L’Allemagne souffre de son manque de main d’oeuvre qualifiée

Allemagne – Le gouvernement allemand se penche actuellement sur une nouvelle législation censée faciliter le recrutement de personnes étrangères qualifiées dont le pays a urgemment besoin pour faire face à la pénurie de main d’oeuvre dans de nombreux secteurs et plus particulièrement ceux de l’informatique, des télécommunications et du numérique. Selon les prévisions du ministère fédéral du travail, l’économie allemande va perdre quelque sept millions de travailleurs d’ici 2035 à cause du vieillissement de la population et à l’heure actuelle ce ne sont pas moins de 1,8 million d’emplois qui sont déjà vacants. Ce problème ne date pas d’aujourd’hui. Il resurgit chaque année et en 2020 une loi sur l’immigration de main d’oeuvre qualifiée en provenance de pays tiers avait été adoptée. Mais on s’aperçoit désormais qu’elle n’a eu que très peu d’effets. Selon l’office fédéral de l’immigration, plus de 15.000 demandes de candidats potentiels sont restées sans réponse parmi lesquelles on dénombrait 6.700 universitaires. 

Ce graphique prouve la forte implantation des chambres de commerce et d’industrie bilatérales (AHK) à travers le monde. En couleur noire, se distinguent les pays avec lesquels la République Fédérale entretient les relations économiques les plus étroites. Parmi les territoires où elle est le mieux représentée, il faut citer, pour des raisons historiques, le Brésil, une terre d’accueil des Allemands depuis la moitié du 19ième siècle, où elle dotée de trois antennes à Porto Alegro, Rio de Janeiro et Sao Paulo, et la Chine avec également trois représentations à Pékin, Shanghai et Canton. Le réseau AHK compte 39.674 adhérents à l’étranger et 10.038 en Allemagne ainsi que 779 observateurs dans les pays où il n’est pas encore implanté. 

Pourquoi en est-on arrivé là et pourquoi cette loi du 1er mars 2020 n’a-t-elle pas porté les fruits qu’on en attendait ? Les personnes concernées répondent unanimement qu’il est extrêmement difficile de faire reconnaître en Allemagne des diplômes obtenus à l’étranger. Les procédures de contrôle des formations acquises sont longues, fastidieuses et coûteuses, ce qui décourage les meilleures volontés. Les fonctionnaires chargés d’examiner les demandes se plaignent des sous-effectifs mais personne ne s’interroge à savoir s’il ne serait pas préférable de confier cette mission directement aux entreprises plutôt qu’à des agents de la fonction publique qui, en réalité, ont tout intérêt à ce que les démarches soient le plus complexes possible pour préserver leur propre emploi. La réflexion que mène actuellement le gouvernement de coalition, si elle arrive à son terme, devait permettre aux personnes ayant obtenu un diplôme à l’étranger et qui justifient dans leur pays de deux années d’expérience professionnelle de pouvoir travailler en Allemagne. Toutefois, il semble de plus en plus évident que la République s’engage sur la voie d’une politique à la française c’est-à-dire une politique qui autorise l’Etat à s’occuper de tout et n’importe quoi, y compris dans des domaines qu’il ne maîtrise pas. L’Etat, ses ministres et ses fonctionnaires sont élus et rémunérés pour percevoir des impôts et résorber le chômage mais c’est aux entreprises qu’il revient de recruter le personnel dont elles ont besoin. La république fédérale d’Allemagne a la chance de disposer d’un important réseau de chambres de commerce et d’industrie bilatérales (AHK : Ausländische HandelsKammer) opérationnel sur tous les continents et dans tous les pays dotés d’un potentiel de personnels qualifiés. La fédération des AHK n’a pas attendu que le gouvernement se penche sur le besoin en main d’oeuvre à haute valeur ajoutée pour agir. Déjà en 2012, elle mettait en place le programme ProRecognition qui est fondé sur une reconnaissance des formations et des diplômes effectuées ou obtenus dans les pays d’origine. Singulièrement, ce programme a été reconnu en 2015 par le Ministère Fédéral de l’Education et de la Recherche, ce qui a abouti à des accords avec sept pays tiers, l’Algérie, l’Egypte, l’Inde, l’Iran, l’Italie, la Pologne et le Vietnam puis, en 2020, avec la Bosnie-Herzégovine, le Brésil et la Colombie. Un transfert permanent des données, des connaissances et des candidatures potentielles a lieu entre les responsables du programme et les CCI nationales. Mais le problème auquel sont confrontés les volontaires provient du fait qu’à leur arrivée sur le territoire allemand, ils vont se retrouver dans la même situation que des étrangers non qualifiés. Au nom d’une sacro-sainte intégration, ils devront se soumettre à des cours de langue alors que sur leur lieu de travail ils n’auront aucune difficulté à dialoguer en anglais avec leurs collègues allemands.

Jeune étudiant indien : à l’instar de ses compatriotes, il est le bienvenu dans un pays en manque de main d’oeuvre.

Un pays aux abois

Mais il apparaît par ailleurs que l’Allemagne n’est pas en mesure de maintenir sur son sol les milliers d’étudiants étrangers qu’elle accueille dans ses universités. Parmi ces derniers, les jeunes Indiennes et Indiens, réputé(e)s pour leur talent de programmateurs informatiques, occupent le haut du podium. En 2021, leur nombre s’élevait à plus de 25.000, soit une hausse de 20,85% par rapport à l’année précédente. Toutes nationalités confondues, la RFA a accueilli cette année plus 450.000 étrangers étudiants, ce qui signifie qu’à ce rythme là, d’ici 2035, près de cinq millions de ressortissants étrangers auront séjourné en Allemagne pour y effectuer ou compléter leur formation. Il est aussi avéré que les ressortissants de nombreux pays ont un talent inné pour l’apprentissage des langues étrangères, y compris les plus difficiles. Alors pourquoi leur imposer une langue qu’ils n’auront pas besoin d’utiliser sur leur lieu travail, l’anglais restant, que les Allemands le veuillent ou non, la langue de référence dans l’informatique, les télécommunications et le numérique. Depuis quelques années, on a le nette impression que la République Fédérale d’Allemagne est aux abois face au vieillissement inéluctable de sa population. Elle s’apprête à allonger la durée légale d’activité professionnelle, elle envisage un assouplissement des mesures d’intégration à l’adresse des diplômés étrangers mais aussi une réduction de la durée nécessaire à l’obtention de la nationalité allemande, laquelle devrait passer de huit à cinq ans voire seulement trois ans dans certains cas exceptionnels. kb

 

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