Covid 19 : quand les morts viennent au secours des vivants

Allemagne/Monde – Alors que les autorités des länder allemands ont pris l’initiative de mettre un terme à toutes les mesures de prévention contre le Covid 19, y compris l’obligation du port du masque dans les lieux et transports publics, les chercheurs poursuivent de leur côté les recherches sur ce virus dont il a fallu à peine quelques semaines pour qu’il change la face du monde.

Peter Boor, professeur et chercheur à la clinique universitaire d’Aix-la-Chapelle

Autopsier pour mieux comprendre

Dans la République Fédérale, deux centres universitaires se distinguent pour leurs travaux, celui de Hambourg qui a été le premier au monde à montrer que le SRAS-CoV-2 ne se trouvait pas seulement dans les poumons mais aussi dans de nombreux autres organes, et celui d’Aix-la-Chapelle où a été constitué une importante banque de données réunissant les informations consécutives à un grand nombre d’autopsies. Cette branche spécifique de la médecine en l’occurrence la pathologie fait l’objet de clichés et ne consiste pas uniquement à livrer à la police des informations sur la cause réelle ou possible d’un décès et l’heure exacte à laquelle il s’est produit. « C’est grâce aux autopsies que nous savons comment un virus endommage les poumons, le cerveau, les vaisseaux et d’autres tissus » déclare le Dr. Peter Boor d’Aix-la-Chapelle dans un entretien qu’il a accordé au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung (F.A.Z.). Le Dr.Boor a coordonné une étude portant sur 1.800 autopsies qui ont permis de collectés plus de 21.000 échantillons. Les données enregistrées concernent des personnes atteintes du Covid mais aussi de celles qui sont décédées après avoir été vaccinées. Selon Peter Boor, « on sait grâce à d’autres études que des personnes, dans de très rares cas, meurent à cause de la vaccination mais les données sont encore insuffisantes pour savoir à quelle fréquence cela se produit. » A la question de savoir si les personnes sont décédées avec ou à cause du Covid, le scientifique apporte une réponse claire. « Il s’est avéré , lors de la première et de la deuxième vague que 85% des patients sont morts à cause de l’infection. L’image qui nous est apparue en pathologie correspondait très bien aux données cliniques et épidémiologiques. Entre temps, la situation a changé car on constate aujourd’hui qu’il y a plus de personnes qui ont été infectées par le coronavirus mais qui sont décédées d’une autre maladie. L’apparition de l’omicron et le statut immunitaire de la population a changé. » Comme le reconnaît le Dr.Boor, une étude n’est fiable que si elle porte sur un nombre très élevé d’analyses c’est-à-dire dans le cas présent d’autopsies. « Nos chiffres sont très faibles au regard des millions de personnes infectées pas le Covid, vaccinées et décédées. Nous n’avons autopsié que 3% des personnes disparues lors de la première vague et à peine 1% lors de la seconde vague. » Pour parvenir à des résultats crédibles, il faudrait que le travail effectué à Aix-la-Chapelle qui a permis de constituer un registre unique au monde, se reproduise dans tous les centres hospitaliers du pays, ce qui semble difficile à réaliser et ce, pour deux raisons. Premièrement une autopsie complète prend énormément temps. « Un rapport d’autopsie comporte plusieurs pages, rappelle le médecin, car le corps entier est analysé macroscopiquement et tous les tissus sont examinés histologiquement sans compter la situation clinique du patient avant son décès et tout cela doit être interprété et parfois complété par des analyses moléculaires. » La durée moyenne d’une autopsie se situe entre deux et trois jours mais « dans la réalité, il nous faut souvent une ou deux semaines. »

Deuxièmement, la République Fédérale d’Allemagne manque cruellement de médecins pathologistes. En 2020, elle n’en comptait que 1.819 dont 26,7% étaient âgés de plus de 60 ans, dont 55,7% (174) de plus de 65 ans. En revanche, seuls 238, soit 13% avaient moins de 40 ans. Les études en pathologie étant très longues, elles dissuadent les étudiants en médecine et le risque est grand qu’à court terme le pays doive faire face à une pénurie de personnel qualifié. kb

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