Olaf Scholz contraint de retricoter son budget

Allemagne/Ukraine/UE – Lorsqu’en novembre dernier, la Cour Constitutionnelle allemande a estimé que les milliards d’euros de crédits prévus au titre de la pandémie ne pouvaient pas être transférés dans l’enveloppe destinée à la protection du climat, les plans climatiques prévus par la coalition au pouvoir ont été bouleversés. Le Chancelier Olaf Scholz et ses deux ministres de l’Economie et des Finances, Robert Habeck et Christian Lindner, ont été alors contraints de corriger en urgence leur copie et c’est toujours avec la mine défaite qu’ils apparaissaient devant les caméras. Ils ne disposaient que de quelques semaines pour réagir et il leur a fallu sacrifier plusieurs nuits de sommeil pour rectifier le tir et présenter un budget équilibré pour l’année en cours mais aussi pour celle à venir.

Mis à mal par la Cour Constitutionnelle, le Chancelier se voit contraint de relooker son budget.

Pour débloquer les dix-sept milliards de fonds pour le climat et la transformation (KTF) le gouvernement n’a pas fait preuve de beaucoup d’originalité préférant recourir à ces deux immuables recettes qui consistent d’une part à faire des économies et d’autre part à augmenter certaines taxes. Désormais toutes les subventions nuisibles au climat seront supprimées et les citoyens devront s’acquitter d’un prix plus élevé pour leur consommation de gaz et de carburants pour rouler et se chauffer. Cette seconde mesure fait déjà l’objet de vives critiques. Le Chancelier veut s’en tenir à ses objectifs, en l’occurrence faire avancer la protection du climat, garantir la cohésion sociale et soutenir l’Ukraine et n’a pas hésité pour les justifier à déclarer « nous devons nous contenter de beaucoup moins d’argent pour les atteindre. » Les prévisions budgétaires semblent avoir été élaborées par un serpent qui se mord la queue car leur première victime sera justement le KFT dont le montant à hauteur de 212 milliards d’euros sur cinq ans, sera amputé de 45 milliards (21%) au total et de 12 milliards dès 2024. Parallèlement à la suppression du budget des 5,5 milliards d’euros avec lesquels le gouvernement fédéral voulait compenser l’augmention des tarids de réseau pour le transport de l’électricité figure celle du fonds de douze milliards d’euros destiné à la remise en état du réseau ferroviaire, une rénovation indispensable pour garantir la sécurité des passagers mais aussi et surtout mettre un terme aux retards qu’enregistre quotidiennement la Bundes Bahn. Pour respecter ses engagements à l’égard de l’entreprise de transports publics, le gouvernement évoque par la vente du groupe DB Schenker; lequel a généré en 2022 un chiffre d’affaires de plus de 22 milliards d’euros.

Ulrich Schneider s’interroge sur le nouveau budget et les consé-quences qu’il est susceptible d’avoir sur la vie quotidienne des plus vulnérables.

« Se contenter de beaucoup moins d’argent » !

Le prix du C02 par tonne, fixé actuellement à 30 euros devrait, quant à lui, passer à 45 voire ultérieurement à 55 euros, une hausse qui va irrémédiablement se répercuter sur les prix à la pompe, ce qui est, selon la directrice de la Fédération Allemande des Consommateurs, Ramona Pop, une profonde injustice d’autant que « l’industrie va continuer à bénéficier d’une baisse de la taxe sur l’électricité. » Un point de vue similaire est émis par la présidente du Sozialverband, Verena Bentele qui rappelle que « les prix élevés sont déjà la principale préoccupation des Allemands. Si la protection du climat rend la vie encore plus chère, les majorités en sa faveur, vont s’effondrer. » Non satisfaits de ces mesures-phare, le trio sus-mentionné en appelle à tous les ministères afin qu’ils se serrent au mieux la vis pour réaliser le maximum d’économies. Le ministère le plus touché devrait être celui du travail, détenu par Hubertus Heil, lequel pourrait réduire de 600 millions d’euros les subventions pour les retraites, supprimer le bonus destiné aux formations continues et attribuées en complément aux minima sociaux. Quant à l’Agence Fédérale pour l’Emploi elle devra trouver les solutions adéquates pour économiser 1,5 milliard d’euros. Dieu soit loué, il n’est pas question de remettre en cause la sécurité de base pour les enfants. Il est évident que toutes ses annonces ont été formulées dans l’urgence du calendrier et qu’elles sont empreintes de multiples inconnues. Le premier à s’en inquiéter s’appelle Ulrich Schneider, directeur général de l’association mixte de protection sociale (*), laquelle chapeaute les principales structures à vocation humanitaire et à ce titre garante de la « cohésion sociale ». « Pour nous, en tant qu’association caritative, cela pose la question urgente de savoir ce qu’il en sera des services volontaires, du travail social en matière d’immigration, du soutien aux associations sociales ou encore des économies à réaliser sur les transferts sociaux » a-t-il déclaré peu après la présentation officielle du Chancelier. Dans sa déclaration devant le Parlement, Olaf Scholz n’a pas jugé utile de se pencher sur les détails de son futur budget et préféré s’expliquer sur l’Ukraine. Parce que Vladimir Poutine est parvenu malgré le sanctions à convertir la Fédération de Russie à l’économie de guerre et parce qu’il spécule sur le fait que le soutien international s’amenuise, « le risque que ce calcul aboutisse ne peut être écarté » a déclaré le Chancelier. Les huit milliards d’euros pour les armes et les six milliards pour les réfugiés et les aides à la reconstruction ne sont donc pas remis en cause. kb

(*) Créé en 1924 au lendemain de la 1ère guerre mondiale, cette structure a pour vocation de défendre les intérêts et de venir en aide aux couches les plus vulnérables de la société. Elle fédère plus de vingt associations de soutien aux enfants, aux personnes âgées, aux familles monoparentales, aux personnes handicapées ou atteintes de graves maladies (cancer, VIH) ou sans domicile fixe. Elle collabore étroitement avec le Sozialverband, également évoqué dans le présent article.

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