Le Chancelier allemand contraint de gérer une erreur de casting

Depuis sa nomination au poste de ministre de la Défense, Christine Lambrecht n’a cessé de semer le trouble dans l’équipe gouvernementale et d’en entacher l’image à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières de la République Fédérale. 

Allemagne – Au nom d’une parité de bon aloi imposée par les mouvements féministes, les chefs de gouvernement se voient obligés de nommer de plus en plus de femmes à des postes de plus en plus stratégiques. Peu importe que la ministre en question soit compétente ou non, l’essentiel est qu’elle soit une femme. Mais lorsque l’heureuse élue dérape, cela peut provoquer des dégâts et c’est cette situation pour le moins improbable que le Chancelier Olaf Scholz a vécue avec Christine Lambrecht. Depuis que cette dernière est à la tête du ministère de la Défense après avoir été successivement ministre de la Justice puis ministre de la famille, des personnes âgées et de la jeunesse dans le quatrième gouvernement d’Angela Merkel, cette membre du parti social-démocrate n’a cessé de cumuler les bévues au point de devenir la «Madame Bourde» au sein de l’équipe gouvernementale et la risée de tous ses homologues étrangers. Il a proposé aujourd’hui au Chancelier sa démission.

… avec ses chaussures design

Madame « Gaffe » s’en va en guerre…

A peine nommée à son poste, elle avait pris la décision de licencier ou de muter des collaborateurs nommés par son prédécesseur, Annegret Kramp-Karrenbauer, laquelle, offusquée, avait refusé d’assister à la cérémonie officielle organisée à l’occasion de la passation de pouvoir. Quelques mois auparavant, consciente de sa popularité en berne dans les sondages, Christine Lambrecht avait publiquement annoncé son retrait de la vie politique pour, selon ses dires, se consacrer à son « métier de rêve », en l’occurrence celui d’avocate. Pourquoi dans ces conditions a-t-elle fait machine arrière ? Personne ne le sait. Elle n’a pas été priée de justifier ce revirement mais certains persifleurs l’expliquent à leur manière : il est plus facile de s’enrichir en étant ministre qu’en plaidant pour les bonnes causes. Etre ministre permet par ailleurs de voyager à l’oeil et d’en faire profiter son entourage. C’est ainsi que peu avant Pâques, Mme Lambrecht avait confondu l’armée de l’air avec la Lufthansa et lors de la visite d’un bataillon militaire dans le Schleswig-Holstein, il avait fait usage d’un l’hélicoptère mis à sa disposition par l’armée pour le faire atterrir par la suite, non pas à Berlin mais sur l’île proche Sylt connue pour sa plus forte concentration de millionnaires au kilomètre carré. Comme Mme Lambrecht a toujours entretenu des relations fusionnelles avec son fils Alexander, 22 ans, elle faisait en sorte qu’il soit toujours du voyage. Mais l’enfant chéri a eu la mauvaise idée de prendre des photos aériennes et de les poster sur Instagram, ce qui a suscité une vive indignation dans les rangs de l’opposition mais aussi dans la population. La ministre de la Défense allemande n’a jamais su gérer son image sur les réseaux sociaux. Lors de la Saint-Sylvestre, elle n’avait rien trouvé de mieux que de formuler publiquement ses vœux à l’extérieur au moment même où des milliers de Berlinois tiraient des feux d’artifice. Moralité : personne n’a compris le moindre mot de ce qu’elle disait ! Lorsqu’elle a été amenée à aborder la guerre en Ukraine, elle l’a fait avec un minimum d’emphase allant même jusqu’à déclarer que le conflit lui avait permis de rencontrer des « personnes très intéressantes » comme s’il fallait une guerre pour s’enrichir intellectuellement.

Lars Klingbeil, 45 ans, semblait le mieux placé pour occuper le poste de ministre de la Défense mais il a été sacrifié au nom de la parité !

Deux ou trois (?) successeurs potentiels

Dans ses propres rangs du parti social-démocrate, elle était de plus en plus traitée avec mépris car on lui reprochait de n’avoir aucune connaissance des problèmes de défense et elle le reconnaissait elle-même lorsqu’elle avouait ne pas savoir faire la distinction entre les galons d’un lieutenant et ceux d’un colonel. Enfin, lorsqu’elle passait en revue les troupes, elle le faisait en tenue de ville portant toujours des chaussures design avec des talons imitant des cubes magiques casse-tête de la ligne Kate Perry. Tout cela donnait à Christine Lambrecht l’image d’une femme peu responsable alors même qu’elle était à la tête d’un ministère qui n’a jamais été autant stratégique qu’il ne l’est à l’heure actuelle. Que le Chancelier ait commis une erreur de casting, était devenu une évidence et la ministre concernée en a eu conscience. Vendredi dernier le quotidien « Bild Zeitung » a rapporté qu’elle souhaitait quitter son poste, une information qui n’avait été officiellement confirmée mais qui n’avait pas non plus été démentie, ce qui laissait supposer que les jours de Christine Lambrecht à la tête du ministère de la Défense étaient comptés. Beaucoup d’Allemands, y compris dans les rangs du SPD, s’imaginaient que la vidéo du Nouvel An tournée dans un paysage de pétards berlinois serait suffisante pour provoquer la révocation immédiate de la ministre, ce qui n’avait été possible car le cas Lambrecht s’avérait pour Olaf Scholz beaucoup plus complexe qu’il ne paraissait. Révoquer une ministre est facile, la remplacer l’est moins, surtout lorsqu’un chef de gouvernement souhaite à n’importe quel prix respecter la sacro-sainte parité hommes-femmes dans son équipe. Le Chancelier se trouve face à un dilemme car il lui faut, soit trouver un nouvel oiseau portant jupe et pantalon, soit remanier son gouvernement en confiant à une femme un ministère occupé actuellement par un homme. Pour les oiseaux rares plus compétents que Christine Lambrecht, le Chancelier a le choix entre Eva Högl, chargée de la Défense au Parlement et Siemtje Möller, secrétaire d’Etat parlementaire auprès la ministre déchue. Mais selon les observateurs les plus avertis ces deux alternatives ne seraient pas la panacée. La première n’est pas sur la même longueur d’onde que le Chancelier. Elle plaide haut et fort pour la livraison rapide de chars Leopard à l’Ukraine et pour des milliards supplémentaires destinés à l’armée allemande foulant ainsi du pied la prudence dont fait preuve Olaf Scholz face à ces deux revendications. Quant à la seconde, Siemtje Möllern tous ceux qui l’ont côtoyée sont unanimes en considérant qu’à l’instar de Christine Lambrecht, elle n’a pas les compétences requises pour occuper le poste de ministre de la Défense. Et ces mêmes personnes de s’interroger pourquoi Lars Klingbeil n’a pas été choisi pour occuper cette fonction alors même que bien avant la guerre en Ukraine l’armée était déjà face à d’innombrables défis, notamment en ce qui concerne son financement. Pendant toute la durée de la 19ième législature, c’est-à-dire entre 2017 et 2021, Lars Klingbeil a été membre de la commission de la Défense et de la commission de l’agenda numérique et il est, de fait, le mieux placé pour gérer la budget de la défense. Pour ce faire, il devrait néanmoins abandonner son poste de vice-président du parti social-démocrate car il n’est pas dans le tradition allemande qu’un chef de parti puisse occuper un poste ministériel. Le Chancelier va devoir réagir rapidement car vendredi prochain a lieu sur la base aérienne américaine de Ramstein en Rhénanie-Palatinat le sommet des ministres de la défense des pays soutenant l’Ukraine, dont les décisions et conclusions dépendent de la position de l’Allemagne dans le conflit. kb & vjp (Nombre de mots : 1.190)

 

 

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