Légalisation du cannabis en Allemagne : un projet de loi mal ficelé !

Allemagne/Pays-Bas/UE – La République Fédérale d’Allemagne s’est attelée à l’élaboration d’une loi censée encadrer la consommation de cannabis en espérant qu’elle fasse école dans tous les pays de l’Union Européenne. Cet objectif semble d’autant plus illusoire que de multiples questions se posent déjà sur son propre territoire.

Une des six meilleures variétés de cannabis disponible en Hollande : aucune loi ne pourra empêcher un Allemand de l’importer et de la faire pousser sur son balcon !

Tenter de trouver une solution à un problème devenu tabou, oblige le législateur à marcher sur des œufs. La consommation de cannabis n’échappe pas à cette règle, loin s’en faut car le ministre de la Santé, Karl Lauterbach, en charge de ce dossier ultra-sensible, s’est fixé une mission périlleuse qui consiste à dépénaliser la « fumette » tout en veillant à ce qu’elle soit rigoureusement encadrée. Pour répondre à ce double-objectif le texte de loi prévoit « une distribution contrôlée du cannabis aux adultes à des fins de consommation dans des magasins spécialisés sous licence » mais cette proposition allant à l’encontre du droit européen n’a pu être retenue. Sous la pression des fumeurs d’herbe qui invoquent les dangers du tabac et d’alcool pour légitimer la consommation du cannabis, lequel est souvent utilisé à des fins médicales, le ministère de la santé envisage, dans un premier temps de dépénaliser la consommation et de mettre en place à plus long terme des régions modèles où la vente libre de cannabis serait autorisée. Parallèlement à ce modèle public, la loi doit encadrer le volet privé. Toute personne aura ainsi le droit de posséder trois plantes reproductrices par an fournissant 25 grammes de cannabis. Tout individu ne respectant pas cette limite sera alors passible d’une amende voire d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans. Mais la manière dont la culture privée sera susceptible d’être contrôlée est déjà sujette à discussion car il n’y a pas de base juridique policière qui autorise le comptage des pots de fleurs sur un balcon ou dans une arrière-cour ! Les amateurs d’herbe qui ne possèdent ni balcon, ni terrasse auront la possibilité de se fournir dans des « associations de cultures communément appelées « clubs de cannabis », auxquels pourront adhérer jusqu’à cinq cents personnes âgées de plus de 18 ans. Les membres du club seront autorisés à exercer la profession d’horticulteur, de cultiver ensemble l’herbe convoitée et de la vendre entre eux à raison de 25 grammes et jusqu’à 50 grammes par mois. Ce quota est abaissé à 30 grammes pour les jeunes de 18 à 21 ans. Le texte de loi prévoit l’interdiction de fumer du cannabis à l’intérieur des clubs mais aussi dans un rayon de 250 mètres autour de ces derniers. Le président de l’association allemande du chanvre, Simon Kraushaar, émet déjà des doutes sur ce chapitre de la loi car il estime «qu’envoyer les gens fumer du cannabis entre leurs quatre murs n’est pas une bonne idée car le consommateur se retrouve isolé face à sa dépendance. » Il semblerait par ailleurs que le ministère ait travaillé sur son texte sans tenir compte d’une donnée essentielle, en l’occurrence le nombre estimé de fumeurs de joints en Allemagne qui est évalué à 4,5 millions de personnes. Pour répondre aux besoins, il serait alors nécessaire d’autoriser l’ouverture de 9.000 clubs. « Même si on tient compte du fait que certains vont cultiver eux-mêmes leur cannabis, il faudra prévoir au moins 5.000 clubs » précise Simon Kraushaar. Sur cette base le réseau des clubs serait 35% supérieur à celui du discounter Lidl et Kraushaar s’interroge à savoir comment l’administration allemande pourrait être en mesure de gérer aussi rapidement et sur le long terme une telle structure.

Une loi pour ficher les fumeurs

La préparation de cette loi a suscité en Allemagne de multiples débats et beaucoup, à juste titre, se sont demandés s’il ne serait pas préférable d’imiter la législation hollandaise où le cannabis est vendu librement. Mais ce modèle le ministre Karl Lauterbach le réfute partant du principe que l’herbe vendue dans les boutiques aux Pays-Bas provient, selon lui, de « sources illégales« . C’est la raison pour laquelle il veut innover, permettre la vente dans des magasins sous licence répartis en fonction de la taille des régions. Le ministre mise à cent pour cent sur l’efficacité de ces clubs qui ne pourront toutefois pas pousser comme des champignons du jour au lendemain. En effet, le distance autorisée pour la « fumette » vaut aussi pour l’implantation de ces clubs qui ne doivent pas être implantés à moins de 250 mètres d’une école, d’une crèche, d’une aire de jeux, d’un établissement pour jeunes ou d’une installation sportive. Or, il s’avère que dans la plupart des villes il est impossible de trouver un lieu vierge d’au moins un de ces équipements concernés. C’est le cas notamment à Hambourg où aucun club de cannabis ne pourrait être ouvert dans le centre ville. Dans ce genre de situation, seules le périphéries urbaines pourront entrer en ligne compte et le risque sera alors grand qu’un marché parallèle se développe au cœur des cités. En banlieue ou non,  les candidats à l’ouverture d’un club vont réfléchir à deux fois avant de franchir le pas car ils devront s’engager à ce que leur établissement ne provoque aucune nuisance pour la collectivité ou le voisinage immédiat et à la moindre infraction ils seront sanctionnés. Par ailleurs, ils seront obligés de documenter qui a vendu du cannabis, à qui, quand et en quelle quantité. Les autorités auront la possibilité de demander la liste des membres de tous les clubs. Il est donc évident que tant que le consommation de cannabis ne sera pas officiellement dépénalisée, personne ne se hasardera à ouvrir un club. Aucun projet de loi n’a été aussi mal ficelé que celui concernant la vente et la consommation de cannabis. Après des mois de tergiversations, personne ne sait si le texte sera ou non adopté. Il est actuellement toujours à l’étude dans les ministères concernés (de la santé, de l’intérieur et de la justice). Leurs fonctionnaires consultent les associations. Après cela, le cabinet fédéral prendra une décision puis ce sera au tour du Bundestag de délibérer. Mais une chose est déjà certaine, la loi ne passera pas comme une lettre à la poste. Le sujet est tellement sensible, le débat tellement virulent entre pro et anti-cannabis qu’on peut se demander s’il n’aurait pas été préférable, pour une fois, de laisser vivre les Allemand(e)s comme ils le souhaitent en fumant pacifiquement leur joint. kb/pg5i

Demain sur www.pg5i.eu : Pour ou contre la légalisation du cannabis, un combat sans fin

 

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