La Chancelière Angela Merkel, hautement décorée, en toute discrétion !

Allemagne – Le Chancelière Angela Merkel a été décorée, lundi dernier, par le Président de la République Fédérale, Frank-Walter Steinmeier, de la Grande Croix de l’Ordre du Mérite pour service exceptionnel rendu à la Nation , la septième des huit plus hautes distinctions du pays. Seuls deux Chanceliers, Konrad Adenauer en 1954 et Helmut Kohl en 1998, ont été honorés par cette distinction.

Le premier l’obtint quatre ans et demi après sa prise de fonction en tant que chef du gouvernement,le second à la veille de son départ de la Chancellerie. L’ex-Chancelière, qui n’est plus aux commandes de la République depuis bientôt deux ans accuse par conséquent un retard comparativement à ses deux illustres prédécesseurs, ce qui n’empêche certains observateurs de considérer cette distinction comme prématurée. Beaucoup estiment qu’une période plus longue aurait été nécessaire pour dresser le bilan réel de la politique menée par Angela Merkel. Il est fort possible que la première concernée soit de cet avis si on prend en considération la discrétion qui a été de mise le jour de sa récompense. Seules vingt personnes ont été conviées, dont Olaf Scholz, son successeur, et Ursula van der Leyen en tant que présidente de la Commission Européenne. Aucun dirigeant de formations politiques y compris celui de l’Union Démocrate Chrétienne (CDU), un parti dont elle a été la présidente pendant plus de dix-huit ans, entre 2000 et 2018, n’a été convié à la cérémonie et les journalistes, pour commenter l’événement, ont dû se contenter du manuscrit qui leur a été remis par la Présidence de la République. Une cérémonie en catimini et dans un cercle restreint, voilà qui correspond en réalité très bien à la personnalité de la récipiendaire dont chacun sait qu’elle a toujours préféré le fonds à la forme et le travail à l’esbroufe. Selon le texte de son discours transmis aux médias, Frank-Walter Steinmeier a loué le caractère « inébranlable » d’Angela Merkel contrainte de faire face à des « crises qui se sont enchaînées, parfois superposées dont la crise financière, la crise de l’euro et la pandémie. » Concernant la crise migratoire, le Président de la République a déclaré : « Quand je pense à la situation d’alors et que je regarde celle d’aujourd’hui, je pense que nous pouvons dire que beaucoup a été fait. » Néanmoins, Frank-Walter Steinmeier a été contraint de redoubler de prudence et de vigilance pour rédiger son discours, car en abordant certains sujets sensibles, il prenait le risque de s’autocritiquer. Cela vaut naturellement pour le conflit en Ukraine et les relations cordiales qu’a entretenues l’Allemagne avec la Russie lorsqu’il a été directeur de la Chancellerie Fédérale entre 1999 et 2005 et surtout ministre des Affaires Etrangères entre 2013 et 2017, quatre années au cours desquelles la RFA a multiplié les accords de coopération avec la Fédération de Russie. L’ancien chef de la diplomatie allemande ne peut renier cette période et parle désormais d’une « rupture d’époque qui nous oblige à revoir nos positions et à penser à ce qui semble impensable. » La récompense dont jouit aujourd’hui l’ex-Chancelière ne fait pas l’unanimité, y compris dans les rangs de la CDU. Son vice-président, Carsten Linnemann a en effet aussitôt réagi en reconnaissant sur la chaîne RTL qu’Angela Merkel avait de « grands mérites » mais qu’elle avait aussi commis des « erreurs flagrantes ». Un point de vue partagé par le secrétaire général du parti libéral FDP, Bijan Djir-Sarai qui jette un regard critique sur la performance d’Angela Merkel, regrettant «qu’à la fin de son mandat, notre pays n’était pas en bon état. » A l’instar de ce qui se produit dans pratiquement tous les pays, la remise de ce type de récompenses est toujours sujette à polémiques. En Allemagne, elle revêt toutefois un caractère particulièr car l’attribution d’une distinction a souvent pour objectif de redorer l’image du pays à l’étranger et faire oublier son passé. Le plus haut grade, le huitième dans la hiérarchie, « Sonderstufe des Grossen Kreuzes » (Etape spéciale de la Grande Croix) est attribuée d’office aux Présidents de la République et prioritairement aux chefs d’Etats Etrangers ou des personnalités de renommée internationale, dont bon nombre de reines et rois. Seuls trois présidents de la République Française y ont eu droit, le Général de Gaulle en 1961, Valéry Giscard d’Estaing en 1975 et François Hollande en 2013. Aussi louables soient-elles, ces distinctions honorifiques peuvent laisser dubitatif. Dix ans après le Général de Gaulle fut distingué le dictateur roumain Nicolae Ceaucescu et quatorze ans après Vaclav Havel, honoré en 2000, ce fut au tour de Milos Zeman, son compatriote populiste de se voir médaillé. Un an plus tard, en 2015, Zeman s’affirma comme l’un des plus grands détracteurs de la politique de bienvenue d’Angela Merkel lors de la crise migratoire. Ces quelques exemples suffisent pour prouver que dans notre monde, de force agité, tout est relatif,  y compris les distinctions les plus enviées.  kb

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