Naissance d’un parti « fous-y-tout » en Allemagne

Allemagne/UE – A l’instar de Jean-Luc Mélenchon en France, Sarah Wagenknecht prend un malin plaisir à tenir des discours provocateurs et agressifs. Eminente figure du parti de gauche, Die Linke, dont elle a été la co-présidente entre 2010 et 2015 avant de devenir co-présidente de la fraction de ce même parti au Bundestag jusqu’en 2019, Sarah Wagenrecht, ne se reconnaissant plus dans cette formation, a décidé de créer son propre parti.

Sarah Wagenknecht, 54 ans, a pour ambition de rassembler tous ceux qui ne retrouvent plus dans les partis historiques qui seraient coresponsables de la percée de l’extrême-droite.

Admirée par les uns, vilipendée par les autres, cette femme, née en 1969 à Iéna (ex-RDA) et diplômée en sciences économiques, avait à peine 20 ans lorsqu’elle a commencé à occuper des fonctions importantes au sein des mouvements de gauche. Peu après la chute du Mur de Berlin, elle a contribué à la transformation du parti socialiste unifié de l’ex-RDA (SED) en parti du socialisme unifié (PDS), lequel changera en 2007 d’appellation pour devenir Die Linke. Jusqu’il y a peu, personne n’aurait imaginé que Sarah Wagenknecht, dont le nom prête à sourire (*), pût se séparer d’une famille dont elle a indéniablement marqué l’histoire récente. Et, pourtant, ce qui paraîssait inconcevable s’est avéré. Sarah Wagenknecht a franchi le pas et c’est ainsi que depuis quelques jours, les Allemands doivent s’habituer à un nouveau sigle BSW qui n’a rien à voir avec une marque automobile, un produit détergent ou une confiserie pour bambins mais qui, développé, signifie Bündnis Sarah Wagenknecht (Alliance Sarah Wagenknecht), une stratégie marketing qui prouve, à elle-seule, à quel point la première concernée est sûre d’elle. Dans cette nouvelle aventure, elle a entraîné neuf de ses collègues siégeant au Bundestag, dont la vice-présidente de la fraction Die Linke, Amira Mohamed-Ali. En se comportant de la sorte, la rebelle Sarah prive Die Linke de ce statut de fraction et par conséquent d’une partie significative du financement public auquel cette formation peut prétendre (**).

Un chemin semé d’embûches

Si Sarah Wagenknecht a fait le choix de la dissidence, c’est parce qu’elle est s’estime la seule capable de contrer l’extrême-droite. Elle est toutefois suffisamment lucide pour admettre que ce n’est pas du jour au lendemain que les 20% d’Allemands s’avouant proches des idées de l’AfD, passeront dans son camp. Son pari, Sarah Wagenknecht, ne le réussira qui si elle parvient à convaincre une partie des électeurs décus par les formations traditionnelles. Ce n’est pas innocemment qu’elle a annoncé la création de son BSW au moment même où la coalition tripartite au pouvoir est au plus bas dans les sondages. Ainsi, d’une pierre, elle fait trois coups, le plus violent s’adressant aux Verts, de plus en plus impopulaires. Depuis plusieurs années, Sarah Wagenrecht, en toute occasion, fait le pari du contre-courant. Elle est plutôt pro-russe lorsqu’une majorité des Allemands est anti-Poutine, elle était toujours opposée aux vaccinations contre le Covid alors qu’elles sont encore obligatoires. Née d’un père iranien, elle ne peut pas être raciste, ce qui ne l’empêche pour autant de plaider pour un nombre limité de réfugiés sur le territoire. Ces derniers, selon elle, seraient la proie de groupes capitalistes les exploitant pour limiter les hausses de salaires. Enfin, avec son amie, Alice Schwarzer, figure de proue du féminisme, elle a organisé au printemps dernier une manifestation pour s’élever contre les livraisons d’armes à l’Ukraine et ce, au moment-même où le gouvernement renforçait son soutien militaire à Kiev. Le BSW fonctionne à ce jour sous la forme d’une association, destinée à devenir un parti en janvier prochain. Mais sa fondatrice a encore du pain sur la planche car elle doit respecter les textes législatifs. Le BSW ne pourra être opérationnel et autorisé que s’il est représenté légalement sur l’ensemble du territoire et doté d’un programme conforme à la démocratie . Ses structures internes doivent être également constituées de manière démocratiques. Quant aux moyens financiers dont il disposera , ils devront faire l’objet d’une totale transparence. Mais une fois ces conditions réunies et le parti officiellement créé, Sarah Wagenknecht n’en sera pas pour autant au bout de ses peines. Le risque est en effet grand que certaines personnes malveillantes s’infiltrent dans son parti pour y diffuser en son nom des fake-news. Quoiqu’il advienne dans les prochaines semaines, il faudra attendre le résultat des élections européennes de juin 2024, auxquelles le futur et possible BSW compte activement participer, pour mesurer l’impact que pourra avoir sa fondatrice sur le paysage politique allemand. kb

(*) Wagenknecht signifie en allemand « le valet du carrosse »

(**) Pour constituer une fraction au Bundestag, un parti doit détenir au moins 5% des sièges. Etant donné que l’assemblée compte 736 députés, ce pourcentage correspond à un nombre minimum de 36 sièges que le parti Die Linke était parvenu à atteindre en 2021 avec l’élection de 39 de ses représentants.

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