Le système Orban est-il en passe de s’écrouler ?

Hongrie/UE – Cette question qu’il aurait été vain de se poser il y a quelques semaines s’est immiscée du jour au lendemain au cœur de l’actualité hongroise. Tout est parti d’une grâce accordée par la présidente Katalin Novak, une proche du Premier Ministre, accordée au codirecteur d’un orphelinat ayant couvert les agissements de sa hiérarchie, en l’occurrence des abus sexuels perpétrés sur de jeunes pensionnaires.

Katalin Novak, désormais ex-Présidente de la République du Hongrie.
Judit Varga, désormais ex-Garde des Sceaux de la République de Hongrie.

Cette décision, contresignée par la ministre en charge de la justice, Judit Varga, également fidèle collaboratrice du chef de gouvernement, a d’autant plus choqué l’opinion que l’équipe gouvernementale s’est toujours vantée de mettre la politique familiale au cœur de ses préoccupations.Les deux femmes directement concernées ont pris le décision de remettre leur démission, ce qui n’a pas suffi à rasséréner le climat, loin s’en faut car, dès leur retrait de la vie politique de nouvelles irrégularités ont été révélées, ce qui a motivé des milliers de personnes à descendre dans la rue pour manifester leur colère. Rarement, on avait vu autant de personnes défiler dans les rues de Budapest mais aussi dans celles de la plupart des grandes villes du pays. En l’espace de quelques jours, un vent de révolution a soufflé dans cette République du centre de l’Europe qu’est la Hongrie et qui n’est plus « exemplaire » comme s’en vantait son dirigeant mais plutôt « bananière » comme s’en réjouissent désormais ses adversaires.

Peter Magyar est devenu du jour au lendemain le seul opposant crédible à Viktor Orban.

« Un initié qui sort de l’ombre »

Qu’un gouvernement et son leader soient impliqués dans un scandale n’est pas une spécificité hongroise, de nombreux homologues d’Orban ont eu un jour ou l’autre dans leurs carrières, passées ou présentes, maille à partir avec la justice, pour de sordides affaires de financement de leurs partis, de compromission avec des personnages douteux ou d’écoutes téléphoniques de leurs rivaux mais là où le bât blesse en ce qui concerne Orban, provient du fait que cette sale affaire de grâce est intelligemment exploitée par l’un de ses plus proches ex-collaborateurs, Peter Magyar. Ce dernier, jusque là plutôt dans l’ombre de Viktor Orban, s’expose désormais à la vue de tous, confirme ce qui était subodoré mais jamais officiellement avoué. Peter Magyar est le seul à pouvoir dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas tout en ayant le privilège de ne pas voir ses paroles remises en cause. Il a été marié avec la Garde des Sceaux démissionnaire dont il s’est séparé il y a un an, ce qui lui a permis de comprendre mieux que quiconque les arcanes souvent insolites du monde judiciaire. Peter Magyar a lui-même étudié le droit, est devenu avocat. Il a longtemps vécu à Bruxelles avec son ex-épouse, puis poursuivi sa carrière au ministère des Affaire Etrangères pour devenir diplomate à la représentation permanente de la Hongrie auprès de l’Union Européenne. A partir de 2015, il a travaillé directement dans le cabinet ministériel de Viktor Orban où il était considéré comme une sorte de « diplomate en chef », une fonction qu’il a abandonnée pour devenir directeur de la Banque Hongroise de Développement. Grâce au cumul de toutes ces expériences, Peter Magyar, 41 ans, s’est constitué un carnet d’adresses et de contacts dont il fait déjà usage pour défier l’actuel chef de gouvernement et son parti le Fidesz, dont il a démissionné. Ce tumulte danubien se déroule à trois mois des élections européennes, un délai court mais suffisamment long pour que « cet initié qui sort de l’ombre », comme le qualifie le politologue Robert Laszlo, puisse faire ses armes sur le terrain. Peter Magyar a déjà annoncé qu’il allait constituer sa propre liste et créer son propre parti. Il ne devrait avoir aucun problème pour récolter les vingt-mille soutiens nécessaires au scrutin européen car il sait habilement jouer des médias sociaux pour demeurer dans le jeu. Les médias et la plupart des observateurs le considèrent déjà comme le rival le plus crédible de Viktor Orban car les accusations qu’il profère prennent leur source à l’intérieur même du régime et il est fort à parier qu’il ait d’autres flèches dans son carquois qu’il affûtera au bon endroit et au bon moment. Etant donné que sa célébrité est née dans des circonstances inattendues et imprévisibles, Peter Magyar n’a pas de programme clairement défini, si ce n’est une politique au centre axée prioritairement sur des réformes des systèmes scolaire et sanitaire. Il veut faire de la lutte contre la corruption son cheval de bataille, un objectif louable qui peut toutefois se retourner contre lui et ce, pour deux raisons, premièrement parce qu’il risque d’avoir été indirectement complice de ce fléau, deuxièmement parce qu’il va se voir privé d’une grande partie de l’appareil d’Etat et de ses agents qui ont tout intérêt à ce que perdure le système patiemment mis en place par Viktor Orban. Le succès et l’avenir politique de l’homme sortant de l’ombre dépendent donc du nombre d’adhérents et d’élus du Fidesz disposés à le suivre. Par conséquent, ce n’est pas tant le scrutin aux Européennes qui sera intéressant à observer mais celui des élections municipales programmées le même jour. (Source : bz/ Adaptation en français : pg5i-vjp)

 

error: Content is protected !!