L’Allemagne gangrenée par le terrorisme

Allemagne – Les fortes inondations dont a été victime le sud de l’Allemagne, ont occulté l’acte de terrorisme qui s’est déroulé le week-end dernier à Mannheim dans la land de Bade-Würtemberg. Lors d’un rassemblement organisé par le mouvement islamophobe Pax Europa (BPE), le leader de ce groupement, Martin Stürzenberger, a été gravement blessé tout comme a été poignardé un jeune policier âgé de 29 ans qui a succombé à ses blessures peu de temps après son arrivée à l’hôpital.

Cet événement a naturellement suscité indignation et consternation sans pour autant surprendre la majorité de la population confrontée à des tensions interethniques. Le porte-parole des islamophobes, Martin Stürzenberger, vit dans la région voisine de Bavière où il s’est fait remarquer à plusieurs reprises lors de rassemblements de même type, notamment sur la célèbre et très touristique Marienplatz, située devant le vieil Hôtel de Ville de Munich. Agé de 59 ans, il dit avoir été profondément marqué par les attentats du 11 septembre à New-York mais aussi par ceux qui ont eu lieu sept ans plus tard en 2008 en Inde à l’hôtel Taj Mahal de Numbai au cours desquels il a perdu une de ses meilleures collègues, alors trésorière du parti CSU auquel il adhérait. Selon lui, ces deux événements lui ont fait prendre conscience du danger que représente l’islamisme dans les sociétés occidentales. Face à l’impuissance des pouvoirs en place, il a pris la décision de rejoindre des mouvements dont il se sentait plus proche car ils dénonçaient la violence et la terreur prêchées par le Coran. Stürzenberger a décidé en 2011 de se séparer de la CSU, beaucoup trop molle à ses yeux, pour prendre la tête de l’antenne bavaroise de Die Freiheit (La liberté), un parti ouvertement islamophobe Après que ce dernier eut été dissous, il se mit à collaborer avec d’autres formations d’extrême-droite dont PEGIDA et aujourd’hui il est une des figures les plus emblématiques du Bündnis Pax Europa (BPE), dont il fait la publicité par le truchement du blog islamophobe Political Incorrect et naturellement par la diffusion de vidéos sur YouTube.

Stürzenberger assimile les islamistes radicaux aux nationaux-socialistes.

Une homme « ordinaire » et convaincu

Physiquement, il ne ressemble pas aux extrémistes de droite rasés, avec cuir, chaînes, piercing et tatouage tel que le public se les imagine habituellement, mais plutôt comme un bon père de famille souhaitant protéger femmes et enfants. Quitte à se retrouver devant les tribunaux pour ses excès de langage, Stürzenberger ne baisse jamais les bras et rien ni personne ne l’empêchera d’ assimiler l’islam à une idéologie totalitaire. Selon lui, les islamistes radicaux utilisent exactement les mêmes méthodes que les nationaux-socialistes dans les années 1920 qui ont pris peu à peu le pouvoir par des actes de violence isolés avant de parvenir à leur fin. Dans cette même logique, Stürzenberger assimile le Coran au « Mein Kampf » d’Adolf Hitler. Pour que l’histoire ne se répète pas, il propose que les musulmans soient placés dans des centres de rééducation. Il a comparu à plusieurs reprises devant la justice pour avoir comparé l’islam à un cancer, des procédures qui non seulement n’ont servi à rien mais au contraire lui ont fait de la publicité. Le rassemblement de Mannheim s’est déroulé à un moment où l’Allemagne vit dans une atmosphère extrêmement malsaine à cause du conflit israëlo-palestinien qui divise en profondeur toute la société et plus particulièrement les milieux intellectuels et universitaires ; lesquels plutôt que de jouer le rôle de conciliateurs qu’on attend d’eux, surenchérissent en polémiquant. On compte par centaines le nombre de jeunes étudiants juifs n’osant plus se rendre à leurs cours de crainte d’être violemment agressés par des personnes qui, dans la plupart des cas sont manipulées et qui, pire encore, n’ont aucune connaissance des deux camps concernés par la guerre au Moyen-Orient. On entend et on lit actuellement en Allemagne tout et n’importe quoi et le plus inquiétant dans ce concert anarchique, provient du fait que les personnes au pouvoir sont dans l’incapacité de jouer le rôle qu’on attend d’eux en l’occurrence celui qui consiste, non pas à s’apitoyer hypocritement sur la disparition d’un jeune policier ou à s’offusquer des actes de violence exercés à l’encontre des politiciens, mais à trouver les moyens pour que cela ne se reproduise plus.

Les rassemblements de Pax Europa font toujours l’objet de contre manifestations et d’un déploiement des forces de l’ordre.

Deux poids, deux mesures

On ne peut pas d’un côté clouer au piloris un homme qui, bêtement, considère tous les musulmans comme des terroristes potentiels, et de l’autre laisser s’exprimer des imams qui promeuvent le kalifat et le port intégral du voile. Tous ceux qui travaillent à la protection de la constitution observent de près les agissements des agitateurs d’extrême-droite parce qu’il est facile de les identifier et de perquisitionner leurs bureaux ou leurs domiciles, en revanche, il leur est impossible de savoir ce qui se fomente secrètement dans les coulisses d’une mosquée, encore moins dans le domicile d’un terroriste potentiellement dangereux. L’agresseur a été identifié. Il s’agit d’un jeune Afghan de 25 ans, Suleiman A., qui aurait dû être parfaitement intégré étant donné qu’il est arrivé en Allemagne en 2013, c’est-à-dire à l’âge de 14 ans. Il a élu domicile à Heppenheim, une ville située dans le land voisin de Hesse et distante d’une trentaine de kilomètres de Mannheim où il s’est, le jour de l’agression, muni d’un couteau de chasse, ce type d’armes qui devient à la mode car tout le monde peut l’acquérir librement sans éveiller le moindre soupçon. La police a passé au crible son appartement et y ont trouvé des données électroniques qui permettront peut-être, selon les autorités, d’en savoir davantage sur ce réfugié et de déterminer s’il appartient ou non à un réseau de terroristes ou à un de ces clans qui se multiplient sur l’ensemble du territoire et dont les objectifs ne consistent pas seulement à répandre une idéologie guerrière mais aussi à s’adonner à des trafics en tous genres. Selon les premiers éléments de l’enquête, le profil de Suleiman A. qui, également blessé lors des incidents de Mannheim, n’a pu être encore auditionné, correspond à celui de milliers d’autres réfugiés. Il a suivi des cours d’allemand, effectué des études secondaires à l’issue desquelles il a obtenu un diplôme. Ses loisirs, il les occupe en pratiquant le Taekwondo, un art martial coréen, grâce auquel il s’est distingué lors de compétitions nationales et internationales. A l’instar de bon nombre de ses coreligionnaires, il a épousé une jeune femme d’origine turque mais de nationalité allemande, avec laquelle il a eu deux enfants, ce qui l’a autorisé à obtenir un permis de séjour jusqu’en 2026 susceptible d’être prolongé. Certains soi-disant défenseurs des droits de l’homme justifient déjà son acte, en prétendant qu’il n’aurait peut-être pas agi de la sorte s’il avait pu trouver un travail, ce qui n’a pas été le cas car il était dépendant des aides sociales. Selon les quotidiens Bild et Die Welt qui sont allés immédiatement enquêter sur place, notamment auprès du voisinage de Suleiman A., ce dernier avait pris l’habitude de distribuer gratuitement des exemplaires du Coran, depuis peu il portait une barbe longue et fournie comparable à celle du prédicateur afghan Ahmad Zahir Aslamiyar qui appelait à la lutte contre l’occident avant d’être assassiné. Les enquêteurs ne devraient par manquer de s’interroger à savoir pourquoi son entourage et plus particulièrement son épouse n’ont pas jugé utile de signaler ces changements d’attitude. Ont-ils eu peur ou sont-il complices ? L’enquête devrait le déterminer.

Nancy Faeser, ministre fédérale de l’Intérieur, est face au plus grand défi de sa carrière : éradiquer le terrorisme islamique.
Thomas Mücke croit en la déradicalisation des terroristes. Réalisme ou utopie?

Une exécutif impuissant

C’est du moins ce qu’attendent les Allemands qui voient leur pays dépassé par les problèmes d’immigration et géré par un gouvernement qui cache la réalité par des discours se prétendant fermes alors qu’ils ne sont que le reflet d’une impuissance.  Cette incapacité à gérer la situation est due en partie à des mauvais choix dont le plus flagrant est cette stratégie de « déradicalisation » des terroristes, dont on peut dire qu’elle a échoué, surtout lorsqu’elle concerne des personnes détentrices de la double nationalité, à l’instar du germano-égyptien Tarik S. arrêté en 2016 en Allemagne pour sa propagande en faveur de l’Etat Islamiste. Un an plus tard, il est jugé par le Tribunal de Düsseldorf et condamné à cinq ans de prison qu’il met à profit pour tenter de radicaliser les codétenus. Soudainement, il accepte de participer au Programme de Sortie de l’Islamisme (API), mis en place par le Ministère de l’Intérieur du land de Rhénanie-du-Nord/Westphalie. A l’issue de soixante-dix heures (!) de thérapie, il est considéré comme déradicalisé mais deux ans après sa sortie de prison, celui connu sous le nom de « Oussama l’Allemand », est de nouveau arrêté pour planification d’un attentat terroriste au nom de l’EI ; lequel consistait à conduire un camion dans une foule pour tuer le maximum de personnes et mourir en martyr. Selon l’enquête effectuée par les autorités, cet attentat était prévu de longue date et bien avant l’arrestation de son auteur. Ce Tarik S. est-il une exception ? Probablement pas étant donné que depuis des semaines, la presse se fait l’écho de menaces réelles d’attentats sur le sol allemand auxquelles la ministre fédérale de l’intérieur, Nancy Faeser, se contente de répondre en renforçant et en prolongeant jusqu’à la fin de l’année, les contrôles aux frontières avec le Pologne, la République Tchèque et la Suisse. Une mesure qui n’est ni plus, ni moins, qu’un baume sur une cuisse de centenaire, étant donné que les terroristes les plus dangereux (485 au total selon les estimations des services de sécurité) sont déjà implantés dans le pays et susceptibles d’y être opérationnels. Bien qu’il soit impossible de mesurer l’efficacité de cet API, certains allemands décisionnaires sont suffisamment naïfs pour croire que la thérapie, la psychologie associées à l’apprentissage des valeurs occidentales suffiront à terme pour éradiquer le terrorisme. Cette crédulité est telle qu’elle a contribué à la création d’un second programme, le VPN (Violence Prevention Network) dont l’objectif est de venir en aide aux proches des personnes qui se radicalisent mais aussi aux extrémistes disposés à quitter les lieux. Ce second programme est dirigé par Thomas Mücke qui ne tarit naturellement pas d’éloges à l’égard de cette initiative qui reconnaît-il lui-même présente un risque de rechute si la personne « purifiée » ne parvient pas à s’intégrer réellement dans la société, ce qui est hélas le cas d’une forte proportion des personnes participant à ces programmes de déradicalisation.

Herbert Reul attend avec impatience les propositions émises par la ministre fédérale de l’Intérieur.  

Un Chancelier sous pression et en porte-à-faux

Parmi les länder les plus concernés par le risque terroriste, celui de Rhénanie-du-Nord Westphalie (NRW) occupe une place particulière dans le sens où il est le plus industriel, le plus peuplé et de fait le plus « accueillant » en terme d’immigration. Depuis le 7 octobre 2023, le ministre de l’Intérieur du land, Herbert Reul, observe avec inquiétude la multiplication des provocations et la diffusion, à des fréquences de plus en plus courtes, de messages tranchants qui positionnent les autorités et les forces de l’ordre entre deux camps, celui de l’extrême-droite et celui de l’islamisme politique. Le ministre s’alarme aussi de l’augmentation de nombre d’actes délictueux commis par des auteurs de plus en plus jeunes.  Ce qui s’est passé à Mannheim est exactement le reflet de ce qui peut se produire dans n’importe quelle autre ville. Face aux réactions consécutives au drame de Mannheim, le Chancelier Olaf Scholz, après les condoléances d’usage adressées à la famille du policier abattu de plusieurs coups de couteau au cou et à la nuque, a exprimé son intention d’expulser sans ménagement les grands criminels vers leurs pays d’origine, citant plus particulièrement l’Afghanistan et la Syrie. Le chef de gouvernement a demandé à la ministre fédérale de l’Intérieur, Nancy Faeser, comme lui membre du parti social-démocrate (SPD), de chercher les solutions pour rendre ces expulsions, jusque-là très réglementées, à nouveau possible. Selon des informations communiquées par l’exécutif, des discussions seraient déjà en cours avec des pays voisins de l’Afghanistan et plus particulièrement le Pakistan et le Turkménistan, ce qui suscite déjà de grandes interrogations et tend à faire passer le Chancelier pour un doux rêveur. Quel pays va-t-il en effet être disposé à accueillir sur son sol, des personnes extrêmement dangereuses et qui risquent de le devenir encore davantage lorsqu’elles se retrouveront dans un environnement souvent solidaire de leur cause ? Par ailleurs, il n’est pas à exclure qu’elles soient accueillies en héros dans leur nouvelle terre d’asile plutôt que de purger leur peine méritée en occident. La proposition d’Olaf Scholz déplace le problème mais ne le résout pas, elle suscite plutôt des doutes chez ses propres partenaires de l’Alliance/les Verts, dont la ministre des Affaires Etrangères, Annalena Baerbock, laquelle insiste sur le fait que les rapatriements ne sont efficaces que si le pays expulsant dispose des structures nécessaires au suivi, ce qui n’est pas le cas actuellement avec l’Afghanistan où l’Allemagne n’a plus d’ambassade. Par ailleurs, comme le prouve la cas Suleiman A., personne ne peut savoir qui est susceptible de commettre un attentat. A la veille des élections européennes dont chacun sait qu’elles ne serviront pas à redorer le blason de son parti, le chancelier donne l’impression de vouloir taper d’un poing ferme sur la table. Il ne veut pas seulement expulser les « grands criminels » mais aussi sanctionner durement tous ceux qui « glorifient le terrorisme », une mission herculéenne si on s’en réfère aux milliers de personnes, au demeurant souvent allemandes, qui soutiennent la résistance palestinienne. Olaf Scholz a exposé cette double volonté devant les députés du Bundestag tout en étant soumis aux pressions des ministres de l’Intérieur des länder qui avaient déjà vivement critiqué en décembre dernier le fait que les grands criminels originaires de pays comme la Syrie ou l’Afghanistan ne puissent être expulsés. Tous avaient demandé à Nancy Faeser de trouver une solution pour le 19 juin. Une date butoir que la ministre fédérale est désormais contrainte de respecter à cause des événements de Mannheim, ce qui signifie qu’elle n’a que quelques jours devant elle pour peaufiner une loi dont on sait déjà pertinemment qu’elle ne pourra jamais faire l’unanimité. (vjp & kb) – Nombre de mots : 2.355

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