Allemagne – Il n’est jamais très sain, lorsque la gente artistique se mêle de politique car cette immixtion dans un univers dans lequel elle n’a en réalité aucune prise, aucun pouvoir trouble davantage le débat qu’elle ne le clarifie. On l’a constaté lors de la soirée de clôture du dernier festival de Berlin qui s’est transformée en tribune pro-palestinienne, ce qui n’a résolu en rien le drame que vivent les populations du Proche-Orient. Au contraire, on a plutôt tendance à penser que ce même drame a été exacerbé, pire qu’il a généré des tensions dans les pays qui ne sont pas directement concernés.
Un germano-africain, cible de l’extrême-droite
Mais il est encore plus malsain, lorsque des membres de la gente sportive aussi voire plus connus que le lauréat d’un Oscar, se voient impliqués contre leur gré dans des polémiques savamment orchestrées par des médias dits de « boulevard » qui profitent de la moindre occasion pour faire monter une mayonnaise à base d’huile frelatée. Et c’est cette très mauvaise aventure dont il se serait passé, que le joueur allemand de football, Antonio Rüdiger est en train de vivre. A l’instar de la plupart des célébrités de religion musulmane, il a été pris pour cible par la plate-forme Nius (prononcer : news), réputée pour ses contenus populistes. Géré par l’ancien rédacteur en chef du quotidien « Bild » , Julian Reichelt, le site Nius a profité d’un post publié sur Instagram par Antonio Rüdiger (notre photo) à l’occasion du Ramadan, pour assimiler ce dernier à un propagandiste extrémiste. Or, le message vidéo du footballeur professionnel adressé en anglais à ses coreligionnaires (« Un Ramadan béni à tous les musulmans du monde entier. Que le tout-puissant accepte notre jeûne et nos prières ») n’exprime aucune incitation à la violence ou au terrorisme et s’il a pointé l’index vers le haut lors de sa brève élocution, c’est tout simplement parce que ce geste qui symbolise le tauhid est un signe religieux, exactement comme l’est le signe de croix pour les chrétiens.
Des détracteurs saisissant la balle au bond
Etant donné que Nius a mis à profit les attentats de Moscou pour accuser le sportif Berlinois, de père germano-africain et de mère sierra-léonaise, d’être un partisan du terrorisme islamiste, celui-ci qui n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, loin s’en faut comme pourraient en attester nombre de ses adversaires sur le terrain, a décidé de porter plainte auprès du parquet de Berlin pour « injure et diffamation, insulte haineuse et incitation à la haine », trois chefs d’inculpation qui pourraient coûter très cher à Nius et son responsable, si les juges venaient à donner raison au plaignant, soutenu par la Fédération Allemande de Football qui a signalé l’affaire auprès de l’Office Central de Lutte contre la Criminalité sur Internet. L’accusé considère les plaintes comme des « mesures d’intimidation » destinées à le faire taire, ce à quoi il ne consentira jamais. Comme il fallait s’y attendre les hommes et femmes politiques ont saisi la balle au bond pour exprimer leurs propres points de vue. La première à le faire a été Beatrix von Storch qui incarne l’aile dure du parti d’extrême-droite AfD et qui estime que « cet homme n’a rien à faire dans une équipe nationale. » Andrea Lindholz, vice-présidente du groupe parlementaire CDU/CSU au Parlement est en revanche beaucoup moins catégorique et estime que le joueur devrait plutôt se pencher sur les problèmes d’intégration dans le pays. Il est déjà certain que cette affaire de doigt levé, un geste qui peut être interprété comme un signe de revendication du pouvoir par l’Etat Islamique, n’a pas fini de faire des vagues en Allemagne car elle synthétise tous les problèmes auxquels le pays est confronté dont le racisme dans le sport et la société toute entière n’est pas le moindre. kb & vjp