Les voies ferrées allemandes croient en des jours meilleurs

Allemagne – La société allemande des chemins de fer, Bundesbahn, a présenté hier son bilan 2023 , lequel affiche un déficit de 2,35 milliards d’euros, alors même que le nombre de passagers a augmenté de 6% pour atteindre le nombre record de 1,8 milliard de voyageurs. La Bundesbahn est toujours face à deux problèmes majeurs, l’état désastreux de son réseau qui a été laissé à l’abandon pendant plusieurs décennies et qui n’a jamais été la priorité de l’ex-Chancelière Angela Merkel.

Des centaines de kilomètres de voies ainsi que de nombreux ponts, viaducs et tunnels doivent être rénovés ce qui a grévé le chiffre d’affaires (45,2 milliards d’euros) de 13%. Ces travaux sont indispensables pour assurer la sécurité des passagers mais aussi éviter le retard des trains. 64%  d’entre eux n’arrivent jamais à l’heure prévue et enregistrent un décalage horaire de six minutes en moyenne.

La Bundesbahn va prendre son destin en main à coups de pelle à répétition jusqu’en 2030.

Un chemin de fer sur la bonne voie

Le second problème auquel la Bundesbahn est confrontée, provient de la baisse du trafic de marchandises qui a eu de graves répercussions sur les deux filiales que sont Arriva et Schenker, deux entités logistiques dont la maison-mère est contrainte de se séparer. A ces deux handicaps s’en est rajouté un troisième, en l’occurrence les coupes budgétaires décidées par le gouvernement fédéral qui n’engagera que trente milliards d’euros dans la société ferroviaire d’ici 2027, soit dix milliards de moins que prévu initialement. Toutefois, le déficit aussi inquiétant soit-il, demeure le prix à payer pour que le groupe retrouve sa vocation d’origine qui consiste à proposer un service qualité à un nombre croissant de personnes soucieuses de protéger le climat. « Jamais, nous n’avons construit et rénové autant qu’en 2023 » s’est réjoui le PDG de la Bundesbahn, Richard Lutz, lors de la présentation des résultats. Une stratégie saluée par Matthias Gastel, député vert au Parlement qui qualifie de « judicieuse » la politique menée actuellement par le groupe ferroviaire. Une fois n’est pas coutume, les écologistes et les libéraux, habitués à se déchirer, sont exceptionnellement sur le même longueur d’onde. Le ministre libéral des transports, Volker Wissing s’est réjoui des investissements consacrés à la rénovation du réseau qui étaient « le meilleur chemin à prendre. »

Des travaux de longue haleine

Les quelques chantiers réalisés jusque là ne sont que le début d’une rénovation du réseau, prévue jusqu’en 2030, mais tout laisse déjà craindre que cette date butoir ne pourra que difficilement être respectée. Les infrastructures ont été laissées dans un tel état de délabrement que chaque jour apporte son lot de mauvaises surprises. Parmi la priorité des priorités est la ligne qui relie Francfort sur le Main à Mannheim, la très célèbre Riedbahn construite en 1871 et qui est la plus emblématique du pays car elle marque le début de son industrialisation. Plus qu’une voie ferrée, la Riedbahn est un véritable mythe et sa restauration va faire fonction de projet pilote. 117 kilomètres de voies, 140 kilomètres de caténaires, 16 kilomètres de parois antibruit, 152 aiguillages, 1.200 postes de commandes et de sécurité vont devoir être construits ou rénovés, le tout desservi par vingt gares également restaurées de fond en comble. La Riedbahn va faire l’objet de toutes les attentions car elle est toujours une des lignes les plus fréquentées d’Allemagne avec trois cents trains jour en trafics grandes lignes, régional, local et de marchandises. Sur l’ensemble du territoire la Bundesbahn envisage de rénover quarante tronçons d’ici 2030, soit quatre mille kilomètres au total. Une longueur identique de tronçons à restaurer de manière partielle est par ailleurs programmée. Pour que les travaux soient réalisés dans les meilleures conditions, il a été décidé de détourner les trains grandes lignes et de mettre cent cinquante bus de remplacement pour le trafic local et régional.

Bertold Huber, dg des infrastructures de la Bundesbahn : en tant que superviseur des travaux, des jours voire des nuits difficiles l’attendent dans la années à venir

Tout à refaire de A à Z

Le second chantier de très grande ampleur concerne la liaison ferroviaire séparant les deux plus grandes métropoles pays, Hambourg et Berlin, soit 280 kilomètres. Elle est emprunté quotidiennement par quelque 30.000 passagers. Aussi surprenant que cela puisse paraître dans un pays qui s’honore d’être une grande puissance économique et industrielle, cette ligne se trouve dans un état de délabrement extrême, ce qui va supposer une patiente rénovation par étapes. A l’instar de ce qui a été constaté sur le Riedbahn, tout est à rénover sur ce tronçon qui devrait être normalement une fierté nationale et un symbole du savoir-faire allemand. Ces deux tronçons stratégiques ne sont néanmoins que la face visible de l’iceberg car tout le réseau de la Bundesbahn va devoir être pris en compte à court ou moyen terme. En 2026, il est prévu de rénover la ligne Hagen-Wuppertal-Cologne sur 80 kilomètres puis en 2027 celle de Lehrte-Hanovre-Berlin qui s’étire sur une longueur de quelque trois cents kilomètres. « On a fait fonctionner les infrastructures à l’usure pendant des années » déplore le directeur technique de la Bundesbahn, Bertold Huber, qui a aujourd’hui la très difficile mission de réparer les pots cassés. Comme il le rappelle, « l’un des principaux objectifs de la réforme de la Bundesbahn, il y a une trentaine d’années consistait à soulager le budget fédéral. » Donner les moyens nécessaires à la Bundesbahn pour qu’elle puisse s’adapter à la modernité, n’a jamais fait partie des priorités d’Angela Merkel, dont on s’aperçoit aujourd’hui que le bilan sur de nombreux points n’est pas des plus reluisants. Mais l’argent est un chose, la logistique en est une autre et beaucoup s’interrogent déjà à savoir si le Bundesbahn trouvera le personnel nécessaire à la réalisation des travaux. « Actuellement, tout le secteur est orienté vers un volume construction de l’ordre de 1,5 milliard d’euros » explique Christian Böttger, expert en chemins de fer et en transports à l’Ecole Supérieure de la Technique et de l’Economie à Berlin avant de poursuivre « si nous voulons construire pour cinq milliards dans la construction et l’extension du réseau, il nous faudra beaucoup de personnes qui sont déjà rares. » En attendant, les voyageurs potentiels ou existants croisent les doigts et espèrent que prochainement ils arriveront, grâce au rail, à l’heure à leur rendez-vous après s’y être rendu en toute sécurité tout en admirant un paysage qu’il n’avait jamais vu encore moins apprécié au volant de leur voiture. kb & vjp (Nombre de mots : 1.040)

 

 

 

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