de trois tonnes ne sont pas la solution. Pour que ces véhicules surdimensionnés puissant rouler, nous devons exploiter des centrales fossiles et pousser les réseaux électriques à leurs limites afin que puissent être rechargées le plus rapidement possible les batteries et cela n’a plus rien à voir avec la durabilité de la mobilité ».

Albiez doit composer avec le modèle espagnol Silence S04, déjà commercialisé dans plusieurs pays européens.

Une concurrence bientôt omniprésente ?

Thomas Albiez, bien qu’il soit un des pionniers de la « nanovoiture », n’est toutefois pas le seul à s’engager sur ce créneau car il est déjà concurrencé par le fabricant espagnol de scooters électriques Silence qui propose à plus grande échelle deux modèles S03 et S04 d’une longueur de 2,33 mètres dotés de moteurs électriques de six et quatorze kilowatts autorisant des vitesses maximales respectives de 45 et 90 kilomètres-heure. Le modèle le plus puissant offre une autonomie de quelque 150 kilomètres, largement suffisante pour répondre aux besoins en mobilité des citadins. Mais l’ancien ingénieur qui souhaite s’affirmer plus écologiste que les écologistes risque aussi d’avoir maille à partir avec les constructeurs automobiles historiques qui ne considèrent plus les petits modèles électriques comme une niche mais au contraire comme un marché potentiel. Renault avec la Twizy, Citroën avec l’Ami et Opel avec la Rocks-e ont sciemment élargi leur gamme et exacerbé la concurrence. A ces constructeurs traditionnels risquent de venir se greffer les entreprises chinoises en mesure de proposer des prix à la vente très compétitifs. Il est déjà évident que l’instauration d’une taxe sur le poids des véhicules, si elle venait à être instaurée, profiterait en premier lieu, non pas à celui qui l’a suggérée, mais aux grands groupes présents sur le marché de l’automobile. La généralisation des petits véhicules électriques dont les atouts sur le plan environnemental, sont indéniables dépend essentiellement d’une part d’un changement de comportement des automobilistes qui devraient cesser de considérer l’espace public comme leur propriété, d’autre part des élus locaux qui devraient être soumis à de strictes règles urbanistiques imposant, par exemple, des places de parkings dans les rues spécialement réservées aux petits modèles. Il existe déjà des quotas de logements sociaux qui impliquent des sanctions lorsqu’ils ne sont pas respectés. Pourquoi n’en serait-il pas de même dans le secteur de la mobilité ? kb & vjp

 

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