Le gouvernement tchèque en proie à des voix discordantes

République Tchèque/Ukraine/UE – Depuis son arrivée au pouvoir, en décembre 2021, le gouvernement de coalition tchèque doit faire face à de fréquents mouvements de contestation. Si le pays a été l’un des premiers en Europe à s’élever contre « l’opération spéciale » engagée par le Kremlin, la solidarité à l’égard de l’Ukraine commence à s’essouffler.

A l’occasion de la fête nationale du 28 octobre dernier , des dizaines de milliers personnes venues de toutes parts, ont manifesté à Prague pour lutter contre la crise énergétique mais aussi contre le soutien apportée par la République Tchèque à l’Ukraine. Ce rassemblement a eu lieu à peine trois semaines après celui organisé par la confédération tchéco-morave des syndicats (CMKOS). Les trente et un syndicats qui en sont membres étaient parvenus à mobiliser plus de 270.000 participants et c’est à cette occasion que le président du CMKOS avait fait part de son intention de se présenter à l’élection présidentielle, une candidature à laquelle il renonça quelques semaines avant le scrutin du 14 janvier dernier, lequel s’est soldé par la victoire du général en retraite et sans étiquette Petr Pavel. Lors de cette manifestation, les syndicats ont dénoncé l’inertie du gouvernement face à la montée historique de l’inflation et la perte de pouvoir d’achat pour les ménages, les deux s’inscrivant parmi les plus élevées de l’Union Européenne. Le 12 novembre, ce fut au tour des étudiants de prendre le relais pour s’élever contre les inégalités sociales dont ils estiment être les premières victimes. Les jeunes Tchèques sont également préoccupés par le dégradation croissante de l’environnement et ils ont profité de leur manifestation pour annoncer le lancement de l’initiative « Universités pour le climat » à laquelle se sont ralliées toutes les universités les plus connues du pays, en l’occurrence celles de Prague, Brno, Olomouc, Usti nad Labem, Hradec Kralové et Pilsen.

D’une pierre deux coups !

Jindrich Rajchl, 47 ans, a fondé le parti PRO pour incarner le nouveau visage de l’extrême-droite tchèque.

Rappelons que pour mettre un terme au régime populiste instauré par son prédécesseur Andrej Babis , ministre-président de 2017 à 2021, l’actuel chef de gouvernement Petr Fiala, était parvenu à rallier à sa cause tous les partis d’opposition, ce qui l’a contraint par la suite à constituer une équipe gouvernementale pour le moins hétéroclite car ce ne sont pas moins de cinq formations politiques qui y sont représentées. En bon démocrate, Petr Fiala a jugé utile d’attribuer les postes en fonction des résultats dans les urnes et sur les dix sept membres du gouvernement, cinq portent l’étiquette de l’ODS, le parti libéral conservateur auquel il appartient et qui détient 34 sièges au Parlement et quatre à celle du parti indépendant STAN (33 députés). Les partis chrétien-démocrate KDU-CSL et libéral-progressif Pirati sont tous deux présents au gouvernement avec chacun trois ministères et le parti de centre-droit TOP 09 s’est vu attribuer deux sièges. En République Tchèque, le gestion du pays est avant tout une affaire d’hommes et seules deux femmes Jana Cernochova et Helena Langsadlova sont représentées dans l’équipe gouvernementale où elles occupent les fonctions de ministre de la Défense et de ministre de la Recherche et de l’Innovation. Le climat politique tchèque est exacerbé par une forte opposition qui détient 46% des sièges à l’Assemblée Nationale, soit 92 sur 200. Le parti ANO, dont Andrej Babis est toujours le président, demeure avec 72 députés le première force politique du pays. Babis bien qu’ayant été vaincu au second tour de l’élection présidentielle, demeure très actif dans le vie politique tchèque comme l’est également le SPD, un sigle qui prête à confusion car il a attaché à une formation qui n’est pas sociale-démocrate comme en Allemagne, mais ouvertement d’extrême-droite. Le SPD tchèque détient vingt sièges à l’Assemblée Nationale. En juin 2022, l’avocat Jindrich Rajchl, qui s’est fait connaître en s’opposant avec virulence aux vaccinations contre le Covid 19, a créé son propre parti PRO (Droit, Respect, Expertise). Ce nouveau mouvement qui, à l’instar du SPD, regroupe des éléments d’extrême-droite, a organisé début mars une manifestation anti-gouvernementale sur la place Venceslas à Prague à laquelle ont participé plusieurs milliers de personnes. Les porte-parole de PRO ont demandé au gouvernement qu’il cesse immédiatement la fourniture de matériel militaire à l’Ukraine, ce qui peut être interprété comme un soutien direct à la stratégie russe. Par ailleurs, selon les leaders de PRO, l’appauvrissement du pays serait dû « à la politique énergétique auto-destructive de l’Union Européenne ». C’est ce qui s’appelle faire d’une pierre deux coups ! ls

 

 

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