France/Ex-Tchécoslovaquie – Comment des ténors d’un parti socialiste déchu peuvent-ils se permettre de condamner le collectif ayant perturbé une conférence sur la « démocratie » prévue à Lille à l’occasion de la sortie commerciale du livre d’un ancien président de la République ?
Pourquoi ces mêmes personnes s’autorisent-elles à ne pas vouloir reconnaître la détresse d’un jeune homme, aujourd’hui entre la vie et la mort et dont le destin est tout tracé car chacun sait qu’après une telle épreuve, un tel courage et une telle détermination, il ne pourra plus jamais regarder l’avenir comme le feront tous les jeunes gens de son âge ?
Un acte désespéré et désespérant
Si ce jeune homme est passé à l’acte, c’est parce qu’il voulait envoyer un message fort, alerter l’opinion sur les inégalités qui ne cessent de frapper tous ceux qui n’ont pas eu la chance de naître dans une société fabriquée par des nantis au profit de leurs héritiers.
Qu’on le veuille ou non, les chiffres sont toujours là pour nous le rappeler, les grandes écoles et les longs cursus universitaires, non seulement ne sont toujours pas à la portée de tous, mais savamment organisés pour qu’ils ne profitent qu’aux seuls enfants de privilégiés.
A qui fera-t-on croire que le fils d’un petit paysan de la Lozère, survivant grâce à d’hypothétiques subventions de l’Union Européenne, pourra se payer cinq à huit années d’études supérieures pour devenir avocat ou chirurgien ?
A qui fera-t-on avaler qu’un gosse de banlieue pourra, à force de ténacité, tenter sans encombre un concours à ces grandes écoles qui coûtent très à l’Etat, sont cofinancées par tous les contribuables, riches et pauvres, mais qui ne forment que des élites pour de futures élites grassement rémunérées pour que rien ne change.
Ce collectif n’est pas violent comme le prétend Julien Gray, cet ancien trotskiste, ce « baron noir » collectionneur de montres de luxe, qui non seulement a perdu une occasion de se taire, mais a profité de ce drame pour ressortir de l’ombre dans laquelle tout le monde, y compris ses anciens et nouveaux faux-amis, eût préféré qu’il restât. Non ce collectif est authentiquement socialiste, dans le sens où il se solidarise avec une jeune homme en désarroi et désormais en cruelle souffrance, morale et physique. N’est-ce pas cette vocation première qu’on attend d’un socialiste ?
L’immolation n’est pas un acte suicidaire comme les autres parce qu’elle s’adresse aux autres plus qu’à soi-même et ne serait-ce qu’à ce titre elle doit faire l’objet d’une analyse collective.
L’immolation est perpétrée pour réveiller les consciences et il est scandaleux d’assimiler la révolte spontanée de quelques étudiants détruisant quelques livres à un autodafé. Lorsque les nationaux-socialistes brûlaient sur la place publique tous les ouvrages écrits par leurs opposants, c’était pour empêcher les peuples de s’enrichir intellectuellement, lorsque des jeunes étudiants sabotent une conférence, c’est pour rappeler au maître de conférence qu’il n’a su respecter ses engagements. La différence est de taille !
On remarquera que le geste désespéré de ce jeune homme n’a pas eu l’écho qu’il méritait parce qu’il dérange. Il dérange dans une société « démocratique » façon Hollande alors qu’il continue de fasciner dans l’ex-Tchécoslovaquie dans une société qui n’est plus dictatoriale façon Staline. Le 16 janvier 1969, Jan Palach , jeune étudiant tchèque, s’est suicidé publiquement par les flammes pour s’élever contre l’indifférence de ses compatriotes mais aussi de tous les occidentaux face à l’invasion de son pays par les forces du Pacte de Varsovie. Il est toujours considéré comme un héros de la liberté et de l’égalité. Il est demeuré l’incarnation d’un vrai socialisme à visage humain. Un demi-siècle plus tard, il fait un émule en France, un pays où on se contente de recoller les pots cassés par cinquante ans de libéralisme et de socialisme. L’Histoire se répète mais pas toujours dans le bon sens ! Vital-Joseph Philibert