Russie et Ukraine échangent leurs prisonniers

Russie/Ukraine – Les commémorations de la Libération de Paris ont coïncidé avec la décision des chefs de gouvernement russe et ukrainien d’échanger leurs prisonniers. Bien que ce transfert ne concerne qu’un nombre limité de soldats, il n’en demeure pas moins un symbole très fort dans les deux pays concernés mais aussi en Allemagne et en Autriche, touchés au lendemain de la seconde guerre mondiale par cet épineux et sordide dossier qui a concerné à l’époque plusieurs millions de jeunes militaires dont beaucoup enrôlés de force avaient dû combattre sur ordre et non par conviction politique. Ce sont les plus grandes victimes du second conflit mondial parce qu’elles ont dû endurer des souffrances, dans l’oubli et pendant des années après la fin de la guerre. Les soldats russes, bien qu’ils aient perdu la bataille à cause d’un équipement militaire vétuste comparativement à celui de l’ennemi ont été assimilés par Staline à des traitres à la Nation. Ils ont été l’enjeu d’ignobles négociations et dès leur retour au pays, déportés en Sibérie. Bien que les chiffres exacts ne soient pas connus, tous les historiens sont unanimes et évaluent entre trois et cinq millions le nombre de soldats russes faits prisonniers en 1941 et 1942.

La mère d’un prisonnier remerciant Konrad Adenauer, tous les successeurs du Chancelier ont été confrontés à la réinsertion puis au souvenir des prisonniers de guerre.

Traîtres pour avoir risqué leur vie

Pour faire face à cet afflux, les nationaux-socialistes ont construit à la hâte des camps sur l’ensemble du Reich pour accueillir une population destinée à devenir une main d’œuvre gratuite au profit de l’industrie militaire. Très vite débordée, la Wehrmacht est tombée dans La mère d’un prisonnier remerciant Konrad Adenauer, tous les successeursson propre piège. Elle a aménagée à la hâte onze sites dédiés spécifiquement aux prisonniers russes afin que ces derniers soient éloignés des camps existants où étaient déjà internés des Polonais, des Tchécoslovaques, des Estoniens, des Lettons, des Lituaniens et des Ukrainiens, autant de persécutés qu’il fallait tenir à distance pour se parer de toute rébellion. Dans l’incapacité de mettre sur pied la logistique nécessaire, au bout de quelques mois les soldats russes ont commencé par mourir de faim. On estime à plus d’un million et demi le nombre de travailleurs forcés disparus des suites de la famine, du typhus ou de toutes autres maladies contagieuses. Et c’est exactement le même sort qu’ont connus les soldats allemands vaincus en Russie mais aussi dans toutes les Républiques du bloc soviétique. Se pencher sur le sort des prisonniers de guerre est le meilleur moyen d’analyser les similitudes entre les deux dictateurs qu’ont été Adolf Hitler et Joseph Staline. Les deux ont mis leurs folies meurtrières au service de leur cynisme le plus absolu. Le second, en tant que vainqueur, a pu jouer sur deux tableaux. Au nom de l’humanitaire il a sollicité le rapatriement de ses compatriotes, au nom de la vengeance il a requis le maintien sur son territoire des soldats ennemis. Il faudra attendre 1956, soit plus d’une décennie après la fin du conflit et trois ans après la mort de Staline, pour que les soldats allemands faits prisonniers dans le bloc soviétique retrouvent leur patrie. Quant aux soldats russes rapatriés, plutôt que d’être accueillis les bras ouverts par leurs concitoyens, il leur a été interdit de revoir leur propre famille. Le prisonnier de guerre, quelle que soit sa nationalité, quelle que soit la cause de son engagement, est toujours pris entre deux feux. S’il est dans le camp des vaincus, il n’est jamais considéré comme un martyr, s’il est dans celui des vainqueurs, il n’est jamais assimilé à un héros mais, dans le cas de la perversion stalinienne, à un traître. Dans les deux hypothèses, il demeure toutefois un symbole car il permet, non pas de tirer un trait sur le passé, mais de tenter une réconciliation entre deux pays qui sont ennemis alors qu’ils n’auraient jamais dû l’être. La logique voudrait que tout échange de prisonniers, quel que le nombre de personnes impliquées, fasse l’objet d’une large publicité car il est un marqueur d’espoir. Hélas, l’accueil qu’a tenu à réserver le nouveau président ukrainien, Wolodymyr Selenski, aux trente-cinq prisonniers qui ont atterri à l’aéroport de Kiev, est passé totalement inaperçu en France, alors qu’il est l’amorce d’un nouveau dialogue entre deux pays qui seront amenés à jouer un rôle de premier plan dans l’avenir de l’Europe. 250 Ukrainiens croupissent encore dans les prisons russes mais selon les observateurs proches de ce dossier sensible, ils devraient être prochainement libérés grâce aux liens renoués par Selenski avec Vladimir Poutine. vk (pg5i)

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