L’immigration n’a pas besoin de politique mais de philosophie

France/Europe Centrale/UE – Les Français ont choisi, en 2017, Emmanuel Macron, parce qu’ils étaient las des fausses promesses de ses prédécesseurs. Ils attendaient du 8ième Président de la République un plan de réformes audacieux qui ne laisse plus sur le bas côté de la route les couches sociales les plus défavorisées, celles auxquelles on s’adresse à la veille d’élections et qu’on oublie, dès que le pouvoir est acquis. Le débat actuel sur l’immigration donne envie de plagier Charles Pasqua et de transformer sa formule « nous avons commis la plus belle escroquerie du siècle: nous avons fait croire aux Français que nous étions de droite » en « Emmanuel Macron a commis la plus belle double-escroquerie du siècle, en faisant croire qu’il n’était ni de gauche, ni de droite alors qu’il est les deux à la fois ». La pilule a un goût amer pour tous ceux qui ont contribué à le hisser au pouvoir et le voit réaliser la synthèse de tout ce que les Français n’acceptaient plus.

Où est la différence ?

Quelle différence y-a-t-il entre un ancien chef d’Etat de droite récemment décédé qui reprochait ouvertement aux immigrés de « faire du bruit et se sentir mauvais » et un président fraîchement élu qui dit ne pas avoir à se mêler de ce qui se passe dans la rue ? Quelle différence y-a-t-il entre un ancien 1er ministre socialiste, à priori de gauche, qui déclare que les Roms nous arrivent de Roumanie et de Bulgarie et qu’ils ont « vocation à y retourner » et le même jeune Président qui reconnaît sans ambages dans une revue proche de la droite extrême ne pas avoir beaucoup d’empathie pour ces ressortissants d’Europe Centrale et Orientale impliquées dans des « filières clandestines » , lesquelles, au demeurant, n’existeraient pas si les structures françaises faisaient convenablement leur travail ? Là encore, strictement aucune, car les deux hommes ont le même mépris à l’égard de tous les étrangers, y compris ceux qui ne le sont pas vraiment, car ils sont Européens.

Raviver le passé pour ne pas regarder le présent

Ce qui se passe actuellement en France est indigne d’un pays démocratique voire s’assimile à des méthodes dictatoriales dont celle qui consiste à distraire les foules, à fabriquer des événements qui n’en sont pas pour agir en silence et à l’abri des regards indiscrets. Aux problèmes liés à l’immigration, aux dérives du communautarisme et aux imperfections de la laïcité, Emmanuel Macron avait promis de s’y atteler dès son accession au pouvoir. L’actualité et le mouvement des « Gilets Jaunes » en ont voulu autrement, ce qui est normal car les Français se préoccupent davantage de l’augmentation du prix du carburant que de la présence ou non de femmes voilées à la sortie des écoles. Raviver ce vieux débat sur la place de la religion dans la société qui n’est toujours pas clos 114 ans après la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, n’est ni plus ni moins qu’une campagne de marketing diaboliquement organisée pour éloigner le peuple de ses véritables préoccupations. Ceux qui payent le plus lourd tribu dû à l’incapacité des autorités françaises à gérer rationnellement les flux migratoires sont les ressortissants d’Europe Centrale et Orientale dont il est facile de se débarrasser parce qu’ils nous arrivent de pays prétendus « sûrs », c’est-à-dire sans conflit militaire, alors que plus de 80% d’entre eux ne peuvent plus vivre dignement dans leur pays. Tout se passe à l’heure actuelle comme si un demi-siècle de communisme et de pillage des économies d’Europe Centrale et Orientale, avaient été une parenthèse dans l’Histoire européenne. Il a fallu des siècles à l’Europe pour se remettre des guerres de religions qui l’ont ravagée et voilà qu’aujourd’hui on reproche à des millions de personnes de n’avoir pas pu ou su, en l’espace d’à peine trois décennies, sortir d’un marasme dont ils n’ont jamais été responsables.

Alexandre Dumas : il vouait une admiration sans borne aux peuples du Caucase, géorgien notamment.

Surpopulation et séquelles du communisme
Qu’on le veuille ou non, il est des pays qui méritent davantage d’empathie que d’ autres, des pays qui ont vécu des siècles de soumission, d’oppression, de tutelles autoritaires, le tout dû à une situation géographique stratégique et à une nature souvent hostile qui nécessite courage et témérité pour être domptée. Naître en Géorgie ou en Ukraine, c’est commencer sa vie avec un handicap, celui d’être condamné à ne jamais pouvoir vivre libre. L’Ukraine a toujours été un enjeu entre l’Empire Ottoman et les Russie tsariste et soviétique. La Géorgie a vécu pire en ayant toujours été l’otage des empires perse et russe. Elle est le seul pays de la grande Europe, celle de Brest et Vladivostok, à n’avoir connu que trois années réelles d’indépendance entre 1918 et 1921. Elle a dû attendre plus de 60 ans pour être libre, ce qu’elle ne pourra jamais être si les occidentaux l’abandonnent, à l’instar de ce que fait actuellement Emmanuel Macron. Le Président de la République française, est fier de « panthéoniser » Maurice Genevoix, auteur préféré de sa grand-mère, sans se rendre compte qu’il oblige Alexandre Dumas, autre pensionnaire de ce temple de la mémoire universelle, à se remuer dans sa tombe. L’auteur des Trois mousquetaires  vouait une admiration sans borne à l’égard des peuples du Caucase et plus particulièrement de celui de Géorgie. Si son ouvrage « Voyage au Caucase » n’est pas tombé dans l’oubli, c’est-à-dire depuis exactement 160 ans, c’est parce qu’il demeure d’une actualité troublante. Dans ce récit de voyage, Alexandre Dumas écrit en effet : « Il est plus aisé de tuer les hommes que de faire leur éducation : pour les tuer, il ne faut que de la poudre et du plomb ; pour les instruire, il faut une certaine philosophie sociale qui n’est point à la portée de tous les gouvernements ». On constatera que ce grand écrivain français et métisse, n’a pas utilisé l’expression de « politique sociale », comme si le social sous le Second Empire était déjà une affaire trop importante pour être confiée à des politiques et surtout à leur armada d’agents de la fonction publique trop privilégiés pour se soucier du destin des pauvres, qu’ils soient ou non étrangers. Au contraire, plus il y a de pauvres, plus leur sécurité de l’emploi est garantie. L’auteur du « Comte de Monte-Cristo » préfère utiliser le mot « philosophie » qui évoque la logique, le savoir, la raison et l’intelligence. Et, il n’a évidemment pas tort car pour gérer une société, il faut être logique, et raisonnable avec ce qu’on sait grâce à son intelligence. Cela vaut pour tous les problèmes avec lesquelles cette même société est confrontée, dont le plus récurrent est celui de l’immigration.

Un lycée français dans la capitale belge : est-ce vraiment encore utile ?

Privilégier l’apprentissage de la langue
Comme nous le rappelions ci-avant, la France pour de multiples raisons ne sait pas encadrer l’étranger, car elle ne prend pas le problème à la racine. La France a toujours privilégié la promotion de sa culture plutôt que de sa langue. Elle investit chaque année des dizaines voire des centaines de millions d’euros dans des structures dont chacun sait qu’elles ne sont plus adaptées aux enjeux de notre monde contemporain. L’étranger qui franchit aujourd’hui nos frontières n’a rien en commun avec tous ces artistes et ces talents qui ont fui la France après la révocation de l’Edit de Nantes, la Russie après la Révolution d’Octobre, la Hongrie après les événements de Budapest en 1956 ou la Tchécoslovaquie après le Printemps de Prague en 1968. L’étranger, aujourd’hui, n’arrive plus avec son génie ou ses valises pleines d’or et de diamants, il nous rejoint parce qu’il est victime de la surpopulation de son pays d’origine s’il vient d’Afrique ou des séquelles d’un régime qu’on a imposé à ses géniteurs s’il vient d’Europe Centrale et Orientale. Les causes de la migration étant diamétralement opposées, le pays d’accueil, à priori intelligent, se doit de traiter les demandes d’asile avec discernement et de manière distincte tout en évitant les dérives ségrégationnistes autant préjudiciables aux nouveaux arrivants qu’aux autochtones. Les deux camps, pour se connaître, s’apprécier et se respecter doivent pouvoir tenir le même langage pour se soumettre aux mêmes valeurs de tolérance et d’acceptation de l’autre. Or, il a fallu attendre le 200ième anniversaire de la naissance d’Alexandre Dumas pour que sa dépouille repose à côté de celles de Victor Hugo et d’Emile Zola. Depuis 2002, quatre présidents de la 5ième République se sont succédé à l’Elysée et neuf 1er ministres en ont fait de même à Matignon, assistés par quatorze ministres de l’Intérieur en charge de l’immigration. Aucun n’est parvenu à mettre sur pied une politique rationnelle d’intégration. Cette intégration qui a contraint le 4ième successeur du Général de Gaulle à décréter l’état d’urgence, une première en métropole depuis la guerre d’Algérie et ce, pour des difficultés liées à l’intégration des étrangers. On est naturellement en droit de s’interroger, à savoir pourquoi les autorités françaises préfèrent gérer des situations de crise plutôt que de prendre le problème à la racine, pourquoi on préfère expulser que protéger et surtout pourquoi on continue à considérer l’étranger comme un fardeau alors qu’il peut être une source d’inspiration et de richesse. Pour qu’un étranger s’intègre et assimile les règles du pays qui l’accueille, il doit impérativement maîtriser le vocabulaire de base dont il a besoin pour ne plus être dépendant des autres dans les moindres faits et gestes qu’il accomplit mais aussi est surtout comprendre les règles auxquelles il doit se soumette. Il ne sert à rien de le faire disserter sur une tirade de Corneille, une prose de Flaubert, un poème de Rimbaud ou une fable de la Fontaine, il faut lui apprendre les termes du quotidien pour qu’il puisse comprendre ce qu’on lui dit et répondre aux questions qu’on lui pose.

Formation en alternance d’un réfugié en Allemagne

Les migrations économiques : ingérables mais inévitables
On n’oublie trop souvent que la plupart des Français ne communiquent que par le truchement de quelques centaines de mots, utilisés dans toutes les langues et tous les dialectes. L’étranger ne vient pas en France pour la beauté, la pureté, la sonorité ou les subtilités de la langue française, il franchit le pas vers la France parce qu’il n’a plus assez de quoi manger dans son assiette. Qu’il soit Africain ou Géorgien, les causes de son voyage sont différentes mais le résultat, une fois arrivé, est le même. Que leur pays d’origine, soit « sûr » militairement ne signifie pas qu’il l’est économiquement et il faudra bien que les hommes politiques prennent conscience que les migrations économiques ne font que commencer. Ce n’est pas en décuplant le nombre de fonctionnaires de Frontex, comme le propose le gouvernement français, qu’on va pouvoir éradiquer des flux migratoires qui ne sont que le reflet de l’émancipation et de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, une conséquence de la démocratie en somme. Toutes les migrations réussies , et la France est bien placée pour se le rappeler, sont nées de besoins économiques. Alors, pourquoi devrait-il en être aujourd’hui autrement ? C’est justement parce que l’économie se globalise et que les produits et services se mondialisent qu’il faut non seulement accepter mais encourager les mouvements de population. L’étranger prêt à se séparer de ceux qui lui ont donné la vie, à renoncer à ses amis, à oublier ses traditions le tout pour nourrir sa propre famille et garantir à ses enfants un avenir meilleur, ne mérite pas le mépris mais doit susciter l’admiration. Dans ce propos, il n’est naturellement pas question d’accueillir « tous les miséreux du monde », comme le synthétisait si justement un ancien 1er Ministre socialiste, mais il extrêmement dangereux de ne pas donner une chance aux plus courageux d’entre eux . L’étranger qu’il soit réfugié politique de force ou migrant économique volontaire n’est pas un produit mais un être humain, qui mérite à ce titre un minimum de respect et d’empathie.

De la PAC à la PIC

Il est extrêmement dangereux de voir l’Europe se reconstruire en pratiquant une Politique d’Immigration Commune, comme elle l’a fait avec la Politique Agricole Commune, dont on sait qu’elle a provoqué plus de dégâts que porté de fruits. Pour conclure et revenir au cas français, on peut s’interroger à savoir pourquoi les Allemands et les Autrichiens réussissent là où les beaux parleurs de la très harmonieuse langue de Molière échouent ? La réponse est limpide comme de l’eau de roche, tout simplement parce que l’immigration dans ces deux pays n’est pas l’affaire des seuls politiques mais aussi des entreprises qui ont conscience qu’au final ce sont elles qui profiteront des efforts consentis par tous. Jamais, la Chancelière Angela Merkel n’aurait pu accueillir plus d’un million de réfugiés en quelques mois, si les chefs d’entreprise ne s’étaient pas engagés à jouer leur rôle dans la crise migratoire. Ce qui manque à Emmanuel Macron, ce n’est pas la solidarité du peuple à l’égard des étrangers mais celle du patronat qui, in directement, impose ses propres critères de sélection. Donner l’asile ou attribuer des titres de séjour aux seuls ressortissants susceptibles de jouer un rôle dans l’économie du pays d’accueil, c’est priver d’une carrière et d’un avenir professionnels des milliers de jeunes femmes et de jeunes hommes qui n’ont même pas la possibilité chez eux de se former à des métiers courants en occident. Si on prend l’exemple du plombier polonais qui a fait couler beaucoup d’encre en France parce qu’on l’accusait de venir voler le travail aux nationaux, lui auriez-vous demandé il y a 15 ans de réparer un robinet d’eau chaude, il y serait parvenu, en auriez-vous fait de même pour un appareil sophistiqué de climatisation, il en aurait été incapable. Le travailleur polonais devient dangereux pour son collègue français lorsqu’il travaille aussi bien voire mieux tout en travaillant plus en gagnant moins mais dans ce genre de situation ce n’est pas lui qui est responsable mais l’ employeur. Lorsqu’Emmanuel Macron avoue publiquement l’existence de filières clandestines ukrainiennes ou bulgares il trahit l’incapacité des structures de l’Etat à enrayer un système défaillant et lorsqu’il chasse du territoire français des ressortissants d’Europe Centrale et Orientale, il ne fait que criminaliser et pénaliser des victimes. Car, il ne faut tout de même pas oublier et surtout savoir que si autant de Bulgares ou de Roumains viennent tenter leur chance en Allemagne et en France, c’est parce que certaines pratiques en vigueur dans ces deux pays le sont également dans les républiques du Centre de l’Europe qui, elles, sont confrontées à un afflux de population venant du grand est et plus particulièrement d’Arménie, de Géorgie et d’Ukraine. Lorsque ces jeunes gens prennent pied dans l’Union Européenne, en Pologne ou en République Tchèque pendant trois mois pourenir y cueillir des myrtilles ou des pommes et que pendant cette période ils ont empoché trois ou quatre fois plus que ce qu’ils gagnent chez eux en un an, il ne faut pas s’étonner qu’ils soient tentés d’aller plus à l’ouest pour s’enrichir davantage. Beaucoup d’entre eux tentent leur chance en Allemagne mais comme ce pays n’a pas laissé que des bons souvenirs dans la mémoire collective, ils choisissent la France, un pays qu’ils s’imaginent encore être celui des Lumières, de la tolérance et de la culture universelle, à l’instar de ce que s’acharne à leur faire croire, à coup de millions d’euros, la Fondation de l’ Alliance Française, dont les missions devraient être impérativement, urgemment et exclusivement vouées à un apprentissage rationnel de la langue française sur le territoire national (*) plutôt qu’à la promotion à l’étranger d’une « culture française » qui ne représente plus rien à l’heure des réseaux sociaux, lesquels permettent à tous les citoyens du monde de se faire leur propre culture. Tant que la France continuera à dépenser des centaines de millions d’euros pour faire croire qu’elle est toujours le nombril du monde, tant qu’on n’imposera pas aux entreprises françaises de jouer leur rôle dans la société, tant que les Chambres de Commerce et d’Industrie resteront éloignées de la société civile, la France sera toujours confrontée à des problèmes d’immigration. La crise migratoire en Allemagne a en effet prouvé à quel point la force de frappe des CCI du pays pouvait être efficace. Dès l’arrivée des premiers migrants, toutes sans exception (78 au total) ont créé un site Internet dédié à la crise migratoire et présenté en détail toutes les mesures prises à l’échelon fédéral pour que la crise ne soit pas seulement un défi mais une chance. Grâce au réseau des Chambres de Commerce et d’Industrie rejoint pas celui des cinquante trois Chambres de Métiers, des centaines de millions d’euros ont été débloquées pour que les nouveaux arrivants maîtrisent le plus rapidement possible les bases de la langue allemande, nécessaires à l’apprentissage d’un métier compatible avec l’environnement économique local et régional. Dès les bases du vocabulaire acquises , des programmes de formation en alternance dans des centres d’apprentissage ou directement dans les entreprises ont été mis en place, afin que les étrangers puissent s’intégrer le plus rapidement possible dans la société. Sans cette solidarité, la stratégie d’accueil de la Chancelière aurait été un véritable fiasco. Elle est encore loin d’une réussite totale, mais un pas immense a été franchi, celui qui mène à l’acceptation de « l’autre » par plus de 85% de la population. En effet, si l’extrême-droite prospère dans quelques lands, à l’échelon fédéral elle stagne à 15% . Vital-Joseph Philibert (Nombre de mots : 2.989)

(*) www.pg5i.eu reviendra prochainement sur cette institution séculaire qu’est l’Alliance Française, une organisation qui est tellement ancrée dans les mauvaises habitudes françaises, qu’elle est devenue intouchable. Le problème : elle coûte très cher pour des résultats très limités !

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