Loi chauffage : un nouveau casse-tête pour le gouvernement allemand

Allemagne – Les semaines qui arrivent ne seront pas de tout repos pour les membres du Bundestag qui vont devoir débattre sur le contenu de la loi destinée à atteindre la neutralité thermique en 2045, année censée mettre définitivement fin à l’utilisation des appareils de chauffage fonctionnant à partir des énergies fossiles.

Le défi que se lancent les autorités allemandes est supérieur à celui de la mobilité conduisant au tout électrique, car il concerne toute la population et toutes le couches sociales. Si beaucoup peuvent à la limite se dispenser d’un véhicule ou, si nécessaire, l’utiliser de manière moins fréquente, notamment lorsque le prix des carburants augmentent à la pompe, en revanche personne ne peut renoncer au chauffage surtout dans un pays où les températures sont généralement plus rigoureuses que clémentes. Pour préparer sa loi sur le chauffage, le gouvernement a été contraint de prendre en compte une multitude de critères et recueillir les points de vue d’intervenants dont les intérêts sont diamétralement opposés à l’instar des locataires d’un côté et des propriétaires de l’autre. Pour les dirigeants, qu’ils soient allemands ou non, l’avantage d’une loi consiste toujours à mettre financièrement à contribution une partie de la population mais dans ce cas de figure, ce n’était pas possible étant donné que, mises à part les personnes sans domicile, tout le monde est concerné. Etant donné que le gouvernement actuel en fonction à Berlin est constitué de trois formations différentes dont les intérêts divergent, il a fallu attendre des mois pour que soit trouvé un consensus débouchant sur une loi élaborée de telle sorte qu’elle ne puisse pas être remise en cause au cours des vingt-deux prochaines années.

Insolites pour les uns, inesthétiques pour les autres, les tuyaux du chauffage urbain berlinois font partie intégrante du paysage et de l’histoire de la capitale allemande qui, sans eux, ne serait par vraiment Berlin, car ils sont particulièrement appréciés par les tagueurs.

Quand un ministre découvre les vertus du chauffage urbain

Le premier point essentiel de la future législation après adoption concernera les constructeurs de nouvelles habitations qui devront garantir 65% des besoins en énergie des occupants à partir de sources énergétiques renouvelables. Un des moyens le plus souvent évoqué pour respecter ce quota est le recours aux pompes à chaleur qui est déjà devenu au cours des derniers mois le cheval de bataille du ministre Vert de l’économie, Robert Habeck, lequel ne cesse d’en faire la promotion. Face à l’inquiétude grandissante des citoyens, il a été convenu qu’ils ne seraient pas mis à contribution. La transition thermique ne leur sera pas imposée mais orientée vers les municipalités qui en auront l’entière responsabilité. Toutes les communes du pays sont concernées et toutes seront tenues d’ici 2028 de présenter leur planification thermique en fonction de leurs infrastructures privées et publiques. Le second chapitre de la loi pourrait prêter à sourire (jaune!) car il remet à l’ordre du jour un système qui a fait ses preuves dès les années 1920 et qui est toujours opérationnel dans de nombreuses villes dont Berlin. Il s’agit des réseaux de chauffage urbain qui prouvent depuis plus d’un siècle leur efficacité et qui, ce qui ne manque pas de sel, répondent à quelques nuances près à toutes les conditions climatiques que les politiques s’ébrouent aujourd’hui pour tenter de les remplir. Robert Habeck, Dieu soit loué, connaît leur existence et en a découvert les vertus. Il a récemment déclaré que « les réseaux de chaleur urbains peuvent constituer une solution climatiquement neutre particulièrement rentable pour l’approvisionnement en chaleur de bâtiments, de quartiers et de communes entières ». Après d’être penchés sur cette alternative, ses collaborateurs ont constaté qu’à l’heure actuelle 6,1 millions de logements sont alimentés par le chauffage urbain, soit 14,2% de tous les logements occupés. Le gouvernement fédéral en a tiré la conclusion qu’en connectant 100.000 logements supplémentaires chaque année à ce type de chauffage, plus du tiers des ménages pourraient en bénéficier en 2045. Toutefois, le chauffage urbain à distance provient à 80% de centrales thermiques fonctionnant au gaz, au charbon et au pétrole qui devront être reconverties dans l’éolien ou le photovoltaïque. Avant de distribuer à tire-larigot des permis de construire, il sera recommandé aux maires de réserver sur leur commune l’espace nécessaire à ces deux sources d’énergie.

Une loi pour sauver la coalition gouvernementale ?

A la lecture du projet de loi et de toute la documentation qui y est annexée, on a la nette impression que l’équipe gouvernementale a mis ses pieds sur un terrain semé d’embûches et minés par des bombes à retardement dont personne ne sait si elles sont susceptibles d’exploser ou non. Les associations de locataires s’inquiètent déjà du fait que les réseaux de chauffage urbain ont un point en commun, en l’occurrence leur situation de monopole qui va obliger le législateur à veiller à qu’ils n’en profitent pas pour pratiquer des prix exorbitants à l’instar de ce qui est souvent le cas, en Allemagne comme ailleurs, avec les distributeurs d’eau potable. Un autre problème, extrêmement sensible, a dû également être pris en considération. Il concerne les logements anciens qui ne peuvent pas bénéficier du chauffage urbain mais dont les occupants sont obligés de renouveler leurs appareils de chauffage. Le gouvernement avait envisagé d’imposer l’achat d’équipements convertibles à l’hydrogène, ce qui s’est avéré très vite irréaliste car personne ne sait à ce jour avec précision quel rôle pourra jouer l’hydrogène dans le reconversion énergétique et dans quels domaines ce même hydrogène devra être utilisé prioritairement. Autre point litigieux : la reconnaissance du bois sous toutes ses formes comme matériau de chauffage durable, ce qui est selon Olaf Bandt, président de l’association environnementale BUND, une aberration car chacun sait que la combustion du bois ne produit pas seulement du CO2 mais libère aussi de grosses quantités de méthane tout en produisant des particules qui polluent l’air. Olaf Bandt qui est connu pour ne pas garder la langue dans sa poche part du principe qu’avec cette loi « le Chancelier Scholz, Habeck et Lindner (*) sauvent la coalition de justesse mais continuent à conduire la politique climatique allemande dans le mur » kb & vjp

(*) Christian Lindner, ministre fédéral des Finances, est membre du parti libéral, une formation politique dont les positions sur la plupart des dossiers sensibles sont à mille lieues de celles des partis social-démocrate et écologiste. Lindner se fait un devoir de respecter les règles imposant la réduction du déficit budgétaire. Lors de l’élaboration du budget 2024, il a prié tous ses collègues au sein du gouvernement de faire l’inventaire de toutes les dépenses susceptibles d’être réduites voire annulées. (Nombre de mots : 1.080)

 

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