Le monde est face à une « exigence démocratique », selon A.Merkel

Allemagne/France/UE – Grâce aux données publiées quotidiennement par l’institut Robert Koch (RKI), land par land, il est possible d’analyser avec précision la propagation du coronavirus et surtout de mieux comprendre sous quelle forme  il s’immisce dans la société allemande. 

Mais elles permettent aussi de porter un jugement objectif sur la politique de la santé menée chez nos voisins qui bat déjà en brèche certaines idées reçues. S’il est vrai, en Allemagne comme ailleurs que la pandémie frappe prioritairement les personnes âgées, en revanche, les statistiques du RKI révèlent que ce n’est pas dans les régions où vit le plus grand nombre de séniors que le nombre de victimes par habitant est le plus élevé. Cela prouve que l’Allemagne a mieux su protéger ses séniors que les pays du sud de l’Europe. Mais ce qui est encore plus enrichissant est la preuve apportée par l’épidémie que la réunification, sur le plan sanitaire, a été réussie. En effet, alors que l’ex République Démocratique Allemande, hors Berlin, représente 15,1% de la population globale du pays,  seuls 7% des victimes y ont été enregistrés. Ce bilan est d’autant plus frappant que plus du quart des habitants du Brandebourg, de Saxe, Saxe-Anhalt, Brandebourg-Poméranie et de Thuringe ont plus de 65 ans dont près d’un million (964.792)  plus de 85 ans.

Une population vieillissante et protégée

Entre 2001 et 2019, le nombre de personnes âgées de 65 à 80 ans est passé, dans l’ex-RDA, de 1,34 à 2,25 millions (+68%) et sur la même période celui des plus de 80 ans a presque doublé pour atteindre les 964.792. Or, dans ces territoires, tous âges confondus,  le RKI n’a déploré que 420 victimes, soit un défunt ou défunte pour 38.561 individus alors que dans le reste de l’Allemagne, on  dénombre un décès pour 14.986 personnes.

En passant à la loupe les données du RKI, on peut alors s’interroger à savoir si le coronavirus ne serait pas une sorte de justicier qui préfère appliquer sa loi dans les territoires prospères plutôt que dans les régions économiquement défavorisés. Si on compare le nombre de décès par rapport à la population de plus de 65 ans, on en dénombre un pour 2.297 personnes à l’ouest et un pour 7.635 personnes à l’est.

Alors que les mesures prises pour confiner les populations sont, abstraction faite de la Suède, à quelques nuances près identiques,  leurs conséquences sont variables d’une région ou d’un pays à l’autre. Même lorsque les environnements sanitaires et sociaux sont identiques, les nombres de personnes infectées et/ou décédées peuvent varier du simple au triple voire davantage. Pourquoi a-t-on déploré près de 1.500 décès en Bavière,  soit un pour 9.200 habitants et seulement 71 et 15 en Thuringe et dans le Mecklembourg-Poméranie, soit respectivement un pour 30.183 et 107.333 habitants ?  Plutôt que de se quereller sur  l’origine réelle du virus, ce qui n’a plus guère d’importance étant donné que le mal est fait, il serait plus judicieux de concentrer tous les efforts et une partie des recherches scientifiques mais aussi statistiques sur la façon dont évolue le virus.

Angela Merkel : une exception

Aussi dubitatifs et démunis que le sont leurs administrés, les hommes politiques ont le devoir de gérer une crise qu’ils ne comprennent pas et sont contraints de veiller autant à leur popularité qu’à la santé des populations qu’ils sont censés protéger et tous, même s’ils ne l’avouent pas, sont face à un choix cornélien . Qui faut-il protéger prioritairement ?  Une  minorité naturellement programmée, virus ou pas, pour mourir à court terme ou une majorité qui demande à travailler normalement, ne serait-ce pour éviter de vivre demain ce qu’on nous devons supporter aujourd’hui ? Une seule, en Europe, n’est pas confrontée à ce dilemme. Elle s’appelle Angela Merkel, est au pouvoir depuis plus de quinze ans et grâce à son flegme, loué par les uns, critiqué par les autres, elle est parvenue à faire tout ce que les autres n’osaient pas et sa gestion du  coronavirus  lui donne aujourd’hui raison. Elle a été accusée de tous les maux lorsqu’elle a ouvert les bras à plus d’un million de réfugiés mais ses détracteurs ont voulu oublier son pragmatisme. Sa politique d’accueil, elle l’a réussie parce que des sommes colossales ont été investies dans l’apprentissage de la langue mais aussi dans les structures sanitaires . La Chancelière savait pertinemment qu’en accueillant autant de réfugiés, elle prenait le risque de faire resurgir des maladies éradiquées en occident mais toujours meurtrières dans les pays d’origine. Si l’Allemagne s’en sort mieux à l’heure actuelle face à la pandémie, c’est en partie parce que la crise migratoire a servi de test à sa gestion. Et c’est, singulièrement, le land qui a été le plus réfractaire à sa politique migratoire, en l’occurrence la Bavière, qui est actuellement le plus touché par le coronavirus.  Celle dont certains croyaient qu’elle était politiquement « finie », a usé de son pragmatisme pour faire de son pays un exemple en matière de gestion de crise. Une Merkel-Mania déferle aux Etats-Unis car de l’autre côté de l’Atlantique on prend conscience qu’il n’y a pas de politique rationnelle sans expérience sur le terrain. Mais la force de la cheffe de l’exécutif allemand, est sa capacité à trouver les mots justes. Loin d’elle, l’idée de comparer la lutte contre le virus à une guerre. Elle préfère parler d’une «  exigence démocratique » qui va obliger les sociétés et surtout leurs dirigeants à se remettre en question. Elle tient entre les mains un verre mi-plein et non à moitié vide. Elle ne joue pas la carte du catastrophisme mais choisit celle du risque mesuré et de l’espoir réaliste. Elle ne fixe pas pour tous une date buttoir pour mettre fin au confinement mais fait confiance aux lands pour le faire progressivement en fonction des contextes régionaux.   Celui de Mecklembourg-Poméranie, le moins touché par la crise sanitaire, a vu rouvrir ses zoos le 20 avril dernier. A partir de ce lundi 27, les écoles, collèges et lycées redeviendront peu à peu opérationnels  pour les classes à la veille d’un examen et ce, afin d’éviter une vague de redoublements. Il en sera de même des crèches et jardins pour enfants avec priorité aux familles monoparentales, les plus menacées par la crise économique. Toutes ces mesures, la capitale du land n’a pas attendu l’aval de Berlin pour les appliquer. La plus grande frustration qu’a vécue la Chancelière a été la privation de liberté à laquelle a dû se plier la population et qui a éveillé en elle les pires souvenirs de son enfance et adolescence en tant qu’ancienne citoyenne de l’ex-RDA. La Chancelière et son équipe ne promettent pas, ils agissent et l’Allemagne est le seul pays au monde disposé à consacrer 60% de son Produit Intérieur Brut de 2019 à la résolution de la crise sanitaire, un record comparativement à la France (26%), l’Italie (21%), le Royaume-Uni (21%), les USA (12%) et l’Espagne (12%). 2.000 milliards d’euros dont 236 milliards d’aides d’urgence ont été mobilisés ou déjà alloués pour parer aux retombées de la crise sanitaire. vjp

 

 

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