La gauche allemande se disloque

Allemagne – C’est aujourd’hui que sonne le glas de la fraction la plus à gauche présente au Bundestag. Ayant perdu neuf de ses membres qui ont décidé de se rallier à Sarah Wagenrecht, laquelle a fait le pari de lancer sa propre formation, le parti Die Linke va devoir se contenter d’un statut de groupe et non plus de fraction.

Cela signifie qu’il se voit privé d’une partie des 11,5 millions d’euros dont il bénéficiait pour gérer sa présence au sein de l’assemblée parlementaire. Les premières victimes de cette dégradation statutaire sont de fait les quelque 110 personnes qui travaillaient jusque là pour Die Linke. Sarak Wagenrecht, pour limiter les dégats, a la possibilité de créer son propre groupe mais cette alternative ne sera possible que si une majorité de Parlementaires y consent. Il faut remonter au lendemain de la Chute du Mur de Berlin pour retrouver une situation similaire c’est-à-dire lorsque le PDS, successeur du parti communiste de l’ex-RDA, avait créé son propre groupe. Le fait, pour un député, d’appartenir à une telle structure plutôt qu’à une fraction, ne l’empêche de jouer un rôle dans la vie parlementaire dans le sens où il peut intégrer une commission spécialisée. Mais le problème qui se pose dans la configuration actuelle provient du fait que les commissions sont constituées en début de législature et que ses membres ne sont pas autorisés à changer du jour au lendemain d’étiquette, ce qui va être amené à se produire si des représentants de Die Linke dans les commissions décident de rejoindre le parti qu’escompte fonder Sarah Wagenknecht en janvier prochain. Cette dernière, selon ses propres dires, n’aspire pas à en prendre la direction, laquelle devrait revenir à Amira Mohamed-Ali.

Amira Mohamed-Ali ou le nouveau visage d’une nouvelle gauche.

Diviser pour mieux régner

Née en 1980 d’une mère allemande et d’un père égyptien, la potentielle présidente du BSW* (Bündnis Sarah Wagenknecht) s’est convertie à l’islam mais n’est pas considérée pour autant comme un OVNI dans le paysage politique allemand. Avocate de profession, elle s’est impliquée dans le mouvement syndicaliste et a toujours été considérée comme la représentante la plus à gauche de Die Linke, dont elle a été la coprésidente de 2019 à 2013. Et c’est grâce à elle que son parti a connu un ascension inattendue lors des élections municipales en 2016 à Oldenbourg. Lors de ce scrutin Die Linke obtint près de 10% des suffrages, soit autant que les libéraux et les extrémistes de droite membres de l’AfD réunis. En 2019, dans le cadre d’une interview qu’elle avait accordée au quotidien régional Freie Presse, Amira Mohamed-Ali n’exlueait pas une possible participation à un gouvernement de coalition à trois avec le Parti Social Démocrate et les Verts. Mais cette stratégie a été mise à mal deux ans plus tard par les élections législatives dont les résultats ont relégué le parti de gauche à la sixième position avec seulement trente-huit sièges, loin derrière l’AfD (78 sièges), le FDP (92 sièges) et les Verts (118 sièges). Il s’en est allé alors de peu, pour que Die Linke ne soit pas en mesure de créer sa propre fraction. Une situation qui risque de se reproduire en 2025, lorsque les Allemands seront appelés à renouveler leur Parlement. Sarah Wagenknecht et Amira Mohamed-Ali vont devoir redoubler d’efforts pour être en mesure de créer leur propre fraction au Bundestag et on voit mal comment elle y parviendrait sans le ralliement d’autres de leurs collègues à leur cause. Pour pouvoir régner au Bundestag, force est de constater qu’elles n’ont d’autre choix que de diviser leur propre camp. kb & vjp

* Cf.notre article du 26 octobre 2023

 

 

 

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