Les élus locaux allemands sollicitent une « sommet Scholz » !

Allemagne/Ukraine/UE – L’ex-Chancelière Angela Merkel est cette année lauréate du prix Félix Houphouet-Boigny du nom de l’ancien président de Côte d’Ivoire. Placé sous l’égide de l’UNESCO, cette distinction récompense les personnes ayant contribué à la paix dans le monde. En 2015, lorsque la cheffe du gouvernement allemand a décidé d’ouvrir les portes de son pays à plus d’un million de réfugiés originaires majoritairement d’Afghanistan, d’Irak et de Syrie, elle ne s’imaginait pas que sept ans plus tard deux fois plus d’Ukrainiens allaient eux aussi franchir les frontières pour fuir la guerre.

Hans-Günter Henneke : il se fait le porte-parole des élus en manque de moyens nécessaires à l’afflux de réfugiés.

« Nous n’y arrivons plus »

« Nous y arriverons » avait-elle déclaré à l’époque, « nous n’y arrivons plus » lui répliquent aujourd’hui ses compatriotes. Depuis plusieurs mois, la République Fédérale n’est plus en mesure de gérer la situation. L’an dernier 218.000 premières demandes d’asile ont été enregistrées auxquelles il faut ajouter plus d’un million de réfugiés ukrainiens ce qui a fait de 2022 l’année de la plus forte immigration de personnes en quête de protection depuis la création de la RFA en 1949. Depuis des mois les collectivités territoriales tirent le signal d’alarme. De très nombreuses communes, déjà surendettées avant la première vague migratoire, ne peuvent plus faire aux engagements qu’on attend d’elles. Un sommet extraordinaire sur la migration doit avoir lieu prochainement mais le Chancelier Olaf Scholz a d’ores et déjà déclaré qu’il ne souhaitait pas y participer, préférant laisser à sa ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser, le soin de trouver des solutions. Sans mettre en doute le professionnalisme de la ministre, le président de l’association des élus locaux, Hans-Günter Hanneke, regrette le recul choisi par le chef du gouvernement fédéral pour aborder un sujet qu’il considère comme le plus sensible auquel la République a été jusqu’à ce jour confrontée. « La seule aide immédiate est la mise en place de grandes structures d’accueil par les länder, des contrôles réels et efficaces aux frontières et le soutien à l’Ukraine sur le terrain et dans les pays voisins » a déclaré H-G.Hanneke dans un entretien qu’il a accordé à la Frankfurter Allgemeine Zeitung (F.A.Z.).

Nancy Faeser, ministre fédérale de l’Intérieur : elle n’hésitera pas à cumuler ses fonctions de ministre et de présidente de région.

Un premier sommet décevant

Au cours d’un premier sommet d’urgence qui a eu lieu en octobre 2022, Nancy Faeser avait proposé la mise à disposition de biens immobiliers fédéraux destinés à héberger des personnes réfugiées mais sur les 67.877 appartements disponibles, seuls 64% ont pu être utilisés. 36% sont restés vacants car ils n’étaient pas situés dans des lieux appropriés. Quelles que soient la taille des collectivités qu’ils représentent et la couleur politique qu’ils affichent, tous les élus locaux et régionaux tiennent le même langage : après des années de pandémie le moment est venu de s’atteler à une répartition intelligente des migrants, de leur assurer un hébergement simple et rapide, de renforcer la sécurité en matière d’identification et de se concentrer sur les questions fondamentales que sont l’intégration de la petite enfance, de la scolarisation des adolescents, de la formation professionnelle et de l’insertion sur le marché du travail. Les élus locaux n’ont naturellement par tort lorsqu’ils estiment qu’une seule ministre, aussi compétente soit-elle, ne peut gérer à elle seule autant de dossiers : lesquels nécessitent l’intervention et l’implication de pratiquement tous les ministères c’est-à-dire du Travail, de la Justice, de l’Education, de la Santé, de la Jeunesse et de la Famille mais aussi des Affaires Etrangères. La ministre de l’Intérieur est une hessoise de souche, attachée à ses racines. Née en 1970, à Bad Soden am Taunus, une ville de quelque 22.000 habitants située à une trentaine de kilomètres de Wiesbaden, capitale administrative de land, elle est restée fidèle au parti social-démocrate (SPD) auquel elle a adhéré avant de devenir membre du Bundestag dès l’âge de 33 ans. Elle est parvenue à se faire réélire sans interruption depuis 2003 mais contrairement à son ex-collègue Christine Lambrecht, ancienne ministre de la Défense, elle n’a jamais fait partie du gouvernement de grande coalition sous Angela Merkel (*). L’expérience ministérielle de Nancy Faeser ne date que de 2021 ce qui ne l’empêche d’avoir de grandes ambitions. Malgré l’immensité de sa charge ministérielle, elle garde un œil rivé sur son land et s’est imposée comme tête de liste SPD lors des prochaines élections régionales programmées dans la Hesse le 8 octobre prochain. Son ambition consiste à en devenir la présidente et si elle parvient à ses fins, elle a déjà annoncé qu’elle ne renoncera pas pour autant à son ministère, ce qui inquiète déjà les élus locaux qui voient mal comment elle pourra assumer le cumul de ces deux fonctions. Le Chancelier ne déroge pas pour l’instant à sa stratégie qui consiste à toujours prendre du recul par rapport aux événements. Dans le cas de l’immigration, il lui sera toutefois difficile de se tenir longtemps à l’écart car selon le dernier sondage effectué par l’Institut d’Analyses Allensbach, 52% de la population allemande ont exprimé leur inquiétude face à la crise migratoire et à ses conséquences. kb

(*) Christine Lambrecht , contrainte à la démission en janvier dernier suite à une série d’impairs, a été à deux reprises ministre sous le quatrième gouvernement d’Angela Merkel. De la Justice et des Droits du Consommateur puis de la Famille, des Personnes Agées, des Femmes et de la Jeunesse, deux fonctions qu’elle a occupées entre juin 2019 et décembre 2021.

 

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