Festival de Berlin , épisode II

Allemagne – Pour mettre un terme à une polémique risquant de perturber les bon déroulement du festival de Berlin, les deux directeurs de l’événement Mariette Rissenbeek et Carlo Chatrian, ont pris la décision en accord avec leur équipe de désinviter les représentants élus du parti AfD au Sénat berlinois. Dans un communiqué, il est précisé « qu’au vu des révélations faites ces dernières semaines sur des positions explicitement antidémocratiques et sur certains hommes politiques de l’AfD, il est important pour nous en tant que Berlinale et en tant qu’équipe de prendre position sans ambiguïté en faveur d’une démocratie ouverte. »

Tino Chrupalla : un très « bon client » pour les chaînes TV, publiques ou privées.

Le duo à la tête du festival précise par ailleurs « avoir observé à plusieurs reprises avec inquiétude la montée de l’antisémitisme, des sentiments anti-musulmans, des discours de haine et d’autres attitudes antidémocratiques. » Ce communiqué est une réponse à la pétition envoyée quelques jours auparavant par cinq cents metteurs en scène aux responsables du festival ; ces réalisateurs s’étant offusqués de la possible présence de membres de l’AfD lors de la cérémonie d’ouverture. (Cf.notre article du 8 février). Il n’en demeure pas moins que ces prises de position à l’encontre de la formation politique qu’est l’AfD, bien que tout à fait compréhensibles, ne correspondent pas pour autant à la réalité de la société. En effet, alors que la pétition et le communiqué qui s’en est suivi, ne se sont adressés comme le disait si bien Godard, « qu’aux professionnels de la profession » et à quelques milliers de cinéphiles amateurs de films d’auteurs, Tino Chrupalla, le président de l’AfD était invité par la chaîne publique ZDF pour faire son show devant des dizaines de millions de téléspectateurs. Chruppala est aujourd’hui en Allemagne ce qu’étaient hier Jean-Marie Le Pen ou Georges Marchais en France, un « bon client » qui, grâce à sa seule présence sur un plateau, fait monter en flèche les audiences. Plus les gens manifestent dans les rues, plus les chroniqueurs animant des émissions populaires ont intérêt à inviter des figures emblématiques de l’AfD pour battre des records d’audience et grignoter des parts de marché aux chaînes privées concurrentes. Le phénomène AfD n’est pas seulement un phénomène politique mais surtout médiatique. En agissant de la sorte, les organes de presse écrite, radiophonique et télévisée y trouvent leur compte car ils élargissent leurs audiences. Car, il ne faut tout de même oublier que l’AfD n’est pas née d’une idée saugrenue du Saint-Esprit. Elle a vu le jour et prospéré sur les cendres de partis plus ou moins historiques qui ont davantage promis que réalisé. En Allemagne, les électeurs et électrices sont las(ses) des incessantes querelles auxquelles se livrent les trois composantes de la coalition au pouvoir. Il ne se passe de mois voire de semaines sans que le ministre des finances à la tête d’un parti qui n’est même pas crédité de 5% dans les sondages, ne remette en cause les initiatives de son collègue à l’Economie, membre de l’Alliance-les Verts. Dans ces conditions, le Chancelier ne peut plus être un chef mais plutôt une sorte de médiateur dont la mission n’est plus de gouverner mais de trouver des compromis. C’est ainsi que des mois ont été nécessaires à l’élaboration du budget 2024 et quant à celui de 2025, personne n’y songe sérieusement car tout le monde spécule déjà sur les résultats des prochaines élections au Bundestag qui passionne une presse (toujours la même) qui s’interroge avant l’heure à savoir si Olaf Scholz a les épaules suffisamment larges pour représenter le parti social-démocrate, si Friedrich Merz est le candidat idéal pour porter les couleurs de la démocratie-chrétienne (CDU), si l’Alliance-les Verts va pouvoir ou non récolter les fruits de son expérience gouvernementale, si le parti des libéraux (FDP) aura encore un avenir et enfin si Sahra Wagenrecht qui prétend être la seule à pouvoir contrer l’ascension de l’AfD atteindra ou non cet objectif ? Cela fait beaucoup de questions pour un électorat, hier fier de son économie, aujourd’hui désarçonné par sa politique. kb & vjp

(1) Tino Chrupalla est né en 1975 dans l’ex-RDA. Il est issu d’un milieu modeste et gère une petite entreprise de bâtiment et de travaux publiques. Après avoir été jeune militant au sein du parti chrétien-démocrate, il a changé de voie pour rejoindre l’AfD. En 2017, il a été élu au Bundestag puis réélu en 2021. Deux ans auparavant, en 2019, Chrupalla s’est hissé à la tête du parti en en partageant la présidence avec Jörg Meuthen.

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