Un revers qui tourne à l’avantage du « vaincu »

Hongrie/ UE – Jamais des élections municipales n’avaient été autant attendues que celles qui se sont déroulées le week-end dernier en Hongrie. Ce sursaut d’intérêt pour la politique est né d’un phénomène inédit , en l’occurrence l’alliance des principaux partis d’opposition. Il a fallu en effet presque dix ans aux formations anti-Orban pour comprendre que, sans union, tout espoir d’alternance au pouvoir serait vaine. En partant groupée à la conquête des communes situées dans le dix-neuf circonscriptions électorales que compte le pays, lesquelles datent de 1918, c’est-à-dire depuis le morcèlement de l’Empire austro-hongrois, l’opposition n’ a pu gagner, bien que groupée que dans cinq des vingt plus grandes agglomérations dont la capitale, la plus symbolique car la plus peuplée. La presse occidentale a immédiatement parlé d’un revers pour Orban après une décennie ou presque de « pouvoir absolu ». Mais une fois encore, cette presse se trompe car la Hongrie n’est pas la France et Budapest n’est pas Paris encore moins Berlin. La Hongrie n’est pas la France car elle est un des seuls pays européens à avoir fait le chemin inverse c’est-à-dire à mener une politique rationnelle d’aménagement du territoire qui a conduit à une diminution du nombre de citadins au profit des populations rurales ou plus exactement semi-urbaines. Budapest n’a pas échappé à cette règle de cohésion nationale et a perdu 13% de ses habitants entre 1990 et 2017. Les quatre autres cités de plus de 50.000 habitants concernées par la victoire de l’opposition ont connu le même sort : moins 20% pour Miskolc (4ième ville du pays), moins 15% pour Pecs (5ième), moins 8% pour Szombathely (10ième) et moins 13% pour Eger (19ième).

Gergely Karacsony : nouveau maire de Budapest, élu grâce à l’alliance de cinq formations d’opposition

La Hongrie des villes et la Hongrie des champs

Istvan Tarlos, ancien maire de Budapest et victime d’une vidéo censée discréditer le parti de Viktor Orban

Si Viktor Orban a pu se maintenir au pouvoir, c’est grâce à l’incompétence de ses opposants qui n’ont jamais eu l’intelligence d’analyser l’évolution démographique de leur propre pays. Naturellement, tous ces anti-Orban se réjouissent d’un succès qui porte davantage ses fruits dans les médias étrangers que sur le terrain national. Le résultat aux élections municipales offre au ministre-président de Hongrie autant d’avantages que d’inconvénients et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, la campagne électorale a prouvé que l’opposition n’est pas muselée en Hongrie comme le prétendent certains commissaires européens, deuxièmement que la presse n’y est pas moins libre qu’ailleurs et que si elle souffre, au demeurant comme en France ou en Allemagne, c’est parce qu’elle est dépassée par les réseaux sociaux contre lesquels ni Emmanuel Macron, ni Angela Merkel et ni Viktor Orban ne peuvent lutter. L’opposition doit en partie sa réussite à une vidéo diffusée sur le net et montrant un proche d’Orban, Zsolt Borkai, maire de Györ, en train de faire des galipettes avec une prostituée. Dimanche matin, personne ne s’imaginait que cet homme marié et père de famille, pût être reconduit dans ces fonctions de premier magistrat de la 6ième ville du pays. Et pourtant, il a été réélu, ce qui tend à prouver que les Hongrois vivant à Györ sont des catholiques authentiques qui savent pardonner lorsque le pécheur entretient des relations aussi étroites avec Volkswagen qu’avec des filles de joie. C’est en effet à Györ que le constructeur automobile allemand a érigé sa plus grande filiale vouée à sa marque la plus emblématique, Audi. Troisièmement, la victoire de l’opposition a permis au chef de gouvernement non pas de reconnaître une défaite qui, de toute façon, n’en est pas une, mais de s’affirmer comme un homme ouvert à tout dialogue. Quatrièmement, en n’ayant plus à tenir les rênes de la capitale, le parti de Viktor Orban n’aura plus à subir des critiques faciles à formuler dans une capitale difficile à gérer. Il faut en effet rappeler que la plus grande ville hongroise possède plus d’une dizaine de minorités toutes plus influentes les unes que les autres car toutes originaires de pays ayant des intérêts divergents. Le nouveau maire de Budapest qui est présenté comme une émanation des écologistes va devoir composer avec les cinq formations qui lui ont permis de sortir vainqueur à une courte majorité de 50,9%. Tous les observateurs hongrois objectifs, de gauche comme de droite, reconnaissent que l’opposition a gagné une première bataille mais que la « guerre » contre le FIDESZ d’Orban, si tant est qu’on puisse utiliser ce terme, n’est pas pour demain. Il est difficile de contredire le directeur de campagne du Fidesz, Lajos Kosa, lorsqu’il déclare que son parti est le grand vainqueur car, malgré la campagne de dénigrement dont il a fait l’objet, il est parvenu à rallier 1,8 million d’électeurs contre 1,36 pour l’opposition. Quel parti au pouvoir en Europe depuis près de dix ans ne se satisferait pas d’une telle performance ? Le nouveau maire de Budapest est le premier à en être conscient et n’aura aucun intérêt à s’engager dans une guerre des nerfs avec le Fidesz. Son opposant, le maire sortant Istvan Tarlos, qui au demeurant n’était que sympathisant et non adhérent au parti d’Orban, a été l’un des premiers à féliciter son rival. Tarlos a été sans conteste la plus grande victime du scandale de la vidéo. Il a été éliminé de la scène politique budapestoise alors qu’il était parvenu à gérer une ville où cohabitent des Bulgares, des Roms, des Grecs, des Croates, des Polonais, des Allemands, des Arméniens, des Roumains, des Ruthènes, des Serbes, des Slovaques, des Slovènes et des Ukrainiens. Cela fait beaucoup de monde à encadrer et à satisfaire et il est grand temps que les observateurs étrangers prennent conscience de cette diversité sociologique avant de condamner des régimes pour leur scepticisme face à l’arrivée de réfugiés. Les deux scrutins qui se sont déroulés le même jour en Pologne et en Hongrie ont prouvé, comme à l’accoutumée, la mauvaise foi des médias occidentaux et surtout français à l’égard de ceux qu’on qualifie par facilité de « populistes » pour la simple et unique raison qu’ils réussissent souvent là où les occidentaux échouent. Toutes les minorités listées ci-avant sont protégées par une loi qui est inscrite dans la constitution et qui n’a jamais été remise en cause par les gouvernements de Viktor Orban. Il est des vérités que la presse française ignore ou feint d’ignorer et il est plus facile de titre « un revers pour Orban » que « une nouvelle victoire de la démocratie en Hongrie ». Choisir ce second titre serait reconnaître que la Hongrie n’est pas une dictature ! vjp

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