Après l’attentat de Moscou, l’Allemagne sous pression

Allemagne/Russie/UE – Selon la ministre fédérale sociale-démocrate de l’Intérieur, Nancy Faeser, le groupe terroriste ISPK (Etat Islamique de la province de Khorasan) qui a revendiqué l’attentat de Krasnogorsk, serait très actif en Allemagne et représenterait la plus grande menace islamiste dans le pays.

Peter Neumann fait partie de ceux qui n’ont pas été surpris par l’attaque terroriste de Moscou.

Revoir les concepts de sécurité

Ce point de vue est partagé par la vice-présidente de la fraction d’opposition sociale-chrétienne CSU au Parlement, Andrea Lindholz, laquelle craint que « l’escalade du conflit au Proche-Orient par le Hamas le 7 octobre 2023 contribue à une surenchère dans les attaques terroristes. » Mme Lindholz a tenu à rappeler que l’office de protection de la Constitution met en garde depuis longtemps contre cette branche spécifique de l’Etat Islamiste et qu’il est par conséquent indispensable de revoir les concepts de sécurité, surtout à la veille du championnat d’Europe de football qui va se dérouler en Allemagne dans moins de cent jours. L’attentat de Moscou n’a pas surpris le politologue Peter Neumann (*) qui avait déclaré en décembre dernier que l’ISPK était une des branches de l’Etat Islamiste « en mesure de mener un grand attentat coordonné en occident. » Quelques jours plus tard l’actualité lui donnait raison avec l’arrestation à Gera en Allemagne de l’Est de deux hommes planifiant un attentat contre le Parlement suédois. En réalité, la milice terroriste n’a jamais disparu, elle a tout simplement changé de visage et de nom ce qui ne l’empêche pas d’agir violemment en Afrique subsaharienne et centrale où elle commet fréquemment des attaques meurtrières mais aussi en Asie Centrale, en Afghanistan ou au Pakistan notamment. Ne pouvant pas contrôler le sol sur ces deux territoires en raison de la lutte que leur livrent les talibans, elle opère sous le nom d’Etat Islamique de la Province de Khorosan et c’est sous cette appellation qu’elle a revendiqué sur le seul mois dernier 108 attaques ayant causé la mort de 319 personnes, auxquelles vont tristement s’ajouter les victimes moscovites.

Aussi voire plus dangereux qu’Al-Qaida

Encore davantage qu’Al-Qaida, l’ISPK est un mouvement très diffus qui est susceptible prospérer partout dans le monde car ses adeptes sont faciles à recruter parmi les nombreux ressortissants de cette province de Khorosan, laquelle regroupe des populations de pas moins de six pays (Iran, Afghanistan, Turkmenistan, Pakistan, Uzbekistan et Tajikistan) qui, tous, ont des visions divergentes de l’islam. Dans la province du Khorasan, il est fait référence à un hadith, transmission de l’action du prophète Mohammed par ses proches et qui stipule que lorsque des drapeaux noirs s’élèvent, se trouve alors parmi leurs porteurs le mahdi, c’est-à-dire un messager de Dieu annonçant la fin des temps et la conquête de Jérusalem. Bien que cette version de l’hadith soit remise en cause par certains érudits religieux, les terroristes s’en servent pour faire passer leurs actions pour légitimes. Les plus grands adeptes de cette thèse sont le Tadjiks, c’est-à-dire ceux qui ont revendiqué l’attentat de Moscou. Il apparaît clairement qu’ils sont les mieux organisés. Trois d’entre eux ont été arrêtés en Autriche en décembre 2023 alors qu’ils planifiaient des attentats sur plusieurs marchés de Noël. Quelques jours plus tard, ce fut au tour de l’Allemagne de déjouer plusieurs attaques terroristes. L’Institute for Near-East Policy, basé à Washington, a répertorié l’an dernier vingt-et-un projets d’attentats dans neuf pays différents, ce qui tend à prouver que l’ISPK n’est pas un phénomène marginal mais au contraire un véritable outil de guerre manoeuvré par des hommes qui sont prêts à tous pour imposer leurs visions spirituelles du monde. Le Tadjikistan se distingue des autres territoires dans le sens où son dirigeant, le président Emomalij Rhamon, s’est engagé dans une lutte contre l’islamisation croissante de son pays. Il mène la vie dure aux prédicateurs intégristes en ligne ou sur le terrain et pour réduire leur influence auprès de la jeunesse, a interdit l’accès aux mosquées pour les moins de 18 ans, abstraction faite des enterrements. En agissant de la sorte, le chef d’Etat tadjik, encourage l’émigration. Un contexte qui, ajouté à la corruption, à la pauvreté généralisée et au manque total de perspectives, contribue à faire de la religion le seul refuge et de la violence le seul sens à la vie. kb & vjp

(*) Peter Neumann, 50 ans, est un spécialiste du terrorisme et de l’extrémisme violent. Professeur au centre d’études sur la guerre à Londres, il alerte depuis de nombreuses années du risque de radicalisation dans les établissements pénitentiaires. En libérant de nombreux prisonniers censés partir sur le front ukrainien en échange de leurs peines, il est fort possible que certains d’entre eux aient pris une toute autre direction. Si tel est le cas avec les auteurs de l’attentat de Moscou, le chef du Kremlin se gardera bien de la reconnaître.

 

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