L’Autriche insensible aux victimes du séisme

 

Vienne ne serait pas vraiment Vienne sans sa forte présence turque.

Autriche/ Allemagne/Turquie – Alors que l’Allemagne a immédiatement fait preuve d’humanité à l’égard des victimes du tremblement de terre qui a dévasté une partie des territoire turc et syrien, l’Autriche demeure intransigeante et ne mettra pas, contrairement à son voisin du nord, des procédures accélérées d’obtention de visas.

Un premier périple pour une première étape

Les membres de la diaspora turque implantée dans le pays et qui représente la quatrième communauté étrangère derrière les Allemands, les Roumains et les Serbes (*), et qui envisageaient de venir en aide à leurs compatriotes en se proposant de les héberger, ne le pourront pas comme ils l’espéraient car les autorités autrichiennes en ont décidé autrement. Le ministre de l’Intérieur autrichien Gerhard Karner, a beau avoir promis que les demandes d’asile allaient être traitées « le plus rapidement possible »,  personne ne le croit car les conditions d’obtention d’un visa temporaire sont tellement rédhibitoires qu’elles semblent avoir été sciemment élaborées pour dissuader tout candidat à l’exil. On le constate à la première étape à laquelle doivent se soumettre les victimes du séisme souhaitant rejoindre Autriche et qui consiste à se rendre auprès des autorités autrichiennes compétentes en Turquie c’est-à-dire le consulat d’Ankara ou l’ambassade d’Istanbul, situés respectivement à plus de huit cents et mille cinq cents kilomètres de la zone dévastée par le tremblement de terre et ses innombrables répliques. Pour les citoyens syriens, la situation est encore plus difficile car ils doivent faire le voyage au Liban et se présenter à l’ambassade d’Autriche à Beyrouth. Mais ce n’est qu’après ce premier pas franchi que les problèmes commencent car les candidats au départ semblent être considérés comme autant de terroristes potentiels. Pour obtenir leur visa ils doivent en effet fournir une multitude de documents et d’attestations. Tout d’abord, ils sont tenus de démontrer de manière crédible qu’ils retourneront dans leur pays à l’expiration du visa, ce qui est impossible lorsqu’il s’agit de personnes dont tous les biens ont été dévastés par la catastrophe.

Gerhard Karner, ministre de l’Intérieur : il impose des conditions draconiennes aux victimes du séisme.

Kakfa sous les décombres

Le candidat à l’immigration doit également justifier d’un revenu mensuel de base, soit 1.110 euros, ce qui est possible si la personne était fonctionnaire avec maintien de sa rémunération mais impossible si elle exerçait toute autre profession. Une fois ces deux conditions remplies, ce même candidat au départ n’est pas pour autant libéré de ses obligations. Après avoir dûment rempli un formulaire de demande assorti d’une photo d’identité, ce qui est normal dans ce genre de situation, il doit fournir un passeport en cours de validité, une copie de la fiche signalétique de ce passeport, un prise de données biométriques sous forme d’empreintes digitales, une preuve du moyen de transport
et pour les voyages en voiture le permis de conduire, la carte verte d’assurance, le certificat d’immatriculation, l’assurance voyage, maladie et accident avec une couverture minimale de 30 000 € (y compris le rapatriement pour raisons de santé) valable dans l’espace Schengen. Autant de documents qu’il est généralement impossible de rassembler lorsqu’on a perdu tous ses biens. Il en va de même de toutes les preuves que sollicitent les autorités autrichiennes et qui obligent le demandeur à attester de son enracinement économique, familial, professionnel et social dans son pays d’origine. Comment trouver les actes d’une propriété immobilière, d’un contrat de travail, d’une attestation d’étude, d’un diplôme ou d’un droit à la retraite, lorsque toute cette paperasserie se trouve à dix pieds sous terre et sous les décombres ? Seuls les citoyens turcs ayant des amis ou des membres de leur famille implantés depuis longtemps en Autriche et disposés à se porter caution auront une chance de s’installer dans un pays qui, il y a quelques semaines à utiliser son veto pour empêcher la Roumanie et la Bulgarie d’intégrer l’espace Schengen. Décidément cette République des Alpes a une conception singulière des valeurs européennes. Dans les années 1960-1970, lorsqu’elle manquait de main d’oeuvre, elle a pris toutes les mesures possibles et imaginables pour attirer sur son sol des travailleurs turcs et yougoslaves et un demi-siècle plus tard, elle oublie déjà que c’est à eux qu’elle doit toujours sa croissance. gs

(*) Selon l’office fédéral des statistiques, l’Autriche comptait en 2022, plus de 1,58 millions d’étrangers, soit 17,57% de la population totale su pays. Parmi les mieux intégrés, on retrouve naturellement en première position la communauté allemande avec 217.000 personnes enregistrées, suivie des communautés roumaine et serbe à quasi égalité avec respectivement 138.000 et 122.000 ressortissants. Ne sont pas inclues dans ces données, les travailleurs saisonniers qui jouent un rôle prépondérant sur l’économie du pays. Si le tremblement terre avait eu lieu au printemps ou à la période des vendanges, le gouvernement autrichien aurait été moins pointilleux sur l’obtention des visas. (Nombre de mots : 790)

 

error: Content is protected !!