La jeunesse roumaine demeure la plus mal formée d’Europe

Parmi ces jeunes écoliers roumains, combien parviendront-ils à vivre dignement ? Personne ne le sait.

Roumanie/ UE – Dans le cadre du projet « Romania educata » lancé par le Président de République, Klaus Johannis et l’ancien ministre de l’Education, Sorin Cimpeanu, la Roumanie travaille actuellement sur une réforme de l’Education Nationale qui fait déjà l’objet d’innombrables critiques de la part de tous les milieux concernés, professeurs d’écoles, de lycées et d’universités, recteurs d’académies, associations d’étudiants et de lycéens, responsables d’associations liées de près ou de loin avec l’univers éducatif sans compter les représentants de parents d’élèves las de voir leur progéniture prise en otage dans un carcan administratif.

Sorin Cimpeanu, ancien ministre de l’Education contraint à la démission après avoir plagié des travaux de recherche.

Un plagiaire réformateur

La première erreur qu’a commise le gouvernement a consisté à confier ce dossier sensible à Cimpeanu, lequel a été contraint de démissionner de son poste ministériel en septembre dernier suite à des accusations de plagiat qui avaient été proférées à son encontre et qu’il a été dans l’impossibilité de démentir. Remplacé par Ligia Deca, celle-ci est obligée aujourd’hui de reprendre le flambeau mais son intégrité ne suffit pas à calmer les esprits et plus de deux mille propositions de modification ont été déposées, ce qui laisse supposer que si réforme il y a, elle ne se concrétisera pas avant plusieurs mois voire plusieurs années. Les problèmes de l’éducation et de l’enseignement en Roumanie ne datent pas de ce jour et on peut s’interroger à savoir, pourquoi l’intégration de ce pays dans l’Union Européenne n’a pas contribué à son amélioration. Chaque année, l’office européen des statistiques EUROSTAT publie ses données et en 2020, il avait été constaté que seuls 25% de la population âgée de 25 à 34 ans étaient titulaires d’un diplôme universitaire contre une moyenne de 41% dans l’UE. Alors que des pays comme la Hongrie et la Bulgarie avec respectivement 33 et 31% parviennent à améliorer leurs performances, leur voisine des Carpates reste à la traîne. Alors que 27 pays ont déjà atteint l’objectif de 45% de la population active ayant un diplôme universitaire (*), la Roumanie y est encore très loin. En 2020, le pays ne comptait que 6.341 diplômés par million d’habitants, soit deux fois moins que le Royaume-Uni qui en dénombrait plus de 12.400. La fondation allemande Friedrich Ebert, a réalisé sa propre étude et constaté que le nombre de diplômes universitaires par millier d’habitants non seulement n’augmentait pas mais qu’au contraire diminuait, passant de 12,6 en 2013 à 10,3 en 2020. Malgré son intégration dans l’Union Européenne, l’éducation demeure toujours la dernière roue du carrosse alors qu’elle devrait être une priorité pour réduire les inégalités. Le budget qui lui est imparti ne représente que 3,2% du produit intérieur brut alors que sur la moyenne européenne, il se situe à 5%.

 Ligia Deca, actuelle ministre de l’Education ; elle a hérité d’un projet de réforme qui risque de ne jamais voir le jour.

38 ministres en 30 ans !

Quand bien même les autorités s’accorderaient-elles avec leurs interlocuteurs pour mettre sur pied une réforme adaptée, qu’elles ne seraient pas pour autant tirées d’affaire dans l’immédiat, car le pays a pris une tel retard qu’il semble difficile de pouvoir le rattraper en l’espace de quelques années. L’étude PISA, réalisée par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) en 2018, destinée à mesurer le niveau des élèves à l’échelon mondial, avait révélé que 44% des jeunes Roumains âgés de 15 ans ou moins étaient classés dans la catégorie des « illettrés fonctionnels ». Cette étude n’ayant pas été interprétée comme un signal d’alarme, force est aujourd’hui de constater que seul un pour cent des élèves fait preuve d’une performance maximale en matière de lecture. Une des causes évidente de ce fiasco est le nombre incommensurable de personnes qui ont été amenées à occuper le poste de ministre de l’Education. Depuis la chute de Ceaucescu, en 1989, on n’en compte pas moins de trente huit dont la plupart ont profité de cette fonction pour y placer leurs ami(e)s. Le premier ministre Viktor Ponta en a nommé cinq en trois ans entre 2012 et 2014 et Viorica Dancila quatre en dix-huit mois entre janvier 2018 et août 2019. Tous ont apporté leur grain de sel suite à des remaniements souvent dus à des affaires de corruption dont les jeunes Roumains ont été indirectement les premières victimes. Les 2.000 propositions émises aujourd’hui par les milieux enseignants sont une réponse à plus de trente années d’incohérences et de mépris à l’égard de l’intelligence. Au cours de la dernière décennie, le système éducatif a perdu plus de trente mille enseignants. Cette suppression de postes-clef a été compensée par le recrutement d’une pléthore de personnels administratifs qui ont été rémunérés dans le seul but d’alourdir toutes les structures de l’enseignement et de l’éducation. Lorsqu’il a annoncé sa réforme l’ancien ministre Cimpeanu n’a cessé de s’exprimer au conditionnel. Selon lui, la nouvelle législation devrait répondre aux nombreuses exigences de tous les acteurs du processus éducatif, améliorer la qualité de l’ensemble du système scolaire et lui donner une nouvelle image. Les futurs adultes devraient être mieux préparés à la vie, capables de penser et de travailler plus efficacement, d’agir de manière innovante et tournée vers l’avenir. Le système scolaire devrait s’adapter beaucoup plus à l’économie et à ses exigences. Face à de telles promesses les milieux enseignants ont très vite compris qu’il ne s’agissait que du vent de la part d’un homme dont la première décision a consisté à dissoudre le bureau de contrôle du plagiat. Cent intellectuels lui ont envoyé une lettre pour dénoncer la politisation du système éducatif. L’ancien ministre prévoyait une réorganisation des inspections scolaires qui deviendraient dépendantes d’un secrétaire d’Etat, une décision dénoncée par le parti d’opposition USR (Union pour sauver la Roumanie) qui l’a qualifiée de « réforme style Brejnev » ! Si un telle mesure venait à être adoptée, les directeurs d’école n’obtiendraient guère plus d’autonomie mais plutôt un directeur administratif supplémentaire. De très nombreux enseignants dénoncent la charge de travail bureaucratique qui leur est imposée et la création des évaluations personnelles des élèves en difficultés qui sont irréalisables compte tenu du nombre croissant de classes surchargées. Ces mêmes enseignants déplorent par ailleurs la dévalorisation générale du système éducatif; dévalorisation qui conduit souvent au recrutement de personnes inaptes à exercer correctement le métier d’enseignant. La nouvelle ministre Ligia Deca, reprend ce dossier dans des conditions des plus périlleuses et va devoir redoubler d’efforts pour mettre au point une réforme adaptée à son pays. Dans la mesure où une très grande partie des élèves ne peuvent même pas lire, comprendre et interpréter correctement un texte, les efforts devraient peut-être se concentrer sur la qualité de la compréhension plutôt que sur le volume des informations transmises.

(*) Belgique, Danemark, France, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Suède, Slovénie, Espagne et Chypre.

(Source : ADZ – traduction et adaptation en français : pg5i) – Nombre de mots : 1.119

error: Content is protected !!