L’idée très loufoque de l’extrême-droite allemande

Allemagne/Migration/Monde – Rappelons les faits : fin 2023, quelques représentants parmi les plus radicaux des mouvements d’extrême-droite se sont réunis dans une villa à Potsdam pour mettre au point un programme de gouvernement susceptible d’être appliqué dans le cas où ils parviendraient à prendre le pouvoir. Parmi les mesures envisagées, se trouvait le retour forcé dans leurs pays d’origine de tous les étrangers ayant pris pied en Allemagne mais aussi de tous les Allemands ayant des racines étrangères.

A peine rendue publique, cette disposition a déclenché une vague d’indignation qui s’est concrétisée par l’organisation de centaines de manifestations, spontanées pour la plupart. Pour la première fois depuis la naissance de la République Fédérale on a pu voir défiler côte à côte des personnes de tous bords qui dans l’urgence ont fait fi de leurs divisions pour se solidariser avec celles et ceux dont les extrémistes de droite ne veulent plus. Dans certaines villes, à l’instar de Francfort sur le Main, Munich, Berlin ou Hambourg, les rassemblements ont pris un telle ampleur qu’ils ont du être déplacés en des lieux plus vastes et plus faciles d’accès. Preuve a été ainsi faite que la « rémigration » envisagée par les conférenciers de Potsdam n’était ni plus, ni moins qu’une illusion, qu’un objectif impossible à réaliser. A bénéfice de leurs détracteurs, ils ont prouvé qu’ils ne connaissent même pas leur propre pays, cette Allemagne « pure » qu’ils aimeraient tant, un jour, administrer, mais débarrassée de toute cette « racaille » venue d’ailleurs.

Il est fort possible que, parmi ces jeunes migrants, beaucoup obtiennent la nationalité allemande.

Volontairement aveugles face à la réalité

S’ils avaient pris la peine de s’informer auprès de l’Office Fédéral des Statistiques (OFS), ils auraient eu connaissance que presque vingt-cinq millions d’Allemandes et d’Allemands sont issu(e)s de l’immigration. Les renvoyer représenterait alors une chute démographique de 30% et placerait l’Allemagne, actuellement première au classement des pays d’Europe Occidentale les plus peuplés, en quatrième position derrière la France, le Royaume-Uni et l’Italie. Le « nouvel empire germanique » dont rêvent les extrémistes de droite, ne serait alors guère plus peuplé que l’Espagne. A ces Allemands qui n’en sont pas vraiment, il faut ajouter ceux dont le nombre s’amplifie d’année en année et qui concerne les mariages binationaux en constante augmentation d’une année sur l’autre. Les données fournies par l’OFS et portant sur 2022, révèle qu’au cours de cette année, 10% des mariages célébrés engageaient des personnes de deux nationalités différentes. Sur les 35.194 engagements matrimoniaux, plus de 22% et 20% l’ont été avec des personnes d’origine turque ou asiatique, c’est-à-dire en provenance de pays dont les religions et coutumes sont souvent à l’opposé de celles usitées en Allemagne. Cette tendance, déjà plus que réelle, va être amenée à s’amplifier dans les années à venir, car la République Fédérale s’est engagée dans une politique favorisant l’obtention de la nationalité allemande. La durée obligatoire de huit ans de présence sur le territoire a été abaissée à cinq, voire trois pour les ressortissant(e)s qui ont fait preuve d’exemplarité en matière d’intégration c’est-à-dire en apprenant parfaitement la langue et en se formant à des métiers à haute valeur ajoutée. Entre 2018 et 2022, l’Allemagne a accordée la nationalité à 651.495 citoyens originaires de Syrie (12,4%), de Turquie (11,3%) et, conséquence directe du Brexit, du Royaune-Uni (5%). Les 71,3% restants ont concerné 166 autres pays aux premiers rangs desquels la Roumanie avec 29.995 attributions, la Pologne (28.285), l’Irak (24.730), l’Italie (22.155), l’Iran (19.660) et le Kosovo (17.990). En ce qui concerne l’Ukraine, elle n’arrivait, sur la période étudiée qu’au 10ième rang avec 16.455 attributions mais tout laisse présager que ce nombre va considérablement augmenter si le conflit perdure.

Plus d’étrangers, paralysie garantie!

N’en déplaise aux ténors de l’extrême-droite, les étrangers dans leur pays ne sont pas un décor comparable à celui qu’on peut jeter à la fin d’une représentation théâtrale, ils font partie intégrante de la société allemande. Sans eux, tout s’écroulerait du jour au lendemain. Les chantiers seraient mis à l’arrêt, les bus et les métros ne circuleraient plus, le courrier ne serait plus distribué, les vaisselle dans les restaurants ne serait plus lavée, les bourgeoises ne seraient plus shampouinées, les poubelles ne seraient plus ramassées, les vieillards ne seraient plus encadrés, les enfants ne seraient plus vaccinés etc, etc. Bref, tout serait du jour au lendemain paralysé. Quelle vision apocalyptique aurions-nous alors de notre environnement sans nos amis étrangers qui acceptent de faire ce que nous refusons d’accomplir ? Que les démocrates se rassurent, le parti d’extrême-droite AfD ne parviendra jamais à conquérir le pouvoir en Allemagne s’il continue à persécuter verbalement ou physiquement les étrangers, car il faut tenir compte parallèlement aux 25 millions de personnes évoquées précédemment, aux 44% de la population qui sont quotidiennement en contact social avec eux, au point de ne plus en avoir conscience. L’Allemagne est un pays communautaire, un pays du « vivre ensemble » (Zusammenland) et il doit le rester. C’est au demeurant en utilisant ce vocable que se sont unies cinq cents entreprises, associations et fondations pour rappeler par voie de presse que « l’ouverture sur le monde, le respect et l’esprit de communauté sont des valeurs qui ne font pas seulement de l’Allemagne un pays agréable à vivre mais une nation économiquement forte. C’est la raison pour laquelle nous nous unissons pour un pays ouvert sachant affronter avec courage les difficultés. » . Ce rappel à l’ordre démocratique a été diffusé par les hebdomadaires Der Spiegel et Die Zeit, les quotidiens économique et d’informations générales HandelsBlatt et Süddeutsche Zeitung, ainsi que par la société d’affichage publicitaire Ströer. Un complément salutaire aux manifestations de rues dont les flammes s’estompent sans pour autant s’éteindre. kb & vjp

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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