Loi hongroise « anti-LGBT » : une farce européenne

Hongrie/Allemagne/UE – Si la municipalité social-démocrate de Munich avait sollicité l’aval des dirigeants de l’UEFA pour illuminer le stade aux couleurs de l’arc-en-ciel lors du match opposant l’Allemagne à la Hongrie ce à quoi les organisateurs de l’Euro se sont opposés, l’adoption de la loi hongroise destinée à réprimer davantage les actes de pédophilie n’aurait pas été sujette à autant de publicité mais aussi et surtout d’hypocrisie. Qu’ils soient anti ou pro Orban, tous les politiques, populistes ou non, se sont couverts de ridicule.

Depuis plusieurs semaines, ils se querellent à propos d’un texte qui, bien qu’adopté, ne pourra de toute façon jamais être appliqué. En interdisant que des films,  à l’instar de « Billy Elliot » ou « Bridget Jones », soient diffusés avant 22 heures, en censurant des affiches publicitaires montrant deux hommes ou deux femmes s’embrasser,  Viktor Orban et les 154 députés qui l’ont suivi, démontrent à quel point ils sont éloignés du monde dans lequel ils vivent. Le fossé est de plus en plus profond entre le désir du législateur et les actes perpétrés sur le terrain par leurs administrés. Aucune loi n’est parvenue et ne parviendra à changer la nature humaine. Cette tendance des politiques à vouloir à tout prix tout régenter, tout réglementer et s’immiscer dans la vie privée devient de plus en plus insupportable. Ils infantilisent toute la société et sont incapables de regarder la réalité en face. Viktor et ses homologues d’Europe Centrale et Orientale sont les premiers à savoir qu’un monde fondé exclusivement sur la famille est utopique mais comme les peuples qu’ils gouvernent sont encore majoritairement homophobes, il est de leur intérêt de jouer la carte de la morale plutôt que de tirer les leçons de celle de la diversité. Les premières manifestations destinées à lutter contre la ségrégation dont sont victimes, historiquement, les homosexuels et les lesbiennes remontent à 1969 et c’est à partir de cette année là que s’est imposé le mot « gay », un terme BCBG destiné à se voiler la face. Dans le cadre d’une étude publiée récemment par SGCS (Statista Global Consumer Survey) à l’occasion du « Gay Month », seuls 6 et 7% des Allemands et des Français s’avouaient ouvertement homosexuels mais respectivement 21 et 17% d’entre eux refusaient de s’exprimer sur ce sujet, toujours symbole de clichés, de préjugés voire de mépris et de moquerie. Qu’elles le veuillent ou non, toutes les associations de défense des gays ne sont toujours pas parvenues à vulgariser leur combat.

« Le secret de Brokebrake Mountain » ,  Lion d’Or au festival de Venise : ce film bouleversant d’Ang Lee a largement contribué à libérer le monde gay de ses clichés.

Le pédé des villes et le pédé des champs

Si être gay à Paris ou dans une grande métropole ne pose aucun problème, en revanche l’être dans un coin reculé de la France ou de l’Allemagne profonde est toujours un handicap qu’il est préférable de ne pas avouer. Le gay des villes est respecté, admiré et applaudi. On ne pourrait s’imaginer Paris sans ses gays célèbres qu’ils soient haut-couturiers, danseurs étoile, chanteurs, metteurs en scène de théâtre, réalisateurs de cinéma, producteurs de films, écrivains, humoristes, peintres et souvent même ministres. Pour beaucoup d’entre eux, leur « différence » a contribué à la réussite et pour certains, tombés dans l’oubli, il n’est rien de mieux que de faire un « coming out » pour relancer une carrière et se distinguer sur les réseaux sociaux. Mais il ne faut pas oublier que ceux qui vilipendent Orban et ses acolytes tchèques, slovènes, polonais, lituaniens, bulgares, etc, etc, sont ceux qui ont attendu les années 1980 et 1990 pour dépénaliser l’homosexualité. Dans quatorze des vingt-sept membres de l’Union Européenne, le mariage homosexuel n’est pas autorisé et dans sept d’entre eux, il est constitutionnellement interdit (*). Il en va de même avec l’adoption homoparentale, un sujet qui de toute part et en tout lieu suscite toujours de vifs débats. En revanche, exception faite de Chypre, tous les pays de l’Union acceptent les homosexuels dans les rangs de l’armée, ce qui tend à prouver que les homosexuels on ne les aime que lorsqu’on en a besoin, pour le prestige ou pour se défendre. Les dirigeants se sont donnés bonne conscience en promulguant des lois contre les discriminations qui sont agréables à lire sur le papier mais ne sont jamais appliquées à la lettre. Pour qu’elles le soient, il faudrait que tous ceux qui sont censés les faire respectées, en l’occurrence les centaines de milliers d’agents de la fonction publique, ne soient ni homophobes, ni misogynes, ni racistes et ni sexistes, et à l’édification de ce monde idéal aucune administration n’est en mesure d’y contribuer. L’intolérance à l’égard des minorités quelles qu’elles soient est dangereuse et condamnable lorsqu’elle s’opère au sommet des Etats, à l’instar de ce qui passe actuellement en Hongrie, mais elle l’est encore davantage lorsqu’elle gangrène des organismes sociaux censés y mettre un terme. Tous ceux qui reprochent au ministre-président de Hongrie de faire un amalgame entre homosexuels et pédophiles, de limiter les libertés des premiers pour éradiquer les agissements des seconds n’ont pas conscience que cette assimilation abusive est toujours ancrée dans la mentalité d’une majorité d’Européens, qu’ils vivent à l’ouest ou au centre du continent. Personne ne peut s’opposer à une législation qui revendique des « mesures plus strictes contre les criminels pédophiles dans l’intérêt de la protection des enfants » mais la plus grosse erreur qu’ont commise le gouvernement hongrois et son chef et qui a échappé à leurs détracteurs, est celle qui consiste à faire croire qu’un enfant est protégé lorsqu’il grandit dans une famille unie et soudée, or c’est justement dans ce cadre, à priori rassurant, que la plupart des actes délictueux les plus révoltants sont dénoncés. Attendre 23 heures pour diffuser « Le secret de Brokebake Mountain » n’empêchera jamais un papy pervers de tripoter sa petite fille au lever du soleil. vjp

(*) Bulgarie, Croatie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne et Slovaquie

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