Olaf Scholz, Chancelier : espoirs entachés par un inconnu nommé Covid

Allemagne/UE/Monde – Ceux qui s’imaginaient qu’Angela Merkel serait difficile à remplacer se sont royalement trompés car le nomination d’Olaf Scholz au sommet de l’exécutif allemand est saluée de toute part. Grâce à son parcours politique empreint de fidélité au parti social démocrate (SPD), auquel il a adhéré dès l’âge de 17 ans, en 1975, Olaf Scholz a su se forger au fil des décennies l’image d’un homme tolérant toujours ouvert à un dialogue constructif avec ses alliés comme avec ses opposants. Il est déjà considéré comme le digne héritier d’Angela Merkel mais aussi d’Helmut Schmidt, avec lequel il a de nombreux communs.

Un 4ième Chancelier social-démocrate

Les deux hommes ont débuté leur carrière à Hambourg où ils ont étudié, Schmidt l’économie et les sciences politiques, Scholz le droit, tous deux ont été ministre des finances dans des gouvernements de coalition, Schmidt avec le parti libéral FDP, Scholz avec le parti démocrate-chrétien CDU mais ce qui restera aussi gravé dans l’histoire de la République Fédérale est le fait que les deux hommes ont acquis le pouvoir à un moment où leur pays connaissait de graves crises. En 1974, lorsqu’Helmut Schmidt devient Chancelier il hérite alors du scandale de son prédécesseur Willy Brandt, impliqué alors dans une sordide affaire d’espionnage mais aussi d’une crise pétrolière, inattendue et sans précédent. Quarante sept ans plus tard, Olaf Scholz se trouve face à des défis infiniment plus difficiles car en l’espace de presque cinq décennies, le monde ne s’est pas dirigé dans la direction qu’on espérait. En 47 ans, les inégalités n’ont cessé de se creuser, le nombre de demandeurs d’emploi d’augmenter, le climat de se dérégler et l’union européenne de se désunir sur le sujets les plus sensibles. Olaf Scholz ne se trouve pas à la tête d’une Nation en souffrance mais d’un territoire qui s’interroge et ce, d’autant plus que de lui dépend l’avenir de toute l’Europe. Dans les années 1970-1980, lorsqu’il était question de l’Allemagne, on la considérait comme un modèle de démocratie et tout laisse à penser que le neuvième Chancelier de la République Fédérale va tout mettre en œuvre pour redorer cette image. Parmi les premières décisions annoncées avant même que le gouvernement ait été entièrement constitué, celle qui consiste à autoriser les jeunes allemandes et allemands à voter dès l’âge de 16 ans est à la fois la plus emblématique, la plus spectaculaire, le plus rationnelle et le plus intelligente car elle va permettre de rajeunir le corps électoral et enfin donner la parole à ceux qui sont les plus sensibles à l’environnement naturel mais aussi social. A ce jour, on dénombre en Allemagne plus de trois millions de personnes âgées de 14 à 17 ans qui seront autorisés à voter en 2025. Si l’Allemagne de Scholz n’est plus l’Allemagne de Schmidt, c’est parce que sa population a trop vieilli. Sur les 60,4 millions d’inscrits sur les listes électorales lors du dernier scrutin près des 25 millions avaient plus de 60 ans, dont 18,30 millions plus de 65 ans. Ce sont ces personnes qui ont contribué à la croissance et à la prospérité du pays et c’est à elles qu’on doit cette formule très usitée que fut «le miracle allemand» . Cette génération, les 60 – 85 ans, en représentant près de 40% du corps électoral pèse naturellement très lourd dans les décisions de l’exécutif ; lesquelles ont été souvent prises au détriment des jeunes populations. Peu de gens savent que la première puissance économique de l’Union Européenne ne se classe qu’en sixième position en terme de salaire minimum horaire derrière le Luxembourg, les Pays-Bas, la France, l’Irlande et la Belgique.

Annalena Baerbock, Robert Habeck et…
Christian Lindner : ce trio incarne le renouveau politique allemand

A l’assaut des postes ministériels

De cette inégalité salariale qui frappe tous les jeunes citoyens de l’UE (*), Olaf Scholz et les trois formations amenées à gouverner avec lui en ont eu conscience et, après des semaines de concertation, ont pris l’initiative d’augmenter de 26% le salaire horaire de base. A partir de 2022, il s’élèvera à 12 euros et la RFA se classera ainsi au second rang derrière le Luxembourg (12,73 euros). Parallèlement aux deux mesures-phare que sont l’abaissement de l’âge autorisant à voter et l’augmentation des basses rémunérations, les trois partis membres de la coalition sont parvenus à un compromis sur deux autres sujets sensibles dépendant l’un de l’autre, la crise du logement et la réduction de la consommation énergétique. Le SPD, le FDP et les Verts se sont engagés à faire construire chaque année pendant toute la durée de la législature, 400.000 logements, soit 1,6 million d’ici 2025, dont le quart sera cofinancé par des fonds publics. La construction de tous ces nouveaux logements sera soumise à des règles strictes car elle doit contribuer à atteindre la neutralité du climat fixée en 2045. Cette date-butoir et ce défi ne pourront être respectés à la condition qu’ils ne se limitent pas au bâti mais s’immiscent dans tous les secteurs d’activités. C’est la raison pour laquelle 3,5% du produit intérieur brut seront investis, dès 2022, dans la recherche et de le développement de nouvelles technologies favorables à l’environnement et à la lutte contre le réchauffement climatique ce qui représente presque le double du budget prévue pour la défense.

Mais au cours des deux mois qu’ont duré les négociations, les Allemands ont eu le sentiment que leurs potentiels futurs dirigeants se battaient davantage pour obtenir des postes ministériels compatibles avec leurs promesses électorales plutôt que de s’investir de manière coordonnée dans la lutte contre la pandémie. Pendant cette période, ils se sont aperçus qu’Olaf Scholz était le mieux placé pour succéder à la Chancelière car à l’instar d’Angela Merkel, il a su faire preuve de tact et de pragmatisme. Le SPD s’est arrogé les ministères indispensables à la cohésion nationale, l’intérieur, la défense, l’habitat, le travail et les affaires sociales, la santé et la coopération économique. Le parti libéral FDP qui n’avait participé qu’à un seul des quatre gouvernements formés par Angela Merkel, entre 2009 et 2013, refait une entrée en force dans la première équipe d’Olaf Scholz avec quatre ministères dont ceux, à côté des transports et de la recherche/formation, de la justice et surtout des finances, lequel sera détenu par Christian Lindner, le secrétaire général du parti qui avait émis sa participation au gouvernement à l’obtention de ce poste. Quant aux Verts (Die Grünen), alors qu’ils ne sont, avec 67 représentants au Bundestag, que la troisième force de la coalition derrière le SPD (152 députés) et le FDP (80), ils s’en tirent plutôt bien en ravissant cinq ministères dont deux hautement symboliques, celui de l’économie et du climat, attribué à Robert Habeck qui a obtenu la fonction de vice-chancelier, et celui des Affaires Etrangères, attribuée pour la première fois depuis la création de la RFA, à une femme, Annalena Baerbock. Le duo Habeck-Baerbock, à la tête du mouvement Alliance 90/Die Grünen, depuis bientôt quatre ans, apparaît comme le grand vainqueur de ce qui est considéré déjà comme un tournant dans l’histoire de la République Fédérale. Ce n’est pas la première fois que le pays est dirigé par une coalition à trois, un mode de gouvernement initié par le 1er Chancelier, Konrad Adenauer, qui n’aurait jamais pu demeurer quatorze ans au pouvoir sans des compromis entre son parti la CDU, le FDP et le Parti Allemand (Deutsche Partei), une formation nationale-conservatrice qui a connu son ère de gloire au lendemain de la seconde guerre mondiale jusqu’au début des années 1960.

Un gouvernement hétéroclite

D’une manière générale, les Allemands se réjouissent d’être officiellement dirigés après huit semaines de négociations qui laissent néanmoins un certain nombre d’entre eux sceptiques quant à la pérennité d’une équipe gouvernementale affichant une unité forcée par la crise sanitaire qui n’est pas forcément un gage de longévité. En effet, mettre à la tête du ministère de l’Agriculture un écologiste par vocation hostile aux produits toxiques alors que la majorité des agriculteurs y est favorable pour rentabiliser leurs exploitations, n’est peut-être pas la meilleure des idées. Idem en ce qui concerne le ministère de l’économie, également entre les mains d’un Vert ; lequel devra redoubler d’ingéniosité pour faire accepter aux entreprises le sacro-saint principe du « pollueur-payeur » dans un gouvernement dont le ministre des finances ne se cache pas être le porte-parole du patronat. Quant à la ministre des affaires étrangères, elle fait son apparition dans le cour des grands de l’exécutif sans en avoir l’expérience. Annalena Baerbock est la seconde écologiste après Joschka Fischer (de 1998 à 2005) à représenter la République Fédérale à l’étranger. Tous ses prédécesseurs ou presque font partie des figures les plus emblématiques de l’histoire allemande. Certains à l’instar de Willy Brandt et Helmut Schlmidt sont devenus Chanceliers, d’autres à l’instar de Walter Scheel ou Frank-Walter Steinmeier, Présidents de la République mais le plus célèbre d’entre eux demeure Hans-Dietrich Genscher qui a su redorer l’image de la RFA à deux reprises, sous les trois gouvernements d’Helmut Schmidt et les quatre d’Helmut Kohl. H-D.Genscher occupait la fonction de ministre des Affaires Etrangères lors de la Levée du Rideau de Fer. Ami personnel de Jean-Paul II, il a joué un rôle de premier plan dans la réunification des deux Allemagne mais aussi des Europe Occidentale et Centrale. Annalena Baerbock va prendre ses fonctions à un moment où les tensions entre Berlin d’une part part, et Varsovie et Budapest d’autre part s’exacerbent. Par ailleurs, le premier des dossiers auquel elle va devoir s’atteler est celui de la Biélorussie qui connaît une crise humanitaire sans précédent et dont on voit mal comment elle pourrait trouver son épilogue sans une réelle implication de l’Allemagne étant donné que les écologistes ont été parmi les premiers à soutenir la politique de bienvenue d’Angela Merkel. Enfin, et ce n’est pas le moindre des défis, la première femme ministre des Affaires Etrangères va devoir composer avec une crise sanitaire qui a déjà d’énormes incidences sur le plan international car l’Allemagne est l’un des pays de l’Union Européenne qui a le plus besoin d’une main d’oeuvre étrangère, que celle-ci soit durable ou saisonnière. Des pans entiers de l’économie allemande dépendent de l’arrivée de travailleurs étrangers qui devront être vaccinés pour ne pas être accusés de propager la maladie. L’Autriche, confrontée à la même problématique, a décidé de rendre obligatoire la vaccination et on voit mal comment l’Allemagne pourrait y échapper.

Petra Köpping, ministre potentielle de la santé
Karl Lauterbach: trop « star » pour séduire un Chancelier discret

Qui au ministère de la santé ?

Comparativement à la formation du quatrième gouvernement d’Angela Merkel qui avait nécessité près de six mois de négociations (172 jours exactement), la première équipe d’Olaf Scholz s’est constituée en trois fois moins de temps, soit à trois jours le temps que s’était donnée Angela Merkel, en 2005, pour en faire de même. Mais à l’époque, tous les postes avaient été attribués ce qui n’est pas le cas actuellement, car au moment où nous écrivons ces lignes le nom du ministre de la santé n’a toujours pas été communiqué alors même qu’il aurait dû être le premier officialisé. Celui que tout le monde assimilait déjà au Monsieur Covid 19, en l’occurrence le médecin Karl Lauterbach, semble avoir été écarté de la compétition. Officiellement, sa nomination à la tête du ministère de la Santé n’est pas possible car elle mettrait en cause la parité femmes-hommes, à laquelle le nouveau Chancelier est, paraît-il, très attaché. Pour respecter cette règle qui n’est pas forcément un gage de compétence, sur le siège encore vacant, seule une femme sera autorisée à s’asseoir. Selon des rumeurs de plus en plus persistantes, l’heureuse élue serait Petra Köpping qui a l’avantage d’être née, en 1958, dans l’ex-RDA. Membre du parti marxiste-léniniste SED avant la Chute du Mur de Berlin, la jeune Petra a su habilement se reconvertir dans l’idéologie libérale, au point de devenir en 2014, le première femme à devenir, dans le land de Saxe, ministre de la Santé. Moins connue du grand public que son concurrent Lauterbach qui avait profité de la pandémie pour faire des apparitions quasi quotidiennes sur les plateaux de télévision, Petra Köpping est sortie néanmoins de l’ombre en prônant des mesures drastiques à l’encontre des réfractaires aux mesures de mise en quarantaine qu’elle envisageait de cloîtrer dans des hôpitaux psychiatriques. Au pic de la pandémie, elle n’excluait pas de rouvrir quatre de ces établissements où avaient été enfermés des fous mais aussi des opposants au régime communiste. On ignore, à ce jour, qui va gérer la crise sanitaire mais il est peu probable que beaucoup d’ambitieux se bousculent au portillon d’un ministère dont la responsable, en plus d’être vaccinée, ne devra pas être allergique aux anti-dépresseurs. C’est peut-être d’elle que dépend l’avenir de cette coalition tricolore qui ne sera pas jugée sur le nombre d’éoliennes ou de logements sociaux mais sur celui des contaminés et des disparus. (kb/vip)

(*) Lorsqu’elle a pris la tête de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, avait promis de s’atteler aux inégalités salariales au sein de l’Union et envisagé l’instauration d’un salaire minimum européen, une initiative qui relevait du bon sens pour mettre fin au déséquilibre social et économique auquel ni les commissaires, ,ni les parlementaires sont parvenus à enrayer. Il semblerait que ni les premiers encore moins les seconds ne s’offusquent de ces distorsions en terme de revenus qui frappent prioritairement les jeunes générations. Seules ces dernières, à condition qu’elles se solidarisent, pourraient mettre fin à ces injustices. Notre site www.pg5i.eu reviendra prochainement sur ce sujet sensible.

error: Content is protected !!