Les anti-vaccins : inconscients car tenus dans l’ignorance

Allemagne/UE/Monde – Parmi les conséquences les plus inattendues et les plus irrationnelles de la crise sanitaire, le débat sur la vaccination occupe une place singulière, dans le sens où il exacerbe des tensions et divise les sociétés au moment même où celles-ci avaient la possibilité de s’unir et de dialoguer sur un sujet commun. Or, c’est tout l’inverse qui s’est produit et le Covid 19, plutôt que de rassembler les peuples les a scindés en deux blocs qui ne se déchirent plus avec des armes mais avec des mots et des arguments fallacieux. Depuis quelques mois, notre monde n’est plus partagé entre les socialo-communistes d’un côté et les libéraux-capitalistes de l’autre mais entre les vaccinés et les non vaccinés. Autrefois, lorsque les fleuves et montagnes ne suffisaient plus à délimiter les frontières, on érigeaient des barrières. Aujourd’hui, une guerre sans tranchée se déroule sous nos yeux, dans nos familles, chez nos amis et dans nos entreprises. Et comme d’habitude, les hostilités civiles sont savamment orchestrées par les politiques et les médias à forte influence.

Un vaccin ? Non, « une boîte à outils »

Les premiers, pris au dépourvu, ont été dans l’incapacité d’harmoniser leurs actions et tous les citoyens européens, de Lisbonne à Tallinn se sont interrogés à savoir, pourquoi après avoir payé pendant des décennies des centaines de députés et des dizaines de milliers de fonctionnaires, ils se sont retrouvés sans masque et sans gel pour se protéger ? Quand aux seconds, les médias à grand tirage ou à forte audience, ils n’ont pas jugé utile de donner la parole à ceux qui étaient les mieux placés pour mettre un terme à un débat souillé par des rumeurs et des mensonges. Le plus grosse sottise qu’ont propagée les pourfendeurs de la vaccination a consisté à répandre l’idée que les vaccins auraient été fabriqués beaucoup trop vite pour être efficaces, or c’est tout le contraire qui s’est produit. Dans une interview qu’ils ont accordée récemment à Euronews, Ugur Sahin et Özlem Türeci (notre photo), fondatrice et fondateur de BioNTech, ont tenu à rappeler que « leur » vaccin était le résultat de plus de trente années de recherche scientifique. L’aventure qu’ils ont vécue avec le coronavirus, ils la comparent à un «sprinter qui s’est entraîné toute sa vie avant de remporter sa première médaille». Contrairement à un médaillé aux Jeux Olympiques, leur victoire n’a rien changé à leur philosophie de vie et les millions de dollars qu’ils ont perçus seront investis dans de nouvelles recherches. Ugur Sahin et Özlem Türeci sont conscients que les recherches antérieures à la fabrication du vaccin ont coûté très cher aux laboratoires mais aussi à la collectivité. Ce n’est pas tant du vaccin qu’ils sont fiers mais plutôt des multiples applications de l’ARN.

A chaque patient, son vaccin

« L’ARNm est, pour ainsi dire, la plus ancienne « technologie de l’information » inventée par la nature, déclare Ugur Sahin avant de poursuivre, il peut être utilisé pour transporter des informations dans les cellules. Vous pouvez dire à différentes cellules du corps ce qu’elles doivent faire, ce qui signifie qu’en principe, vous pouvez l’utiliser de manière universelle. C’est une boîte à outils à partir de laquelle vous pouvez rassembler ce dont vous avez besoin pour une maladie particulière ou pour un mécanisme particulier. La seule limite est de comprendre la maladie et de savoir quel type d’information nous voulons transmettre. Une fois que vous savez cela, vous pouvez utiliser l’ARN contre le cancer, les maladies auto-immunes, les allergies ainsi que le vieillissement, et nous travaillons sur tous ces sujets et au-delà. Nous avons maintenant la possibilité de travailler sur différentes maladies. D’une part, nous voulons utiliser notre technologie ARN pour lutter contre des maladies qui menacent l’humanité depuis plus de cent ans, comme la tuberculose et la malaria. Mais aussi des maladies comme le VIH qui fait l’objet de programmes nécessaires au développement d’un vaccin contre le sida. Enfin, continuons à travailler sur le développement de vaccins contre le cancer afin d’entraîner le système immunitaire des patients à le combattre».
Toute cette polémique autour des vaccins prouve à quel point les pouvoirs publics sont inefficaces en matière de vulgarisation de la science et de la recherche scientifique. Ils ont utilisé les plus grands réseaux de communication pour légitimer leur politique de prévention, imposer la distanciation sociale, généraliser le port du masque, diffuser des spots publicitaires infantilisants mais à aucun moment, il n’est venu à l’idée de ceux qui nous dirigent de relayer le message des chercheurs, les seuls habilités à s’exprimer objectivement sur le virus. Tous ont laissé le champ libre aux rumeurs dont se nourrissent les réseaux sociaux, à des «followers» aussi incultes que dangereux, les plus impétueux allant jusqu’à prétendre que les chercheurs n’étaient animés que par l’appât du gain au profit des laboratoires pharmaceutiques.

Un insulte au monde scientifique

La pandémie qui était une occasion sinon inespérée du moins unique de placer tous les citoyens du monde face aux mêmes responsabilités s’est transformée en un théâtre de boulevard où chacun a joué sa propre partition. En 2015, à l’occasion de la COP 21, les membres de l’ONU étaient parvenus à se réunir pour nous faire croire en des promesses dont ils savaient pertinemment qu’ils ne pourraient les tenir. Cinq ans plus tard, ils n’ont pas jugé utile d’en faire de même alors que tous savaient parfaitement que le virus allait nous réserver des surprises dont la non des moindres a été l’apparition de variants très virulents et très contagieux (1).Ce n’est pas parce que certaines vérités ne sont pas agréables à entendre qu’il faut les cacher. Les chercheurs sont les premiers à reconnaître que les vaccins qu’ils développent ne sont pas la panacée .Qu’ils s’appellent Pfizer, AstraZaneca, Moderna, Johnson & Johnson ou Sputnik, ils sont tous issus de travaux de recherche croisés et l’aboutissement d’une approche très large. « Nous détenons plus de 500 brevets sur différentes technologies. Nous pensons que l’avenir nous réserve deux défis : d’une part, les maladies sont de plus en plus individualisées et nombre d’entre elles, à l’instar du cancer, de l’auto-immunité, des allergies, mais aussi du vieillissement, sont des maladies individuelles avec des composantes individuelles, d’autre part nous sommes convaincus que cela n’a plus de sens d’utiliser un seul et même médicament simplement parce qu’il s’agit de la même maladie. Chaque personne a une évolution différente de la maladie et nous voulons établir des traitements individualisés. Nous avons développé des idées et des technologies pour y parvenir. Il s’agit également du cancer mais aussi des maladies inflammatoires. Et il s’agit également de maladies telles qu’une crise cardiaque. Il faut savoir que notre système immunitaire est impliqué dans toutes ces pathologies. Nous sommes des immunologistes et nous savons comment agir sur les réponses immunitaires et modifier le comportement du système immunitaire». Il faut être aveugle au royaume de myopes pour ne pas comprendre que seule une généralisation de la vaccination pourra permettre aux virologues et immunologistes de poursuivre leurs recherches. Tous ont besoin de savoir comment réagissent les vaccins en fonction des maladies dont sont déjà porteurs les personnes vaccinées. Si tous sont apparus aussi rapidement sur le marché, ce n’est pas pour que quelques laboratoires s’enrichissent, c’est parce que les chercheurs du monde entier, profitant des potentialités du numérique, ont échangé leurs connaissances, leurs analyses, leurs données et leurs observations. Ensemble, ils ont su donner une leçon de solidarité au delà de toute considération ethnique ou politique. Sept d’entre eux ont été fiers de se partager le Prix Princesse des Asturies dans la catégorie « Découverte scientifique » (2) et c’est grâce à eux que les enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants de ceux qui, aujourd’hui, refusent de se faire vacciner, pourront guérir de maladies à ce jour totalement inconnues et peut-être plus dévastatrices que ne l’aura été le Covid 19.vjp

  1. A ce propos, notre article en date du 13 mars 2021 « Covid 19 : la bombe à retardement africaine »
  2. Ce prix honorifique remis chaque année depuis 1981 par l’épouse du Roi d’Espagne est destiné à récompenser des personnes, connues ou inconnues, des initiatives ou des associations contribuant à une meilleure entente entre les peuples. Il est scindé en huit catégories : arts, communications et humanités, coopération internationale, littérature, sciences sociales, sports, recherche scientifique et technique et concorde. Sur la liste des lauréats les plus emblématiques, on trouve Simone Veil, Pedro Almodovar, Günter Grass, Helmut Kohl, la ville de Gdansk ou les héros de Fukushima. Les sept lauréats dans le catégorie Découverte Scientifique en 2021 sont la Hongroise Kataline Kariko, les Américains Drew Weissmann et Philip Felgner, les Allemands d’origine turque Ugur Sahin et Özlem Türeci, le Canadien Derrick Rossi et la Britannique Sarah Gilbert. Certains d’entre eux ont travaillé sur  plusieurs vaccins, à l’instar de Drew Weissmann qui a participé au développement des  vaccins Pfizer et Moderna.
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