Orban : un trublion salutaire

Hongrie/UE – Au cours des deux dernières années, les Hongrois se sont rendus aux urnes à trois reprises pour renouveler ou confirmer leurs députés en 2018, leurs représentants au Parlement Européen aux printemps 2019 et enfin leurs équipes municipales à l’automne dernier. C’est dans le cadre de ce troisième scrutin que le parti au pouvoir depuis une décennie a vécu son premier revers, car, pour la prochaine fois depuis son accession au sommet du gouvernement, le parti de Viktor Orban s’est retrouvé face à une opposition unie, composée de formations aux programmes et aspirations divergents mais dont l’objectif commun consistait à battre coûte que coûte le FIDESZ. Elles y sont partiellement parvenues dans la capitale mais comme Budapest n’est pas Paris, ce n’est pas un gifle qu’a reçue le parti d’Orban mais un simple avertissement.

Plus habile qu’Orban, tu meurs !

Le ministre-président, dont l’habilité est reconnue de tous, a retourné le camouflet à son avantage, félicité le nouveau maire écolo, Gergely Karacsony,  choisi par les Budapestois, promis qu’il était disposé à travailler de manière conviviale avec lui et prouvé que, contrairement à ce qui se propage à Bruxelles, la Hongrie n’est pas un pays autoritaire mais une Nation démocratique comme les autres qui n’a pas de leçon de justice à recevoir des occidentaux. Viktor Orban est conscient que, pour rester au pouvoir en 2022, il va devoir composer avec une population qui rajeunit et que son électorat dans deux ans n’aura plus rien à voir avec celui de 2010. Mobilisée, la jeunesse hongroise l’est, et elle l’a prouvé en faisant du mouvement Momentum, la première force d’opposition mais une opposition qui n’a strictement rien à voir avec celle des post-soixante-huitards qui se laissaient guider par des idéologies alors qu’aujourd’hui ce sont les initiatives civiles qui motivent les rebelles.

Alexandra Szentkiralyi, porte-parole du gouvernement hongrois

Dix arbres pour un bébé

Orban ne cache jamais ses sentiments à l’égard des écologistes qu’il aime comparer à des pastèques, vertes à l’extérieur mais rouges dans leur chair. Il hait les grands discours sur la protection de la nature et préfère garder les pieds sur terre. Il approuve les mesures de la Commission Européenne censées mettre fin aux emballages à usage unique mais reste persuadé que ce type de décisions demandent des années pour se concrétiser et qu’il est préférable dans un premier temps de sanctionner ceux qui jettent leurs déchets dans la nature et créent ainsi des milliers de décharges sauvages. Idem en ce qui concerne le nettoyage du Danube qui demeurera vain si la Roumanie et l’Ukraine continuent à s’en servir de poubelle. Il n’est de sujet plus Européen que ne l’est l’environnement et tous les pays qui prennent des décisions unilatéralement sans consulter leurs voisins sont au bout du compte les plus nationalistes. Le chef du gouvernement hongrois cible ici l’Allemagne dont il n’imitera pas le renoncement au nucléaire car sans cette source d’énergie il est impossible de limiter le réchauffement climatique. Réaliste, Orban l’est, lorsqu’il considère la reforestation comme une priorité et s’il s’engage à faire planter dix fois plus d’arbres que d’enfants qui naissent,  c’est pour faire augmenter la superficie boisée du pays de 27% d’ici 2030. Il espère que d’ici là, les multinationales auront pris conscience qu’elles ont été les plus gros pollueurs et qu’à ce titre elles auront tout mis en œuvre pour que les nouvelles technologies profitent à l’environnement mais aussi à toutes les couches de la population, les voitures électriques ne devant pas être un « nouveau jouet pour les riches » mais accessibles à tous à un prix abordable.

La famille avant tout

Lors de sa traditionnelle conférence de presse, à laquelle il reste très attaché en chaque début d’année, Orban a une nouvelle fois mis l’accent sur sa politique familiale qui demeure son cheval de bataille car c’est pas ce biais qu’il sensibilise, à sa façon, les jeunes générations et plus particulièrement les jeunes mères de famille, le plus précieux des relais dans l’électorat. Chaque année, le ministre-président trouve un moyen de les satisfaire. Jusqu’à présent, il cherchait à encourager les mères à avoir plusieurs enfants pour pouvoir bénéficier d’avantages fiscaux et la garantie d’une retraite décente. Cette année le gouvernement élargit sa générosité dès la naissance du premier bébé en remboursant le permis de conduire aux jeunes mères qui ont besoin d’une véhicule pour élever dignement leur enfant. Naturellement, la tentation est toujours grande, avec ce type de mesures, de les qualifier de « populistes » mais il n’en demeure pas moins qu’elles sont populaires parce que réalistes. Qu’on le veuille ou non, on peut reprocher beaucoup de choses à Orban mais il faut toutefois avoir le courage de reconnaître qu’il a le génie de frapper là où ça ne peut faire que du bien ! Les séniors conservateurs ne sont pas les seuls à le soutenir ce qui est en partie prouvé par le rajeunissement de son équipe. La secrétaire d’Etat à la Jeunesse, Zsofia Racz, et la porte-parole du gouvernement, Alexandra Szentkeralyi,  sont  respectivement âgées de 22 et 32 ans. A l’instar du ministre des Affaires Etrangères, Peter Szijjarto, nommé à ce poste en 2014 à l’âge de 36 ans, elles s’efforcent de donner de la Hongrie une autre image à un pays qui n’est ni plus, ni moins antidémocratique que ne le sont certains territoires d’Europe Occidentale dont la France toujours en butte à des structures archaïques et à une bureaucratie d’une lourdeur incommensurable. En prenant la décision de placer la famille au cœur de sa politique, Orban s’inscrit naturellement à contre-courant des idées « bon chic, bon genre » propagées par l’occident et qui consistent à donner prioritairement la parole aux minorités au détriment de  la pensée majoritaire. Il joue avec le feu car chaque décision qu’il prend est sujette à des polémiques exacerbées par une presse oublieuse de l’Histoire. On ne peut comprendre ce pays si on occulte son passé récent. Le peuple hongrois est millénaire mais sa démocratie n’est qu’une vielle adolescente de 30 ans. Avant de porter un jugement, un minimum de réflexion et de retenue s’impose. Au regard du  « règne » d’Angela Merkel et des mandats des trois derniers présidents de la République Française, le bilan de Viktor Orban n’est peut-être pas le plus élogieux mais il est loin d’être le plus catastrophique. Dans tous les domaines qui agitent l’actualité, le réchauffement climatique, la place des femmes dans la société, l’immigration, le communautarisme, le terrorisme, le rôle croissant des religions, l’antisémitisme, la globalisation de l’économie,  les impacts du numérique, la Hongrie veut avoir son mot à dire et être écoutée, ce qu’elle est, alors qu’elle ne représente même pas 2% de la population de l’Union Européenne. Entendrions-nous parler d’elle, si son dirigeant était un béni-oui-oui répondant au doigt et à l’œil aux consignes de Berlin et Paris ? Probablement pas et c’est très bien ainsi. Quelle que soit l’opinion qu’on a d’Orban, sa présence dans le paysage politique européen est salutaire car elle suscite le débat sans provoquer la guerre. vjp (Nombre de mots : 1.163)

 

 

 

     

     

  

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