Pour contrer une 4ième vague, l’Allemagne joue au chat et à la souris

Allemagne – Il a fallu attendre une Xième réunion des états-majors fédéraux et régionaux et la prise de position ferme et concertée d’une ancienne Chancelière et d’un nouveau Chancelier, pour que les Allemands, distraits pendant deux (trop) longs mois consacrés à la formation du futur gouvernement, soient soumis à des règles guidées pour les uns (la majorité) par le bon sens, assimilées pour les autres (la minorité) à des mesures autoritaires et antidémocratiques. Angela Merkel a fait le choix de se retirer de la vie politique et de ne plus être député, ce qui ne l’a pas empêché de donner le ton en déclarant que si elle était toujours membre du Bundestag, elle serait la première à approuver l’obligation de vaccination, une décision que les dirigeants allemands ne souhaitent pas prendre dans l’immédiat mais qu’ils n’excluent pas, à l’instar de leurs voisins autrichiens, à court ou moyen terme. Les dirigeants se sont mis d’accord sur un plan d’attaque tellement complexe qu’on voit mal comment il pourrait le faire respecter à la lettre sans susciter de nouvelles querelles et de nouveaux débats. Entre ceux qui, jusqu’à ce jour, ont été épargnés par le virus, ceux qui ont été contaminés sans réellement s’en rendre compte, ceux qui ont été touchés avec de faibles symptômes, ceux qui ont pu se rétablir en restant chez eux, ceux qui ont été hospitalisés, ceux qui s’en sont sortis sans séquelle, ceux qui vont devoir réapprendre à respirer et enfin ceux qui n’ont plus à rien à dire parce qu’ils nous ont quittés, il faut reconnaître que même le plus futé des devins y perdrait son latin. On a beau être à la tête d’une fédération, il est des moments où il faut transcender les spécificités régionales pour garantir le bien à tous. En hiérarchisant les mesures de lutte contre la pandémie en classant la population en plusieurs catégories, les personnes saines, contaminées, guéries sans hospitalisation, soignées pendant et après hospitalisation, hospitalisées en soins intensifs et en réanimation, les dirigeants fédéraux et régionaux ont davantage complexifié la situation qu’ils ne l’ont clarifiée. Le seul point essentiel qu’il faut retenir parmi le mesures adoptées est celui qui consiste à prouver qu’on est sain, guéri ou vacciné pour pouvoir vivre à peu près comme avant. Le gouvernement allemand tient en réalité un double langage : d’un côté, il n’a pas le courage de rendre la vaccination obligatoire mais de l’autre il met tout en œuvre pour qu’elle le devienne. Les deux têtes de l’exécutif qui se sont succédé ont trahi cette ambiguïté, la Chancelière en regrettant publiquement que les grands médias n’aient pas été suffisamment solidaires de la campagne de vaccination, le nouveau Chancelier promettant de tout mettre en œuvre pour que les 30 millions de ses compatriotes jusque là réfractaires aux vaccins puissent se faire vacciner avant Noël.

La nomination du très médiatique nouveau ministre de la Santé, Karl Lauterbach, est saluée par tous les partis politiques, abstraction faite de la formation AfD, d’extrême droite qui s’interroge à savoir pourquoi il n’a été nommé plus tôt ?

Les réfractaires de l’ex-RDA

Pour atteindre cet objectif ; Olaf Scholz devra convaincre tous ceux qui profitent de la crise sanitaire pour manifester leur mécontentement et cela vaut plus particulièrement pour les populations vivant dans les länder de l’ex-RDA, les plus réfractaires à la vaccination et les plus sensibles aux arguments anti-vaccins répandus par le mouvement d’extrême-droite l’AfD; lequel y a réalisé ses meilleurs scores (plus de 20% en moyenne) lors du renouvellement du Bundestag en septembre dernier. Les chiffres ont beau parler d’eux-mêmes en prouvant que plus le nombre de personnes vaccinées est élevé, plus bas est celui des hospitalisations, rien n’y fait et les dirigeants allemands, à l’instar de tous leurs homologues étrangers, sont contraints de gouverner dans l’incertitude. Le coronavirus serait beaucoup plus facile à éradiquer s’il était comparable à la tuberculose ou à la lèpre. Pour éloigner les personnes atteintes pas ces deux maladies de leur entourage sain, il suffisait de les isoler en les enfermant dans des sanatoriums ou des léproseries. Or le covid 19, semble être proche et de la grippe espagnole, compte tenu de son potentiel de contagiosité et du VIH dans le sens où, en affaiblissant le système immunitaire, il frappe prioritairement des groupes ciblés appartenant aux populations les plus vulnérables de la population que les pouvoirs publics se font un devoir de protéger quitte à provoquer des dommages collatéraux en privant la grande majorité de la population d’une partie de ses droits fondamentaux.

La dictature des chiffres

Face à ce double défi, ils n’ont d’autre choix que d’inventer des solutions hybrides ignorant souvent le bon sens. Si on se fie aux restrictions imposées par les états-majors régionaux et fédéraux, un Allemand ou une Allemande n’aura pas le droit d’acheter ses cadeaux de Noël s’il ou elle n’est pas vacciné(e) ou testé(e) négatif mais leur voisin, bien que testé positif, sera autorisé à entrer dans un supermarché pour y acheter ses parfums ou dans une droguerie son papier hygiénique. En ce qui concerne les grands rassemblements dont on nous dit depuis le début de la pandémie qu’ils en sont les premiers vecteurs, les autorités proposent deux options. La première les tolère mais à la condition que seuls 30% de la capacité d’accueil soient utilisés et le plafond du nombre participants est fixé à 5.000 dans les espaces clos et à 15.000 à l’extérieur. La seconde s’adresse spécifiquement aux manifestations culturelles ou de loisirs et limite le nombre de participants à 50 à l’intérieur et 200 à l’extérieur avec obligation du port du masque dans les deux cas. Au calcul plus ou moins arbitraire du nombre de ces cohortes, se greffe une autre donnée chiffrée de plus en plus contestée, en l’occurrence le taux moyen de contamination sur sept jours qui est faussé tous les lundis et mardis, car il cumule ces jours là les cas d’infections du week-end non comptabilisés en temps réel. Et c’est à partir de ce critère que l’Allemagne se redivise, non pas en deux blocs mais en seize territoires qui sont autorisés à instaurer leurs propres réglementations. Sur la recommandation de l’Institut Robert-Koch (RKI) chargé de la compilation et de l’analyse des statistiques, ce taux d’incidence est fixé à 350 personnes infectées par tranche de 100.000 habitants. Ce seuil, certains l’estiment beaucoup trop haut, d’autres au contraire, beaucoup trop bas, mais il sera difficile de trouver un terrain d’entente entre les deux camps, car les différences d’un land à l’autre sont telles qu’elles rendent vain tout compromis. En effet, viendrait-il à l’idée du RKI d’imposer une moyenne entre le taux le plus élevé (1.234 enregistré dans le land de Saxe ) et le plus bas (143 dans le land du Schleswig-Holstein), on arriverait alors à un taux moyen d’incidence de 688 avec des différences allant du simple au décuple d’un land à l’autre. Pourquoi dans ces conditions fixer un taux ressenti comme arbitraire ? N’aurait-il pas été préférable d’établir une échelle de contamination par paliers et surtout en fonction des capacités d’accueil et de soins garanties localement par les établissements hospitaliers ? En effet, si l’ Allemagne peine à harmoniser sa politique sanitaire c’est parce que ses infrastructures tant sur le plan qualitatif que quantitatif diffèrent d’une région à l’autre.

Disparités régionales

Les deux tableaux ci-dessous résument cette situation et ces disparités. Celui de gauche indique les taux d’incidence par land, enregistrés lle 8 décembre dernier, et celui de droite le pourcentage de décès par rapport au nombre de personnes contaminées. On s’aperçoit clairement que les Allemands ne sont pas égaux face à la pandémie. Les fortes disparités entre l’est et l’ouest du territoire sont, certes, dues au refus de la vaccination mais aussi au nombre plus important de personnes âgées vivant dans la partie orientale de la République Fédérale. Il est évident que ce taux d’incidence fixé arbitrairement, en créant des injustices d’une région à l’autre, est de plus en plus contesté et mal accepté par une part croissante de la population d’autant qu’il coïncide avec une période festive à laquelle les Allemands sont très attachés. Si, dans tous les pays, les fêtes de Noël et du Jour de l’An sont d’une grande importance, dans les pays de langue allemande, elles revêtent un caractère particulier de part leur intensité. Les marchés de Noël sont toujours attendus et fréquentés avec ferveur et il est fréquent que des Allemands achètent leurs cadeaux destinés à leurs famille et entourage dès le mois de novembre. L’an dernier, marqué par la pandémie, plus de cent milliards ont été générés au cours des six dernières semaines du calendrier et cette année le chiffre d’affaires global sur cette période devrait atteindre, selon le syndicat professionnel du commerce de détail, les 111 milliards d’euros. 53% des Allemands investissent jusqu’à cent euros et 28% au delà dans la seule décoration de leur sapin de Noël. Les dirigeants sont conscients de l’importance de ces festivités et ont été contraints d’en tenir compte et de tout mettre en œuvre pour éviter un confinement. On voit mal dans ces conditions comment un plan de prévention et de lutte contre le virus pourrait être efficace sans de nouvelles incitations à la vaccination qui semblent pour l’instant la seule condition à la reprise d’une vie à peu près normale. Le nouveau ministre de la Santé, Karl Lauterbach, s’est déjà orienté dans cette direction. Il recommande déjà la troisième dose de rappel qui est, selon lui, le meilleur moyen de se protéger et du virus et des variants delta et omicron. Mais le gouvernement nouvellement en fonction n’a fixé qu’au 15 mars 2022, la date buttoir pour que les personnes les plus exposées, c’est-à-dire en contact avec le public, soient entièrement vaccinées et il est fort possible qu’au delà de cette date, la vaccination soit rendue obligatoire à toutes et à tous et quel que soit l’âge. Deux choses sont déjà certaines : les fêtes de fin d’année vont se dérouler en Allemagne de manière différenciée en fonction du statut sanitaire (guéri, testé et/ou vacciné une, deux ou trois fois) et du lieu où on habite et rien n’indique si à Pâques ou à la Saint-Glinglin 2022, 2023 voire 2024 il en sera encore ainsi.

 

 

 

 

 

 

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