Une forêt dédiée aux martyrs Roms et Sintis

République Tchèque – Au début des années 1970, le gouvernement communiste tchécoslovaque avait pris le décision de transformer un ancien camp de concentration en boucherie industrielle, ce qui n’avait été du meilleur goût pour honorer la mémoire des 1.300 hommes, femmes et enfants Roms et Sintis qui y avaient été en permanence torturés et humiliés pendant toute la période de l’occupation allemande.

Actuel mémorial situé à Lety en hommage au génocide Rom et Sindi.

Situé à Lety, un bourg proche de la ville de Pisek en Bohême du Sud et à une centaine de kilomètres de Prague, ce site a toujours été une verrue dans le paysage naturel mais aussi historique de la République Tchèque. Il a fallu attendre 2018 pour que l’Etat se décide à racheter l’abattoir dont la destruction a été achevée à la fin de l’année dernière. En 1995, l’ancien président Vaclav Havel, qui a toujours été reconnu pour son engagement humanitaire et ses efforts pour la reconnaissance des minorités, avait inauguré un premier mémorial à Lety en hommage aux 500 Roms déportés à Auschwitz et dont aucun n’était revenu vivant. La communauté Rom et Sinti encore aujourd’hui rejetée dans la plupart des pays n’a jamais l’objet d’hommage digne de ce nom et cette lacune, les autorités tchèques ont souhaité la combler au point de faire de Lety un exemple sur le devoir de mémoire. Il est en effet prévu de faire de ce lieu un modèle non pas de façon éphémère mais durable. Etant donné que l’ancienne friche industrielle est située au coeur d’une vaste zone fertile, le nouveau mémorial destiné à remplacer celui inauguré par l’ancien président de la République, sera entouré par quatorze mille arbres, un nombre qui correspond à celui, estimé, des Roms et Sintis déportés dans les camps de concentration. Les premiers ont été plantés la semaine dernière en présence du président Petr Pavel. A cette occasion, une minute de silence a été observée en hommage à Karel Schwarzenberg (*), ancien président du parti TOP 09 et ancien ministre des Affaires Etrangères entre 2007 et 2009 sous le gouvernement de Mirak Topolanek, puis entre 2010 et 2013 sous celui de Petr Necas, décédé le 11 novembre dernier à l’âge de 86 ans. La famille Schwarzenberg s’est beaucoup engagée afin que le passé récent de la communauté Rom et les souffrances qu’elle a vécues ne tombent pas dans l’oubli et c’est d’elle que proviennent les neuf premiers arbres de neuf espèces différentes qui ont été plantés à Lety. Cette future forêt du souvenir a pour vocation d’inciter à la réflexion et au recueillement mais aussi de prouver que, quoiqu’il arrive, la vie peut et doit continuer. Il ne reste plus qu’à espérer qu’elle soit respectée et non vandalisée, comme c’est fréquemment le cas des édifices rappelant l’Holocauste. La directrice du Musée de la Culture Rom, Jana Horvathova (**), se veut confiante et espère que lorsque les arbres grandiront « la coexistence entre la population majoritaire et la minorité Rom s’améliorera. » (Source : pg / Musée de la Culture Rom / Adaptation en français : pg5i)

(*) Karel Schwarzenberg, né à Prague en 1937, était issu d’une des plus célèbres familles aristocratiques germano-autrichiennes, qui a émigré en Autriche à l’arrivée au pouvoir des communistes. Il ne s’est réinstallé dans son pays natal qu’au lendemain de la Révolution de Velours et a été un des plus proches collaborateurs de Vaclav Havel. Foncièrement proeuropéen et proatlantique, il a joué un rôle de premier plan dans le processus de démocratisation de la République Tchèque. Profondément choqué par l’agression russe en Ossétie Sud, il avait plaidé pour un boycott des Jeux Olympiques d’Hiver qui se déroulés en 2014 à Sotchi.

(**) C’est grâce à son père Rom, Karel Holomek, mécanicien de profession mais féru d’histoire que Jana Horvathova a découvert le rôle qu’a joué cette communauté ou plus exactement le mépris dont elle a fait l’objet dans la Tchécoslovaquie. Enfant, elle avait honte d’être Rom et il lui a fallu de longues années pour pouvoir assumer des origines dont elle est aujourd’hui fière. C’est à Karel Holomek qu’on doit la création du Musée de la Culture Rom, implanté à Brno et qui est devenu au fil des ans une véritable institution dans le sens où il abrite des collections précieuses d’œuvres, de bijoux, d’équipements d’intérieur, de vêtements, d’objets d’art et de besoins quotidiens, autant de témoignages qui apportent un éclairage sur les métiers traditionnels roms mais aussi sur les sociétés tchèque et slovaque en général. Le Musée se veut un lieu de dialogue, de tolérance et de reconnaissance mutuelle.

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