Victoire de l’AfD : un avertissement plus qu’une menace

Allemagne – Si la victoire du parti d’extrême-droite AfD dans le district de Sonneberg en Thuringe a eu l’effet d’une bombe c’est parce que les médias en ont voulu ainsi en montant en épingle un phénomène qui demeure marginal.

Dans le district de Sonneberg vivent à peine 57.000 habitants et 48.300 d’entre eux étaient inscrits sur la liste électorale des soixante-neuf bureaux de vote soit 0,079% de l’électorat national (1). Si on prend en considération le taux d’abstention de 41%, on ne peut que constater l’aspect relatif de cette victoire du candidat de l’AfD, Robert Sesselmann, lequel n’a dépassé son rival, membre de l’Union Chrétienne Démocrate, Jürgen Köpper que de 1.500 voix. Ce genre d’élections locales sert toujours de prétexte à alerter l’opinion, à l’instar de ce qui s’est produit en France dans les années 90 au cours desquelles plusieurs candidats du Front National étaient parvenus à conquérir des municipalités. Mais on s’est alors très vite aperçu que ni Vitrolles, ni Marignane et ni Orange ne servaient d’exemple et qu’au bout du compte la démocratie a toujours raison des extrêmes. Les opposants à Sesselmann, tous partis confondus, ont été pris de panique au lendemain du premier tour et jugé nécessaire d’ériger une sorte de front républicain qui s’est retourné contre eux. Pire, il a provoqué une mobilisation accrue des sympathisants de l’AfD avec les conséquences que l’on connaît. Plutôt que de diaboliser cette victoire et clouer au piloris ceux qui l’ont cautionnée, les trois partis actuellement en fonction à Berlin, devraient en tirer en toute objectivité les leçons. Qu’on le veuille ou non, l’Allemagne n’est pas encore totalement réunifiée et les citoyens de la partie orientale du pays se sentent toujours d’une manière générale sous-estimés par rapport aux Allemands de l’Ouest qui leur imposent des décisions auxquelles ils n’adhèrent pas.

Robert Sesselmann : il a concentré sa campagne sur les préoccupations du quotidien des électeurs.

Un vainqueur proche du peuple

Une élection locale n’a pas pour vocation de traiter de problèmes de société, elle a pour objectif de mettre un terme aux difficultés du quotidien. Robert Sesselmann l’a très bien compris en concentrant sa campagne sur des attaques directes à l’encontre des Verts qui veulent imposer un changement des systèmes de chauffage. Cette mesure, destinée à réduire les émissions de C02, a fait débat à tous les niveaux de l’échiquier politique à tel point qu’elle en est arrivée certains jours à occulter la guerre en Ukraine, la montée de l’inflation ou la politique européenne en matière d’immigration. Mais si le résultat de scrutin dans ce district du land de Thuringe a suscité autant d’échos, c’est aussi et surtout parce qu’il a coïncidé avec la publication de six sondages d’opinion qui tendent à prouver que l’AfD est en passe de devenir le seconde formation du pays à égalité avec le parti social-démocrate et très loin devant celui des Verts ou des libéraux. L’AfD atteint des sommets aux alentours de 30% dans la plupart des länder de l’ex-RDA. Les dirigeants actuels s’interrogent à savoir pourquoi il en est ainsi alors que la réponse se trouve dans la constitution du gouvernement. Sur les seize ministres en fonction, on n’en dénombre que deux originaires de l’ex-RDA, Steffi Lemke, née à Dessau (Saxe-Anhalt), membre des Verts en charge de l’Environnement et la sociale-démocrate Klara Gleywitz, née à Potsdam (Brandebourg) en charge de l’Habitat. Toutes les grandes fonctions ministérielles (défense, économie, finances, justice, affaires étrangères, travail et santé) sont confiées à des « occidentaux », ce qui contribue à faire de l’Allemagne une République à deux vitesses. Tant que ces mêmes dirigeants n’auront pas pris conscience que les treize millions d’Allemands après trente années de vie commune ont également leur mot à dire sur leur avenir, il ne faudra pas  s’étonner de la montée en puissance de l’AfD qui mériterait d’être assimilée à un avertissement plutôt qu’à une menace. kb & vjp

(1) La République Fédérale compte au total 294 districts auxquels sont attachées 10.416 communes. Le nombre total de personnes inscrites sur les listes électorales s’élève quant à lui à 60,4 millions.

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