Elections présidentielles tchèques : deux finalistes au coude à coude

En tant qu’ancien premier ministre, il désirait diriger le pays comme une entreprise.
Petr Pavel : il est arrivé en tête mais justesse face à son concurrent Babis mais il peut compter sur le report des voix des autres candidats.

République Tchèque – A l’instar de ce qui s’est passé en 2013, année au cours de laquelle a eu lieu la première élection au suffrage universel, mais aussi en 2018, aucun des huit candidats en lice n’est parvenu hier à obtenir la majorité absolue.

Les Tchèques vont devoir par conséquent attendre le soir du 28 janvier, deuxième jour du second tour pour connaître le nom de celui dont le rôle n’est pas déterminant dans le fonctionnement de la République mais qui est tout de même habilité à nommer le gouvernement, désigner le chef de la Banque Centrale, les juges constitutionnels et le chef des armées. Par ailleurs, il est autorisé à émettre ses points de vue en matière de politique étrangère, une liberté dont ne s’est jamais privé le président-sortant, Milos Zeman, en fonction de 2013 à 2023. Ces dix années de présidence ont été marquées par la crise migratoire et l’afflux massif de réfugiés à l’égard desquels Zeman n’a jamais manifesté la moindre  once d’empathie. Le désormais ex-président de la République Tchèque, en tenant de propos racistes et homophobes, porte une lourde responsabilité dans le clivage de la société de son pays. C’est en jouant, à quelques nuances près, sur le même tableau que le candidat Andrej Babis, ancien chef du gouvernement et fondateur du parti populiste ANO, espérait arriver en tête au premier tour. Les Tchèques en ont décidé autrement et donné une légère avance à son rival, Petr Pavel, un ancien général qui est parvenu à convaincre 35,40% des électeurs. Bien que le nombre de candidats cette année était inférieur à celui de 2018, il a été suffisamment élevé pour provoquer un éparpillement des voix. Ce qu’il faut retenir de ce vote des 13 et 14 janvier, est premièrement la gifle infligée aux formations traditionnelles qui a fait que sur les quatre candidats arrivés en tête, trois se sont présentés sans étiquette et ont réalisé des scores qui, cumulés, ont représenté plus de 56% des suffrages, deuxièmement qu’une partie significative de la population aspire à l’arrivée de nouvelles figures sans trahir l’héritage de Vaclav Havel.

Danuse Nerudova : en promettant de présider le pays comme s’il était une « grande famille » et non une entreprise (!), elle est parvenue à convaincre plus de 770.000 inscrits et à se classer 3ième avec près de 14% des suffrages.

L’extrême-droite tchèque : « Basta ! »

Les scores réalisés par Danuse Nerudova, ancienne rectrice de l’Université de Brno (3ième avec 13,92%) et Pavel Fischer (*) (4ième avec 6,75%) prouvent cette double-tendance, dont le nouveau président devra tenir compte pour jouer le rôle d’unificateur de la société que les Tchèques attendent de lui. Seulement quelque 22.000 voix ont séparé les deux challengers au profit de Petr Pavel ; lequel est parvenu à faire oublier son passé de militaire dans l’ex-Tchécoslovaquie. Contrairement à son concurrent, Pavel n’a jamais été impliqué dans des affaires de corruption et n’a jamais tenu de propos susceptibles de laisser penser qu’il était opposé à l’Union Européenne ou à l’OTAN. Ces atouts vont peser lors du second tour et même si Danuse Nerudova et Pavel Fischer ne donnent pas de consignes de vote en sa faveur, il est quasiment certain qu’il est le mieux placé pour devenir de le nouveau président de la République Tchèque. Quoiqu’il en soit, grâce au départ de Milos Zeman, une nouvelle ère s’annonce pour ce pays en proie à une vague de mécontentement due à la crise de l’énergie et à la montée vertigineuse de l’inflation (+ 17%), deux handicaps dont le candidat d’extrême-droite, Jaroslav Basta, membre du pari SPD (Liberté et Démocratie Directe) et proche de Vladimir Poutine espérait tirer profit. Basta porte désormais très bien son nom sans compter son âge. Ses 75 ans ont fait de son parti une formation vieillissante qui n’est même pas parvenue à franchir la barre des 5% (4,45%). Notons enfin que les élections n’ont pas été boudées par les Tchèques. Le taux de participation s’est élevé à 68,24%, soit 6,2 points de plus qu’en 2018. A défaut d’être puissant, le futur président sera légitime. ls & vjp

(*) Pavel Fischer a été un proche collaborateur de Vaclav Havel Pavel qu’il a conseillé entre 1999 et 2003 en tant que chef des affaires politiques avant de devenir ambassadeur en France et à Monaco jusqu’en 2010. Il a été ensuite nommé Directeur des Affaires Politiques au Ministère des Affaires Etrangères à Prague (2010-2013). Après vingt ans de service public, il a démissionné pour des raisons familiales tout en restant engagé dans des activités associatives, des conseils aux entreprises et des organismes de formation. Elève de l’ENA (Cyrano de Bergerac, 1998-1999), musicien de formation (violoniste et choriste), père de quatre enfants. Il a étudié, après la chute de Mur de Berlin, l’enseignement social de l’Eglise en Suisse. Il est d écoré de la Légion d’Honneur (2010), de l’Ordre de Saint Charles (2010), et de l’Ordre de Mérite (2003). Sa présence au premier tour des élections présidentielles marque son retour dans la vie politique et le score qu’il a réalisé pourrait conditionner le résultat du second scrutin.

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