Attaques contre les politiciens : un sport national en Allemagne

Allemagne – La semaine dernière deux hommes s’en sont pris physiquement et à deux reprises à Béla Mokrys, membre du conseil d’un district de Hanovre dans lequel il représente le parti Alliance/les Verts. Cet événement est tout sauf un banal fait divers car il s’inscrit dans une logique de violence dont cette formation n’est hélas pas la seule à payer un lourd tribut.

L’ancien ministre de l’environnement de Gerhard Schrödern Jürgen Trittin, ici badigeonné de crème couleur sang, a souvent été victime de violences.

En effet, les données rendues publiques par l’Office Fédéral en charge de la criminalité, révèle que l’an dernier 5.316 délits ont été enregistrés, ce qui signifie qu’il ne s’est pas passé de jour sans que 14,5 actes malveillants n’aient eu lieu. Les autorités scindent les délits en trois catégories, les attaques verbales ou physiques contre des personnes, la détérioration de locaux et permanences et le vandalisme de panneaux d’affichage. Le plus inquiétant provient du fait que c’est la première d’entre elles qui représente, avec 2.790 faits signalés ou plaintes enregistrées, la majorité (52,5%) des infractions. Dans ce pourcentage peu vertueux, l’Allianz/les Verts a le triste privilège avec 1.219 actes répréhensibles (43,7%) de s’arroger la part du gâteau, loin devant le parti-social démocrate (420) et le FDP (194), ce qui porte à 1.833 (65,6%) le nombre d’attaques dont ont été victimes les représentants des trois formations actuellement au pouvoir. Le parti d’extrême-droite AfD arrive en seconde position derrière les Verts avec 478 délits (17,1%). La violence dont sont victimes les représentants du peuple n’est pas un phénomène nouveau. Elle avait atteint son sommet le 1er juin 2019, lors de l’assassinat du président chrétien-démocrate du district de Cassel, Walter Lübcke, perpétré par un ancien membre du parti néo-nazi NPD et plusieurs fois condamné pour des actes racistes. Quelques mois après ce meurtre très médiatisé, le Bundestag adopta une série de lois contre la haine et incitation à la haine. Par ailleurs il fut décidé d’élargir l’article 188 du code pénal afin de protéger les personnes de la vie politique contre la diffamation et la calomnie qui sont les deux premiers maillons de la chaîne.

Permanence vandalisée du sénateur berlinois social-démocrate Andreas Dresen en charge de l’Intérieur .

Le généralisation de la violence

Jusqu’en 2015, les attaques, généralement des entartages très médiatisés, visaient les personnalités actives au niveau fédéral mais depuis la vague migratoire aucun élu n’est épargné. Un sondage commandité par la première chaîne publique ARD et le magazine Kommunal réalisé en 2020, a révélé que plus des deux tiers des 2.500 maires interrogés avaient été au moins une fois insultés, injuriés, menacés voire agressés physiquement. 9% d’entre eux avaient reçus des crachats et des coups. Beaucoup, craignant que la violence s’exacerbe, n’ont pas osé porter plainte, ce qui signifie que les statistiques officielles sont en deçà de la réalité du terrain. La comparaison entre les chiffres de l’enquête et ceux de la police révèle que seuls neuf pour cent des personnes interrogées ont demandé des réparations par voie de justice. A l’instar de ce qui se produit dans d’autres domaines, tels le harcèlement sexuel, les viols ou les injures racistes, cette sous-notification des actes commis cache le nombre réel de cas et permet aux agresseurs d’interpréter ce silence comme une approbation. Après trois années d’application, on constate que les lois adoptées non seulement n’ont eu aucun effet mais qu’au contraire elles ont rendu populaire ce qu’elles étaient censées combattre, y compris dans des groupes de population qui jusque là se contentaient de crier mais aujourd’hui n’hésitent plus à vandaliser. Preuve en a été faite lors des manifestions agricoles au cours desquelles il s’en est fallu de peu que le ministre vert de l’Economie, Robert Habeck, soit à la veille de Noël, pris en otage. kb & vjp

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