La singulière politique familiale prônée par Poutine

Russie/Biélorussie/Ukraine/UE – Le président de la Fédération de Russie a mis à profit le Concile mondial russe qui s’est déroulé le 28 novembre dernier, pour rappeler aux puissances occidentales, l’existence d’un véritable empire russe englobant les trois peuples indissociables que sont ceux de la Russie, de la Biélorussie et de l’Ukraine.

Vladimir 1er, père d’au moins quatorze enfants, demeure un modèle pour Vladimir Poutine.
Sculpture de Vladimir 1er, inaugurée par Poutine au lendemain de l’annexion de la Crimée.

Le Moyen-Age comme modèle !

Toutefois, ces trois Etats, quand bien même agiraient-ils solidairement sur la scène internationale, comme en rêve Vladimir Poutine, ils demeureraient en retrait, en terme de population, par rapport au bloc occidental. C’est la raison pour laquelle le facteur démographique a été le point d’orgue de ce concile au cours duquel le chef de l’Etat russe s’est adressé prioritairement aux femmes en s’en référant aux mères et grand-mères d’antan dont la plupart avaient cinq, six, sept voire huit enfants ou plus et qui ont ainsi contribué à doter le pays d’une force démographique indispensable à sa croissance. « Préservons et faisons revivre ces merveilleuses traditions » a déclaré le chef d’Etat russe avant de conclure « la richesse en enfants et les familles nombreuses doivent devenir la norme, le mode de vie de tous les peuples de Russie.«  Tout au long de son intervention, Vladimir Poutine a loué la grandeur impériale de son pays. Selon lui, « l’empire tsariste et l’Union Soviétique s’inscrivent dans une même lignée qui doit être aujourd’hui perpétuée par le Russki Mir, une empire où Russes, Biélorusses et Ukrainiens vivent sous le même étendard.«  Parmi les figures historiques qu’il vénère Vladimir Poutine, à l’instar de Catherine II, s’en réfère à Vladimir 1er, Grand Prince de Novgorod puis de Kiev, qui a régné pendant plus de trente-cinq ans de 980 à 1015. Appelé aussi Vladimir le Grand, il est connu autant pour ses faits de guerre que pour ses performances en tant que géniteur. Officiellement, il fut le père d’au moins quatorze enfants. Ce fornicator immensus et crudelis, selon la description qu’en avait faite un évêque allemand ayant vécu à la même époque que lui, avait une attirance maladive pour les femmes qu’elles fussent russes, polonaises, bulgares, tchèques, lituaniennes, etc. et la légende prétend qu’il parvenait à semer sa graine au même rythme que les nombreuses batailles ayant émaillé son règne. Tout se passe actuellement à Moscou, comme si l’ombre de Vladimir 1er planait encore sur le Kremlin.

Une loi anti-trans

Les premières victimes de ce fantôme sorti des ténèbres auquel Vladimir Poutine a rendu hommage en faisant édifier une sculpture de dix-huit mètres de hauteur, sont les membres de la communauté LGBTQ qui sont depuis le printemps dernier contraints de vivre dans la clandestinité. Cela vaut plus particulièrement pour les transsexuels qui, bien que peu nombreux, sont considérés comme un fléau national. Une loi a été adoptée en première lecture et à l’unanimité par la Douma le 14 juin qui interdit les opérations autorisant le changement de sexe, lesquelles sont assimilées par les autorités russes à « une industrie transgenre occidentale » et à une forme de « satanisme pur« , selon l’expression de Viatcheslav Volodine, président de l’assemblée parlementaire. Les humiliations et les discriminations quotidiennes font partie intégrante de la politique menée par Moscou à l’encontre des personnes trans mais aussi de la population gay dans son ensemble. De nombreuses lois ont été adoptées pour lutter contre « la propagande homosexuelle » et toutes ont pour objectif de punir et d’interdire les écrits et médias qui en seraient complices. Celle du printemps dernier a été vivement critiquée par les organisations de défense des Droits de l’Homme. Le ministre russe de la santé avait demandé quelques aménagements car il craignait qu’elle ait pour conséquence une recrudescence du nombre de dépressifs voire de suicides mais tous ces appels sont restés sans suite et le texte est désormais en application. Selon Pyotr Tolstoï, vice-président de la Douma, le ministère de l’Intérieur aurait estimé à quelque 3.000 le nombre de personnes ayant changé de sexe entre 2016 et 2022, soit à peine 430 par an. Ce nombre, comparé à la population âgée de 15 à 64 ans, laquelle s’élevait en 2022 à 66,5 millions d’habitants, ne représente que 0,0045%. Ce parallèle suffit pour prouver que la transsexualité en Russie n’est qu’un phénomène marginal qui ne représente aucun danger.

Jeune homme russe et courageux dans un centre de dépistage du VIH.

Les personnes hors normes ostracisées

Cette politique d’ostracisme à l’égard d’une population ultra-minoritaire s’inscrit dans une stratégie visant à se débarrasser de tout ce que est inspiré et entrepris en occident. Vladimir Poutine et son entourage ne semblent pas prendre conscience des dangers qui les guettent. Aucune loi ne peut encadrer les pulsions sexuelles et l’attirance qu’est en droit d’avoir une personne pour une autre du même genre qu’elle. Le démantèlement systématique de la plupart des partenariats occidentaux s’est accompagné d’une présentation agressive de la consommation de drogues et des actes sexuels considérés comme immoraux lorsqu’ils s’écartent des normes traditionnelles. Concrètement, cette même stratégie a conduit au refus de promouvoir les programmes internationaux d’échange de seringues, d’utilisation d’agonistes comme substitut à la drogue mais pire encore de l’usage des préservatifs. Le résultat est alarmant car c’est en Russie qu’est enregistré le taux le plus élevé en Europe de personnes infectées par le VIH. En 2022, leur nombre s’élevait à 30,7 pour 100.000 habitants, soit six fois plus que dans les pays d’Europe Occidentale. Mais cette donnée, bien qu’inquiétante, ne reflète pas la réalité car, à force de stigmatiser les personnes vivant en marge de la société, ces dernières s’abstiennent de se faire tester. La peur d’être repéré prévalant sur la santé. Les mères de famille auxquelles Vladimir Poutine s’adresse et qu’il tente de convaincre vont réfléchir à deux fois avant de répondre à son appel. Que signifient les vertus d’une famille lorsqu’une mère risque de voir ses enfants, à peine adolescents, mourir sur le front ou d’une maladie infectieuse. Quoiqu’il en soit, ce n’est pas encore demain la veille que le Russki Mir souhaité par Vladimir Poutine pourra être démographiquement parlant comparable au bloc occidental. Russie, Biélorussie et Ukraine totalisent actuellement 196 millions d’habitants, soit 56% de moins que la population de l’Union Européenne. Le taux de natalité stagne en Russie à 1,6 depuis près de dix ans,  ce qui représente l’un des plus bas de toute l’Europe. pg5i/vjp (Nombre de mots : 1030 – Temps de lecture : 6 mn)

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