Des élections partielles à Berlin défient la démocratie

Allemagne – Suite à des irrégularités constatées à l’issue du scrutin législatif à Berlin en 2021, le Tribunal Constitutionnel avait ordonné de nouvelles élections qui ont eu lieu le week-end dernier dans 455 des 2.256 bureaux de vote que compte la ville. Ces élections partielles seraient probablement passées presque inaperçues si elles ne s’étaient pas déroulées à un moment où tous les regards sont jetés sur le parti d’extrême-droite AfD qui tend à s’imposer dans plusieurs länder comme la première force politique.

Lars Lindemann, figure emblématique des libéraux à Berlin, ne pourra plus s’exprimer au Bundestag.

Ces élections berlinoises qui se sont déroulées concomitamment avec des dizaines de manifestations anti-AfD, lesquelles ont, cumulées, rassemblé certains jours plusieurs centaines de milliers de participants, avaient de fait une valeur de test en grandeur nature. Mais, hélas, la révolte des démocrates face aux partisans de la manière forte, celle qui consiste à expulser tous les étrangers mais aussi une partie des Allemands d’origine étrangère (plus de seize millions de citoyens au total !) n’a pas eu l’effet escompté. Non seulement l’AfD n’a pas perdu une seule voix mais elle en a gagné plusieurs milliers. Mieux (ou pire?), le parti extrémiste voit, dans les districts concernés, son score presque doublé et passer de 7 à 12,6%. Les perdants de ce scrutin décevant se consolent en prétendant qu’il n’est pas représentatif à cause du faible taux de participation qui s’est élevé à 51%, soit vingt quatre points de moins qu’en 2021.

Agé de 72 ans, Wolfgang Kubicki, vieux loup de la politique n’est peut-être pas le mieux placé pour incarner le renouveau de son parti.

« Un résultat amer »

Le verdict des urnes est toutefois pris très au sérieux car il prouve que la coalition actuellement au pouvoir est dans l’incapacité de freiner l’ascension de l’extrême-droite. Les appels du président et du secrétaire général du parti social-démocrate (SPD), Lars Klingbeil et Kevin Kühnert, lancés fin janvier à Berlin dans la maison Willy Brandt, n’ont pas été entendus. Le parti du Chancelier a vu son score baisser de 22,4% à 14,6% dans les circonscriptions concernées. Mais le plus grand perdant de cette redite électorale est le parti libéral qui a chuté de 8,5 à 3% (!). Ce qui est déjà convenu d’assimiler à une hécatombe fait perdre quatre sièges au parti libéral au sein du Bundestag. Le FDP, présidé par le ministre des Finances Christian Lindner, ne va désormais détenir que 91 sièges à l’assemblée, soit à peine 13% des parlementaires, une faible représentation qui remet en cause sa légitimité en tant que formation gouvernementale. La mine défaite, le vice-président du FDP , Wolfgang Kubicki n’a pas caché sa déception. « C’est un résultat amer », a-t-il déclaré avant de reconnaître qu’il s’y était préparé grâce à des sondages ayant prévu cette débâcle. Parmi ceux qui ont eu le plus de sueurs froides à l’annonce des résultats se trouvait dimanche soir l’ancien maire de Berlin, Michael Müller, qui avait en 2021 très largement dépassé ses deux rivaux, Lisa Paus, membre de l’Alliance-Les Verts, devenue en 2022 ministre de la Famille et Klaus-Dieter Gröhler, député sortant membre de la CDU. Müller les avait alors distancés respectivement de 5.400 et 8.400 voix mais dimanche dernier cette avance sur les mêmes adversaires a fondu comme neige au sommeil et n’a pas dépassé les six cents bulletins pour la première et les sept cents pour le second, ce qui fait dire aux mauvaises langues que l’ancien premier édile de la capitale ne doit son siège de député qu’à la faveur de la forte abstention. Si des élections partielles avaient eu lieu dans une ville autre que Berlin, elles n’auraient pas eu le même impact mais comme elles se sont déroulées dans une métropole dont la configuration sociale reflète l’ensemble de la République, leurs résultats sont donc analysés avec la plus vive attention. Ils sont un réel signal d’alerte et vont imposer aux forces démocratiques une nouvelle stratégie et non des moindres. Elles prouvent que les manifestations de masse ne suffisent plus à éradiquer le mal lorsque ce dernier s’est incrusté dans les profondeurs les plus invisibles et jusque là, les plus silencieuses de la société. kb & vjp

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