La menace extrémiste plane sur la Roumanie

Roumanie/UE – L’année 2024 s’annonce d’ores et déjà en Roumanie explosive sur le plan politique car, parallèlement aux élections au Parlement Européen, ce ne sont pas moins de trois autres scrutins qui sont programmés en vue du renouvellement des députés à l’Assemblée Nationale, des maires à la tête des municipalités et du possible changement de représentant de l’Etat au sommet de la République.

George Simion ratisse large pour faire de son parti la seconde force politique de la Roumanie.

Etant donné que les législatives et la présidentielle sont prévues pour la fin de l’année, il faut s’attendre pendant de longs mois à une succession de rebondissements car jamais dans l’histoire récente du pays on a connu autant d’incertitudes sur l’avenir des formations traditionnelles de plus en plus reniées par les électeurs. Une chose est déjà certaine, on compte dans la République des Carpates davantage de mécontents que de satisfaits et il est par conséquent inutile d’être un analyste politique affuté pour comprendre la percée de l’extrême-droite qui apparaît à ce jour, pour un nombre croissant de Roumains, comme la seule alternative crédible au changement. Jusqu’à présent cette dernière se faisait entendre que par quelques groupuscules de personnes quelque peu agitées et regroupées au sein de formations ultranationalistes plus ou moins confidentielles. Mais la donne a changé en 2019 avec la naissance du mouvement AUR (Alliance pour l’Union de la Roumanie) que personne, parmi les élites, ne voulait réellement prendre au sérieux. Mais à l’instar de ce qui s’est produit en Allemagne dans la années 1920, son leader George Simion ne s’est jamais découragé et à force de ratisser large et dans toutes les directions, il est parvenu à rallier à sa cause non seulement tous ceux qui étaient susceptibles de lui faire de l’ombre mais aussi des personnalités de tous bords censées battre en brèche les accusations de racisme et d’antisémitisme dont il se déclare victime.

Ilan Laufer, il doit sa notoriété à sa brève carrière ministé-rielle de sept mois (2017-2018) mais aussi et surtout à son appartenance à la communauté juive.
Muhammad Murad permet de battre en brèche les accusations d’antisémitisme qui collent à la peau du parti AUR. Par ailleurs, il est l’un des hommes les plus riches du pays...

L’AUR, deuxième force politique du pays

C’est ainsi que, parmi les personnes cautionnant ses discours, se trouvent l’ancien ministre du commerce Ilan Laufer, de confession juive et admirateur de la politique menée par Benjamin Netanjahu en Israël et l’homme d’affaires musulman Muhammad Murad, promoteur immobilier et gros investisseur dans le secteur touristique Par ailleurs, le président d’AUR est parvenu à rallier à sa cause diverses formations minoritaires, dont le Parti Républicain, l’alliance des paysans (Bauernallianz) et le parti de l’identité nationale. Selon les derniers sondages, AUR serait actuellement la seconde force politique du pays avec un taux de popularité frisant les 20%, soit presqu’autant que le Parti Social-Démocrate à ce jour au pouvoir et deux fois plus que son score réalisé aux législatives de 2020. Bien que foncièrement eurosceptiques Georges Simion a déjà pris de vitesse tous ses concurrents en organisant la semaine dernière une conférence de presse axée sur le scrutin européen et au cours de laquelle il a rappelé l’urgente nécessité de refaire de la Roumanie une nation souveraine. Parmi les membres éligibles inscrits sur sa liste, Lidia Vadim occupe une des premières places. La fille du fondateur du parti néo-fasciste PRM (Patidul Romania Mare) a hérité de son père tous ses gènes homophobes, racistes, nationalistes, anticommunistes, anti-occidentaux, anti-IVG, anti-PMA voire anti-divorce. Toutefois, pour qu’un mouvement extrémiste puisse s’imposer, il est nécessaire qu’elle compte dans ses rangs quelques intellectuels. Georges Simion en a déniché un en la personne de Sorin Illiesu, un réalisateur de cinéma, dont la notoriété n’a que rarement franchi la limite des frontières nationales mais qui est suffisamment connu à Bucarest pour se faire entendre. Lors de la conférence de presse, il a été l’un des plus loquaces. Déclarant qu’il était à cent pour cent en harmonie avec les thèses anti-système de l’AUR, il a accusé l’Union Européenne de n’être ni plus, ni moins qu’un « pôle de néo-marxistes » Symboliquement, cette rencontre avec les journalistes ne s’est pas déroulée dans un endroit neutre, mais dans une salle du parlement où siègent depuis quatre ans trente-trois députés AUR. Ces derniers représentent le quatrième groupe de l’Assemblée Nationale derrière le parti social démocrate (PSD / 110 sièges), le parti national-libéral (PNL / 93 sièges) et le parti de centre-droit « Sauvons la Roumanie » (USR / 55 sièges). Un an après sa création le parti présidé par Simion est parvenu à s’imposer par les urnes et à dépasser de douze sièges l’Alliance Démocratique Hongroise (UDMR / 21 sièges). Plusieurs facteurs expliquent la montée de l’extrême-droite en Roumanie. D’une part et contrairement à ce que s’est produit dans la plupart des autres pays d’Europe Centrale, la Roumanie n’a jamais été en mesure de tirer un trait sur son passé. Ses administrations sont encore gangrenées par l’ombre de Ceaucescu et de sa machinerie répressive. Le procès pour le moins expéditif de l’ancien dictateur a permis d’occulter tous les agissements de ses milliers de subordonnés dont la plupart sont restés en fonction avec leurs mauvaises habitudes, constituées de connivences douteuses et de passe-droits. D’autre part,  malgré les efforts entrepris, il n’a jamais été réellement mis fin à la corruption, laquelle frappe tous les secteurs au premier rang desquels celui de la santé. Le scandale des epads (*) qui a été dévoilé l’été dernier a révélé tous les maux dont souffrent le pays et plus particulièrement  celui qui consiste à mépriser les classes les plus vulnérables. (Source : adz/ Adaptation en français : pg5i/vjp)

(*) Nous avons consacré plusieurs articles les 13, 14, 15 et 19 juillet derniers à ces « foyers de l’horreur« , dont la gestion a scandalisé toute le population.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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